Le retour du polar : Casterman voit noir

Alors que Casterman lance une nouvelle et ambitieuse collection en partenariat avec Rivages/Noir, le spécialiste français du polar, Dargaud réplique en mettant en avant le meilleur de ses polars et thrillers en BD. Enjeux d’un marché juteux…

L’an passé, les éditeurs, toujours en quête de nouvelles sources d’inspiration (et de production, reconnaissons-le…), ont commencé à puiser systématiquement dans les grands classiques de la littérature française et étrangère pour nous en proposer des adaptations en bandes dessinées. Citons notamment Delcourt avec sa collection Ex-libris et Adonis (diffusion Glénat) avec sa collection Romans de toujours, deux labels dont nous avons chroniqué de nombreux titres sur ce site.

Cette année, l’actualité remet le policier au cœur de la stratégie des éditeurs. Nombreuses sont les maisons d’éditions disposant déjà d’au moins une collection polar : Encrages et Série B. chez Delcourt, Investigations et Bulle Noire chez Glénat, Dédales aux Humanoïdes associés ou Ligne Rouge chez Casterman. La nouveauté vient de ce dernier qui lance en partenariat avec le fameux label Rivages/Noir des éditions Payot & Rivages, une nouvelle collection d’adaptation de romans policiers issus de ce prestigieux catalogue éditorial. Les deux responsables de la collection sont François Guérif de Rivages/Noir et Matz, scénariste du Tueur, nouvel éditeur chez Casterman pour l’occasion. Voici comment ils définissent le nouveau label qu’ils codirigent : « En 1986, la collection Rivages/Noir voyait le jour. Cette collection est aujourd’hui, avec plus de 700 titres au catalogue, la référence en matière de polar et de roman noir. Rivages/Casterman/Noir se propose, vingt ans après, de donner un prolongement graphique à la collection. Elle a pour ambition de réunir les meilleurs dessinateurs et adaptateurs pour des œuvres choisies, en fonction, bien sûr, de leur impact visuel ». La création du label Rivages/Casterman/Noir permet aussi de débaucher Baru et Lax, deux piliers de la collection Aire Libre de Dupuis, et de renouer avec Rodolphe qui n’avait récemment signé qu’un seul album chez Casterman (Angie, un polar déjà). Bien sûr, le codirecteur de la collection, Matz, ne s’est pas oublié en signant une des premières adaptations.

Les quatre premiers titres adaptés sont alléchants, franchement, tous réussis : Nuit de Fureur de Jim Thomson adapté par Matz et Miles Hyman, Sur les quais de Budd Schulberg par Rodolphe et Van Linthout, Pierre qui roule de Donald Westlake par Lax et Pauvres zhéros de Pierre Pelot par Baru. Chaque ouvrage, vendu au prix de 16€95, adopte une pagination allant de 80 à 128 pages selon les titres adaptés, un format médium et souple, le tout sous une élégante maquette qui rappelle celles des romans. À Bruxelles, pour fêter le lancement de la collection, une exposition présentant une sélection de planches originales de ces quatre premiers titres a lieu jusqu’au 7 juin à la galerie Petit Papiers. Une demi-douzaine de titres est annoncée chaque année.

Coïncidence ? Le magazine Avant-première du groupe Média Participations ajoute un supplément dans son édition du mois de mai intitulé « Enquêtes [très] spéciales, le meilleur du polar en BD ». Sont mis en avant de nombreuses séries du premier groupe européen de bande dessinée (Dargaud-Dupuis-Lombard) : La Liste 66 d’Éric Stalner, Jazz Maynard de Raule et Roger, Les Tribulations du Choucas de Lax, Garrigue de Corbeyran et Berlion, ainsi que Haute Sécurité de Callède et Gihef, sans oublier Black Op de Desberg et Labiano.

Par ailleurs, Casterman enfonce le clou en compilant certaines de ses meilleures séries avec la nouvelle collection Haute Densité proposant de beaux petits albums cartonnés, en couleurs, sous jaquettes, comprenant de trois à cinq tomes (séries ou cycles complets) à un prix imbattable (16€). Si toutes ses séries ne sont pas des polars ou des thrillers, certains titres relèvent du genre : citons Le Tueur de Matz et Jacamon, La Trilogie noire de Bonifay et Daoudi d’après Léo Malet, Du plomb dans la tête de Matz et Wilson, ou Les Coulisses du Pouvoir de Richelle et Delitte…

En cette période de surproduction, l’enjeu est de taille : gagner de nouveaux lecteurs (ceux des romans de polars) et séduire les amateurs des auteurs signant ces adaptations en BD. La guerre du polar en BD ne fait que commencer : Glénat, qui dispose d’un catalogue important dans ce genre (et qui fut l’un des premiers à lui consacrer une collection dédiée), compte bien aussi conforter ses positions comme le montre la récente création de la collection Investigations avec des séries comme Secrets bancaires de Richelle, Hé et Wachs, Le Terroriste de Bartoll et Rovero ou Le Protocole de Convard et Falque. Si vous aimez les thrillers et les bons polars, vous aurez donc l’embarras du choix quand vous irez chez votre libraire préféré…