De Jules Verne à Tarantino
Double actualité pour Brüno avec la parution rapprochée de l’intégrale de sa libre adaptation de Vingt mille lieues sous les mers d’après Jules Verne (Nemo, Treize étrange) et la sortie du dernier tome de la trilogie Inner City Blues (Vents d’Ouest), étonnant polar seventies…
En collaboration avec « Bandes Dessinées Magazine », Auracan.com a rencontré ce jeune auteur débordant d’idées et d’envies.
Tout commence il y a quelques années lorsque Treize étrange souhaita mettre en place une nouvelle collection d’adaptations de romans d’aventures. Brüno (qui a déjà signé quelques opus chez cet éditeur : Cold Train, 50 Portraits of Jazz, Wanted…) propose alors un titre d’Alphonse Daudet : « J’avais initialement pensé à Tartarin de Tarascon, se souvient-il, mais l’éditeur n’était pas très chaud. Du coup, je me suis redirigé vers Jules Verne et j’ai lu Robur le Conquérant. Je voulais éviter d’adapter quelque chose de trop connu. Finalement, j’ai laissé tomber : en parallèle, je lisais Vingt mille lieues sous les mers et j’ai trouvé ce récit plus simple à adapter, plus stimulant graphiquement aussi. Je pouvais m’appuyer sur des scènes assez fortes : le poulpe, l’île aux cannibales, la cité engloutie, les fonds marins… ». S’il avoue s’être retrouvé « un poil déprimé » lors de l’achèvement de son adaptation du roman vernien en quatre albums, Brüno apprécie la proposition qu’on lui a faite de réaliser une intégrale. « C’est une idée de l’éditeur. Le remontage des planches a été très facile puisque mon découpage était pensé de manière à ce qu’il fonctionne au format comix et au format carré ». Nous pouvons donc apprécier cette libre adaptation sous deux versions : en quatre tomes couleurs réunis au sein d’un coffret, ou sous la forme d’une copieuse intégrale carrée en noir et blanc. Quant à Jules Verne, l’auteur précise, non sans humour, que « pour l’instant, je n’envisage pas d’adapter L’île mystérieuse ». Suivez mon regard…
Jazz, soul and funk
À des antipodes de l’univers vernien, Brüno adore l’univers américain des seventies. « Cela faisait longtemps que je voulais écrire, avec Fatima Ammari–B, une histoire se déroulant dans le milieu noir américain de ces années-là ». Pour l’occasion, « même si l’idée de départ de ce récit vient de moi, nous avons monté le scénario ensemble » précise Brüno. Inner City Blues (une comédie assez déjantée mettant en scène le milieu des petits mafieux américains) était aussi l’occasion de « travailler dans un format un peu plus grand que le format comix de Treize étrange qui, à l’époque, ne faisait pas ce type d’albums. Je suis allé tenter ma chance auprès d’éditeurs plus importants également pour des raisons financières. À l’époque, les tarifs de Treize étrange ne me permettaient pas vraiment de payer mon loyer. Je souhaitais aussi voir mes albums bénéficier d’une meilleure visibilité ». Brüno reconnaît que la référence à Quentin Tarantino, utilisée par Vents d’Ouest pour caractériser Inner City Blues « est surtout pratique pour résumer l’esprit de la série, sans trop se perdre dans d’interminables explications. Si j’apprécie son travail, j’aime surtout son talent de recycleur ! » Autres références : « C’est vrai, j’adore le jazz, la soul, le funk. Chez moi, je n’écoute que de la musique américaine des années 1960-1970. Mais comme je bosse aussi en atelier (à l’atelier Pépé Martini de Rennes, ndlr.), le boulot en groupe nécessite évidemment quelques concessions musicales… ». Vous ferez donc comme les colocataires d’atelier de Brüno et lirez les trois tomes d’Inner City Blues en écoutant, en boucle, des disques de Marvin Gaye ou d’Otis Reding !
À venir…
Et du côté des projets ? « Avec Pascal Jousselin, nous réalisons à quatre mains, sans scénario pré écrit, Les Aventures de Michel Swing, dont les 85ères planches sont visibles sur le net (http://michel.swing.free.fr). Une version papier devrait voir le jour chez Treize étrange en avril 2006 ». D’autre part, sachez aussi qu’en compagnie du scénariste Appollo (déjà auteur de La Grippe coloniale et de la nouvelle série Fantômes blancs, les deux chez Vents d’Ouest), Brüno bosse également sur un projet de science-fiction : « Ce n’est pas un space opéra, mais plutôt un truc dans le genre de The Thing de Carpenter ou de Soleil vert. Mais nous cherchons encore des investisseurs… ». Avis aux amateurs !