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Le manga au centre du bilan BD 2005

Après une année 2004 qui avait vu le regroupement et le rachat de plusieurs labels, 2005 est qualifiée par Gilles Ratier, secrétaire général de l'Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée (ACBD), d'année de la « Mangalisation », dans son nouveau rapport annuel.

Une production encore en augmentation

Pour la dixième année consécutive, la production BD est encore en croissance : de 2120 en 2004, on passe à 2701 nouveautés en 2005. Soit une progression de 27% ! Mais dans ces chiffres, ce sont les albums issus de la vague asiatique (essentiellement les mangas japonais et les manwhas coréens) qui tirent leur épingle du jeu. Avec 1142 titres (soit 42,28% du total annuel) en 2005 contre 754 (35,56%) en 2004, ils opèrent une croissance fulgurante de 51,46% en un an. La BD « traditionnelle » ne grimpant que de 14,13 % dans le même laps de temps.

Un nombre d'éditeurs en léger recul

Ils étaient 207, ils ne sont plus que 203. 22 éditaient de la bd asiatique, ils sont maintenant 25 dans ce cas.
A eux seuls, 17 éditeurs publient quelque 70% des BD du marché européen. Au regard des nouveautés publiées, le top 5 est occupé par les groupes suivants :

Groupe Labels Nouveautés en 2005 Pourcentage
Delcourt Delcourt, Akata, Tonkam 308 titres 11,40%
Média Participations Kana, Dargaud, Lombard, Dupuis, Mango, Lucky Comics, Blake et Mortimer, Fleurus… 305 titres 11,29%
Glénat Glénat, Glénat Manga, Vents d'Ouest, La Caravelle 252 titres 9,33%
Flammarion Sakka, Casterman, Fluide Glacial, Jungle, Librio, J'ai lu BD 172 titres 6,67%
MC Production Soleil, Soleil Manga, Gochawon, Futuropolis 168 titres 6,22%

Mais malgré ses 11,58% de la production totale 2005 (c'est-à-dire rééditions comprises), le groupe Média Participations garde une sérieuse avance sur ses concurrents en terme contrôle du marché de la bande dessinée francophone où il occupe 40%. Cette situation est essentiellement due au catalogue de ses maisons d'éditions, où l'on retrouve la plupart des best-sellers de la bande dessinée européenne : Le Petit Spirou, XIII, Largo Winch, Lucky Luke, Blake et Mortimer, Kid Paddle, Cédric, Spirou, Boule et Bill, Les Tuniques Bleues, Blueberry, Blacksad, L'élève Ducobu, Bételgueuse, Le Scorpion, Léonard, L'Epervier, Yoko Tsuno, Lady S, Le chat du rabbin

Produire beaucoup de titres par an n'est pas forcément synonyme de grosses ventes. En général, les éditeurs qui dominent le marché ont un ou plusieurs blockbusters qui leur assurent une certaine rentabilité. Glénat a son Titeuf . Soleil a son Lanfeust , Casterman a son Chat , mais Delcourt ne possède pas de titre dépassant les 120.000 exemplaires alors qu'il se classe premier en termes de production de nouveautés (deuxième en comptant les rééditions et les livres d'illustrations et d'essais).
Le tirage moyen en 2005 passe d'ailleurs en dessous du seuil des 10.000 exemplaires. Ce qui contraste avec le tirage énorme du dernier Astérix : 3.178.000 exemplaires (dont 2.400.000 ont été vendus en 2 mois !). Encore une fois, c'est la renommée de la série d'Uderzo et Goscinny et un excellent marketing qui assurent les ventes (essentiellement auprès d'un public non bédéphile) et pas sa qualité. Hélas…

Le manga : un bon bizness

Alors que l'édition de mangas ne cesse d'augmenter, on voit des éditeurs se jeter sur les œuvres, généralement destinées à un public plus adulte, d'auteurs classiques du genre : Osamu Tezuka, Jirô Taniguchi, Kazuo Umezu, Hideshi Hino, Keiji Nakazawa, Yoshihiro Tatsumi… Sans en arriver à souhaiter des mesures protectionnistes, on peut s'inquiéter de voir le marché déjà encombré envahi par une déferlante asiatique. Le calcul de ces éditeurs est évidemment simple. Publier une œuvre qui a déjà remporté un certain succès dans son pays d'origine est nettement moins cher et moins risqué. L'achat des droits est moindre que pour une production originale, et dans le cas du manga, l'impression est en noir et blanc, ce qui limite le prix de revient et permet de pratiquer un prix de vente attractif. On comprend donc la réaction de certaines maisons d'éditions qui y voient un business lucratif et peu risqué. Mais ne seraient-ils pas en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis ?

Des tirages encore spectaculaires

Le ciel lui tombe sur la tête , dernier opus d'Astérix bat tous les records de tirages avec ses 3.178.000 exemplaires en langue française (8.000.000 pour l'ensemble des éditions toutes langues confondues). Derrière ce mastodonte, le hors-série de Titeuf et Le Petit Spirou se classent deuxième avec 600.000 albums. Viennent ensuite deux best-sellers scénarisés par Jean Van Hamme : XIII et Largo Winch (500.000 ex.). Suivent Kid Paddle et Cédric (400.000 ex.), Boule & Bill (380.000), Le Chat (375.000), Lanfeust des Etoiles (300.000), Spirou (215.000), Les Tuniques Blues (T48 : 200.000, T49 : 185.000), Les Profs , Blacksad, Trolls de Troy et Le Cycle de Cyann (180.000), Blueberry (170.000)… Au total, seule une quarantaine de titres dépasse ou égale les 100.000 exemplaires (soit 1.6% de la production seulement).

La poursuite des adaptations cinématographiques

En 2005, le cinéma a continué à nous servir des adaptations de bandes dessinées européenne, malheureusement décevantes dans la plupart des cas : L'avion, Le démon de midi, La boîte noire, les chevaliers du ciel, Iznogoud … Le septième art s'est également laissé attirer par les comics ( Elecktra, Batman begins, Les 4 fantastiques, A history of violence, Sin City …) et les mangas ( Le Château Ambulant, Kié la petite peste, Applessed …). La BD reste donc un vivier pour cinéastes en mal de scénarios.


Iznogoud de Patrick Braoudé, avec Michael Youn

Une presse BD un peu chahutée

Alors que le magazine Spirou est passé aux mains de Patrick Pinchart (déjà rédacteur en chef de l'hebdomadaire de 1987 à 1993), l'ex-Boss de Spirou, Thierry Tinlot a remplacé Albert Algoud à la tête de Fluide Glacial.

Du côté de la presse consacrée à l'actualité BD, après un changement à sa tête, Bédéka a finalement été contraint à cesser sa parution en octobre. Les Dossiers de la Bande Dessinée (DBD) se sont mués en BullDozer. Bandes Dessinées Magazine a clôturé l'année sur un ultime numéro, en attendant l'arrivée de la Suprême Dimension, le mensuel des éditions Soleil, qui sortira son premier numéro le 20 janvier prochain.

Gageons que 2006 nous réservera encore des surprises... et de bonnes !

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Marc Carlot
Chiffres extraits de l'étude de Gilles Ratier.
08/01/2006 - source : Gilles Ratier (ACBD)