Auracan » Indiscretions » La BD au service des causes humanitaires ?

La BD au service des causes humanitaires ?

unicef
les Bulles pour l'Unicef T1
l'Été des héros © Les Bulles
Un album collectif inédit intitulé les Bulles pour l’Unicef paraît le 29 mai 2010. Une petite quote-part de son prix bénéficiera au Fonds des Nations Unies pour l’Enfance. Les auteurs et les éditeurs réunis pour l’occasion ont travaillé gratuitement et délégué la gestion de cette opération à une société de communication.

À bien y regarder, les exemples de générosité dans le 9e art se multiplient ces dernières années. Preuve d’une prise de conscience sociétale mais aussi d’une vraie démarche marketing. Les causes en bénéficient-elles vraiment ? Décryptage exclusif.


haiti
100 Dessins pour Haïti
© Casterman
Les auteurs de BD répondent souvent présents aux grandes causes humanitaires et caritatives. De nombreux festivals en France ou en Belgique les sollicitent pour qu’ils confient des originaux mis en vente aux enchères au cours de la manifestation. Par exemple, l’association Idées + Passion BD créée en 2005 s’en est fait une spécialité dans le Sud de la France avant de devenir éditeur d’albums. Et bien sûr le Bédéthon créé par Marc Bourgne et organisé désormais depuis quatre années au profit du Téléthon.

Les cadeaux des auteurs sont très variables selon leur notoriété et leur cote, mais quand on connaît la relative paupérisation de la population, cela représente des dons d’une grande valeur. La fréquence des opérations réduit leur visibilité et n’apporte pas vraiment de cotes d’amour particulières pour les généreux donateurs. Le geste en est d’autant plus méritant. Et le plus souvent ce sont bien l’intégralité des recettes qui vont à la cause soutenue.

unicef

contrelesida
les Artistes contre le sida
© Glénat - AIDES
Les éditeurs se sont lancés aussi sur ce créneau de la générosité. En décembre dernier, Glénat éditait l'album collectif les Artistes s'engagent contre le sida pour le quart de siècle de l’association AIDES. Récemment, Casterman a sorti l'album 100 Dessins pour Haïti pour aider les victimes du séisme. Citons aussi le personnage Titeuf de Zep qui soutient Handicap International.

lagaffe
la Biodiversité selon Lagaffe
© Franquin
Marsu productions
Pour leurs jubilés respectivement en 2008 et 2009, les Schtroumpfs puis Boule & Bill ont noué un partenariat avec l’Unicef et la Société de Protection des Animaux, et associé leurs partenaires aux célébrations. Dargaud vient d’ailleurs d’éditer un nouvel album de Boule & Bill intitulé Super Protecteurs des Animaux dont un euro sur chaque vente est reversé à la SPA. Un autre personnage emblématique, Gaston Lagaffe, est devenu la mascotte de l’UNEP (Programme environnemental des Nations Unies) et son éditeur Marsu productions publie deux albums de reprises de gags thématiques : l’Écologie selon Lagaffe en 2009 et la Biodiversité selon Lagaffe le 5 juin prochain pour la Journée mondiale de l’Environnement. Même un jeune éditeur comme Daniel Maghen s’est lancé dans une telle démarche avec Canoë Bay au profit d’Action contre la Faim. Il a d’ailleurs proposé de reverser une partie du produit de vente d’originaux au Festival BD de Vincennes au profit de la Croix Rouge.

roba
Boule & Bill
Super Protecteurs des Animaux

© Roba - Verron / Dargaud
Le principe retenu est le reversement d’une partie des recettes de l’album à la cause mise en avant. Les dons sont autant un argument éthique qu’un argument marketing, sans oublier l’argument fiscal. L’engagement citoyen de l’éditeur comme l’auteur ne fait aucun doute lorsqu’ils s’associent à une cause juste comme la défense des animaux, la protection de l’environnement, la santé ou la précarité. Dans une société qui essaye de promouvoir depuis 23 ans le développement durable, on oublie souvent que ce concept inclut cette dimension éthique et citoyenne. Chaque album est alors l’occasion de présenter la cause défendue et d’inciter les lecteurs à la soutenir. Dans le nouveau Boule & Bill, par exemple, les lecteurs peuvent découper leur demande d’adhésion à la SPA. Mais ne nous leurrons pas. Les éditeurs ne sont pas des philanthropes ! Il est rare que leur soutien ne fasse pas l’objet d’une promotion particulière, au minimum par un autocollant incitant le consommateur à choisir l’album en question.

lagaffe
couverture de Néoplanète n°13
© Franquin / Marsu productions
L’association à une cause généreuse ne peut pas nuire à l’image de la société commerciale. Alors quand un journal comme le bimestriel gratuit Néoplanète reprend le personnage de Gaston Lagaffe en couverture, cela fait une publicité gratuite. Enfin, aujourd’hui, les entreprises notamment en France, bénéficient d’une déduction fiscale accrue depuis 2003. Selon l’article 238 bis du Code général des impôts, leurs dons à des organismes ayant un caractère humanitaire ouvrent droit à une réduction de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 60% du montant du don dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires. L’exemple de l’album au profit de l’Unicef est intéressant. L’idée n’est pas critiquable : la cause est juste et l’Unicef a besoin d’image et de fonds. L’album réunit pour la première fois des héros emblématiques d’une trentaine d’auteurs reconnus comme Boule & Bill, Cédric, Garfield, Kid Paddle, Joe Bar Team, l’Élève Ducobu, Léonard, le Petit Spirou, les Bidochons, les Nombrils, Lou, Lucien, Pico Bogue, Rantanplan, Snoopy ou Yakari.

Une originalité supplémentaire est la réalisation pour l’occasion de planches inédites sur le thème des vacances
(un des droits fondamentaux de l’enfance) avec l’accord des éditeurs Casterman, Dargaud, Delcourt, Dupuis, Fluide Glacial, Glénat, Le Lombard, Lucky Comics et Vents d’Ouest qui ont même fourni leur aide logistique et marketing. L’album de 64 pages, destiné principalement aux enfants, est soutenu par des grands médias et un réseau d’agences bancaires. Il est tiré à 40.000 exemplaires et mis en vente au prix de 10,95 € à partir du 29 mai en France et en Belgique.

unicef
lancement de l’album les Bulles pour l'Unicef au Jardin d’acclimatation de Paris le mercredi 12 mai 2010
© Manuel F. Picaud / Auracan.com

Quelle aubaine pour l’Unicef me direz-vous ! Pourtant, le chèque sur lequel s’est engagée la société de marketing chargée du projet n’est que de 20.000 € soit 0,50 € par album imprimé… Pourquoi un tel écart avec le coût de fabrication sachant que les éditeurs comme les auteurs ont cédé l’intégralité de leurs droits à titre gracieux aux éditions des Bulles ? En fait, la promesse est bien de reverser 1 € par album mais tout dépendra du succès en librairie !

unicef
lancement de l’album les Bulles pour l'Unicef au Jardin d’acclimatation de Paris le mercredi 12 mai 2010
© Manuel F. Picaud / Auracan.com

Par ailleurs, la société conceptrice s’est engagée à participer à l’organisation de manifestations de visibilité dans de nombreuses villes en France avec rassemblement d’enfants déguisés en personnages de BD et lâchers de ballons. Un test s’est déroulé avec succès le mercredi 12 mai au Jardin d’acclimatation de Paris en présence de plusieurs classes d’écoles et de toute la profession. Le programme des festivités prévues le 29 mai 2010 à 15h30 est en ligne, mais déjà Agen, Arras, Auxerre, Audincourt, Besançon, Châteauroux, Colmar, Épinal, Gruissan, Le Mans, Levallois-Perret, Maubeuge, Mont-de-Marsan, Montélimar, Puteaux, Rambervillers, Versailles et Villefranche-sur-Saône ont confirmé leur participation. Les municipalités qui le souhaitent peuvent participer au lancement de cet événement en organisant un lâcher de ballons le samedi 29 mai 2010 avec des enfants déguisés en personnages de BD. Pour ce faire, elles acquièrent pour 300 € un kit clé en main comprenant 1.000 ballons, 50 affiches personnalisables, 1.000 dépliants présentant les droits de l’enfant par des personnages de BD.

unicef
lancement de l’album les Bulles pour l'Unicef au Jardin d’acclimatation de Paris le mercredi 12 mai 2010
© Manuel F. Picaud / Auracan.com

L’équipe qui a travaillé sur le projet pendant 18 mois ne l’a pas fait gracieusement
, ni l’imprimeur, ni les diffuseurs. Du coup, sur le chiffre d’affaires escompté de 438.000 €, les coûts fixes ne permettent pas d’envisager plus d’un euro par album selon les organisateurs. Mais l’opération offre une visibilité de l’organisation non gouvernementale dans toute la France. Il faut tout de même espérer que la collecte nette augmentera avec la prochaine édition qui est d’ores et déjà prévue pour 2011 en souhaitant faire ainsi un rendez-vous annuel.

bedethon
soutenez le Bédéthon 2010 en cliquant ici !

Cela dit, ces albums collectifs ou hors série offrent aux lecteurs, notamment les collectionneurs, des objets rares et originaux qui leur permettent d’aider même modestement des causes qui en ont bien besoin. Reste que ce sont les auteurs les plus généreux et qu’il ne faudrait pas multiplier les projets de ce genre laissant croire qu’ils peuvent travailler gratuitement…

Partager sur FacebookPartager
Manuel F. Picaud
  • 100 Dessins pour Haïti, collectif, Casterman, collection Univers d'auteurs - 14,00 €
  • Canoë Bay de Tiburce Oger et Patrick Prugne, Daniel Maghen - 16,50 €
  • Boule & Bill - Hors-série : Super protecteurs des animaux de Jean Roba et Laurent Verron, Dargaud - 10,95 €
  • Gaston Lagaffe - Hors-série 2 : la Biodiversité selon Lagaffe d'André Franquin, Marsu Productions, à paraître le 4 juin 2010 - 9,95 €
  • Les Artistes s'engagent contre le sida, collectif, Glénat - 14,99 €
  • Les Bulles pour l'Unicef T1 : l'Été des héros, collectif, Les Bulles, à paraître le 29 mai 2010 - 10,95 €
20/05/2010 - source : auracan.com