Auracan » Indiscretions » Les Kerascoët

Les Kerascoët

Miss Pas Touche T1

Mais qui se cache donc derrière le pseudonyme de Kerascoët ? Pour le savoir, à l'occasion de la parution chez Dargaud du premier tome de Miss pas touche , nous avons rencontré ce pétillant couple d'auteurs qui multiplie avec bonheur les expériences graphiques et narratives…

Elle, jolie brunette souriante, née en 1978 : Marie Pommepuy . Lui, faussement sérieux derrière ses lunettes à gros bords, né en 1975 : Sébastien Cosset . Leur pseudonyme commun, ils l'ont adopté en 2002 pour signer le livre-CD Anita O'Day paru dans la collection « BD Jazz » des éditions Nocturne. Comme ils trouvaient que leurs deux noms accolés auraient pris beaucoup de place sur la couverture, « nous avons établi une liste de pseudos possibles, se souvient Sébastien. Dans le lot, celui de Kerascoët, le nom du lieu où habitent les parents de Marie en Bretagne, a beaucoup fait rire nos amis. Et avec un tel pseudo, on ne pourra pas nous reprocher de nous prendre au sérieux ! ».

Les débuts

Sébastien débute en bande dessinée en rencontrant une bonne connaissance de son père : un certain Didier Convard . S'ensuivront deux albums : Res Punica , paru chez Glénat (sur un scénario signé par son père), puis la reprise, malheureusement avortée, de Rogon le Leu , chez Delcourt, une série pas assez connue, consacrée aux légendes celtiques, initialement signée Convard et Chabert. « Alors que j'avais commencé à dessiner le 6 e tome de Rogon , Didier Convard a été nommé directeur éditorial chez Glénat. Comme il s'est retrouvé extrêmement pris par ses nouvelles fonctions, je n'ai alors plus reçu de scénario… » confie le jeune homme. Puis vint la rencontre avec Marie et le début de leur collaboration commune. « Nous travaillons ensemble, explique Marie. Nous n'avons pas le même style, et si nous ne dessinons pas de la même façon, nos dessins sont complémentaires. Il faut mettre son ego de côté ». Et Sébastien de compléter : « Marie dessine ainsi depuis toujours, c'est quelque chose d'inné chez elle. Pour ma part, je ne me suis jamais affirmé dans un style, j'ai juste une technique de dessin. Nous sommes en constante évolution… » Une évolution qui leur fait aborder autant de registres que leurs envies sont variées : dessins animés, confections d'étonnants petits bonhommes en tissus (visibles sur leur site www.kerascoet.fr à la rubrique « coutures »), illustrations, bandes dessinées…

Donjonneries

Embauchés par Joann Sfar pour collaborer à la réalisation des excellents dessins animés Petit Vampire , les Kerascoët y jouent le rôle « de garants du style graphique de Sfar. Avec cette expérience très intensive, nous avons rejoint une famille graphique. Mais plutôt qu'un style, nous cherchons toujours une personnalité propre » précise Sébastien, qui ne comprend toujours pas pourquoi certains lecteurs trouvent le style des Kerascoët proche de celui de Christophe Blain  : « Les gens ne savent vraiment plus quoi dire ! À croire que si, aujourd'hui, on ne fait pas du “gros nez“, on fait du Sfar ou du Blain ». Après cette collaboration « très enrichissante », les auteurs se voient rapidement proposer par le créateur du Chat du Rabbin de reprendre le dessin de l'une des séries de Donjon , cet univers parodiant avec talent le registre de l'héroïc-fantasy. Non sans humour, et avec franchise, les Kerascoët se souviennent de l'accueil peu positif de Lewis Trondheim , co-auteur de la série : « Lewis avait beaucoup d'a priori. Il pensait que nous allions faire du sous-Sfar. » Finalement, les choses se passent bien et leur premier Donjon Crépuscule (- 104 : Le Dojo du Lagon ), paraît chez Delcourt en juin 2005 et connaît un très bon accueil, malgré de nombreux fans qui les attendaient au coin du bois. « C'est une vraie récréation de travailler sur cette série aux univers très variés, à laquelle participent de nombreux auteurs, au sein notamment des Donjon Monsters . Nous le faisons dans l'enthousiasme ». Une reprise assurément réussie : « Nous continuerons tant que cela nous amusera »… Les Kerascoët viennent ainsi de terminer leur deuxième album de Donjon Crépuscule , à paraître le 4 octobre prochain.

Miss pas touche

Mais avec Donjon Crépuscule , Marie ne pouvait assouvir son envie de dessiner des femmes comme elle aime le faire : « J'avais le désir de dessiner un huis clos entre des nanas… ». Comme les auteurs connaissaient depuis quelque temps Hubert , coloriste réputé et scénariste des séries Le Legs de l'Alchimiste (Glénat) et Les Yeux verts (Carabas), et souhaitaient travailler avec lui, l'idée d'une nouvelle histoire répondant à leurs envies communes est née. Après un premier projet inabouti, Marie, Sébastien et Hubert mettent en chantier un polar, aujourd'hui publié au sein de la collection « Poisson Pilote » de Dargaud, dans « un contexte réaliste, mais qui reste libre, d'où le choix pour Miss pas touche du Paris des années 1930, moins marqué que la décennie précédente » et, apparemment, moins contraignant en terme de décors et de modes vestimentaires. Miss pas touche nous raconte l'étonnant parcours de deux jeunes filles de province, engagées comme bonnes à tout faire chez une vieille bourgeoise parisienne. L'époque est aux bals dans les guinguettes, des soirées entre copines en quête d'un petit ami… Mais un sanguinaire « Boucher des Guinguettes », ainsi surnommé par une presse déjà en quête de sensationnel, sévit et terrorise les esprits.

Fine comédie

Pour élucider le meurtre de sa sœur Agathe, jeune fille quelque peu délurée, la prude Blanche finit par se faire engager dans une maison close afin de percer le mystère du « Boucher des guinguettes »… Drôle de contexte ? Réponse : « Nous ne souhaitions pas que ce récit soit glauque ou graveleux, précisent les Kerascoët. Vous savez, il y a beaucoup de similitudes entre un couvent et un bordel : il s'agit d'un lieu clos, peuplé de femmes vivant ensemble, gouvernées soit par une mère supérieure soit par une mère maquerelle… » S'ensuit donc la très sympathique aventure de Blanche dans une fantaisie narrative et graphique qui connaîtra sa suite et fin, intitulée Du sang sur les mains , dès le mois de janvier prochain. Avec Miss pas touche , et peut-être bien pour la première fois, l'association des dessins de Marie et Sébastien acquiert une totale autonomie graphique. « Nous nous sommes vraiment amusés avec cet album. Avec Hubert, nous avons écrit la plus courte enquête de l'histoire de la bande dessinée : tout est bouclé en trois cases ! » confie Sébastien en souriant, tandis que Marie rigole du traitement qu'ils ont infligé à leur héroïne : « Nous sommes vraiment très cruel avec Blanche, nous jouons avec ses sentiments, nous lui faisons vivre les pires situations… ». À propos de Blanche, on remarquera également combien les auteurs ont réussi leur coup : pas une seule fois, leur personnage n'adopte la même expression du visage. Un joli tour de force pour un album extrêmement dense « comme ceux que nous aimons lire ».

Une dernière question avant de quitter les Kerascoët : « Si vous réalisez ensemble les planches de vos albums, comment faites-vous pour vos séances de dédicaces ? ». À Sébastien de répondre pendant que Marie dessine : « Nous nous sommes réparti les tâches : Marie dédicace Miss pas touche et moi Donjon Crépuscule , tout simplement ». Pas bête.

Partager sur FacebookPartager
Brieg F. Haslé

Tous les visuels sont © Hubert - Kerascoët / Dargaud

Remerciements à Raphaële Perret et Lise Louvet.

09/06/2006 - source : auracan.com