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La planche et la fourchette

Quand donc un sociologue étudiera-t-il les raisons de la vogue actuelle de tout ce qui tourne autour de la cuisine. Bouquins, concours, multiples émissions télé, chefs au statut de stars... La nourriture et ses multiples déclinaisons, de la haute gastronomie au sandwich ont incontestablement le vent en poupe. Au grand dam des médecins et diététiciens sans doute, à moins que la bonne chère et ses abus ne puissent être considérés comme une porte ouverte aux régimes et diètes en tous genres.

Phénomène de société ? Phénomène médiatique ? L'art culinaire a déjà été abordé en BD, sous forme de transposition de recettes. Et puis, une BD, ça peut se dévorer, se déguster, se savourer... ou paraître indigeste. Faut-il en faire tout un plat ? Sur un délai de quelques semaines, on retrouve la cuisine au menu de deux albums édités chez Casterman. Dire qu'elle est le sujet central de ces livres serait peut-être exagéré, mais elle y participe grandement.

Né d'un concours organisé par l'éditeur, le magazine féminin BE et la marque Lesieur, Des filles de goût évoque le quotidien de Maud, Eloïse, Lila et Gabrielle, quatre citadines attentives aux produits qu'elles achètent et... à ce qu'elles vont manger. Illustratrice et graphiste free-lance, Caroline Guiot nous propose des historiettes en une ou deux planches. On est dans le domaine du girly, tendance dans l'air du temps, mais le dessin plaisant de la lauréate manque de dynamisme pour s'inscrire réellement dans notre case préférée. Quant aux scénarios, on est dans le léger-léger pour ne pas dire futile. Dommage... On peut penser que l'auteure répondait forcément à un cahier des charges précis imposé par le principe du concours. N'empêche, il serait certainement intéressant de retrouver Caroline Guiot sur un sujet plus libre ou des bases plus personnelles.

Presque à l'opposé, la collection Écritures accueille une réédition adaptée à l'occidentale du Gourmet solitaire de Jirô Taniguchi et Masayuki Kusumi. Ce dernier collabore depuis 1981 avec le dessinateur Haruki Izumi pour produire des mangas sur la gastronomie. Quant à Jirô Taniguchi, il n'est plus nécessaire de le présenter. Le Gourmet solitaire se situe dans un esprit proche de L'Homme qui marche. Son personnage central se déplace pour son travail, et chacune de ses étapes correspond à un passage par un restaurant, et à un plat, simple ou sophistiqué. L'occasion aussi de découvrir que la cuisine japonaise ne se limite pas aux sushis et aux bentos. Jirô Taniguchi est incontestablement un pourvoyeur de sensations, de sentiments et... d'une forme de plénitude. Il fait une fois de plus merveille sur ce sujet, nous offrant le plaisir simple qui a fait, entre autres, tout le succès littéraire de La première gorgée de bière d'un Philippe Delerm.

L'art culinaire est multiple et varié, chacun peut y trouver ce qu'il aime. En deux albums, on se balade d'un fast-food branché et... vite digéré au bon petit resto traditionnel, discret et dont on se refile l'adresse de bouche à oreille... Bon appétit !

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Pierre Burssens

Photo © Pierre Burssens / auracan.com

16/10/2013 - source : auracan.com