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De l'outil au Patrimoine, les archives Dupuis se redéfinissent !

Après leur Le Spirou de Rob'Vel , c'est à la version de Joseph Gillain du groom emblématique des éditions Dupuis que s'attachent les infatigables Spiroulogues Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault dans Le Spirou de Jijé. En effet, Jijé reprend le héros des mains de Rob-Vel en 1940 et lui invente de nouvelles péripéties. Semaine après semaine, il définit les contours de ce héros encore en devenir, lui apportant certes une élégance graphique indiscutable, mais également une énergie et une fantaisie remarquables.

Ce bel album sort cette semaine, et comporte notamment un fac-similé d'une affiche réalisée en 1940 qui présente les neuf commandements du code d'honneur des Amis de Spirou.  En novembre, les mêmes passionnés nous proposeront un très bel ouvrage consacré aux couvertures du Moustique, très populaire revue d'actualité et de programmes radio publiée par Dupuis. 

La plupart des artistes qui signaient ces couvertures faisaient alors leurs premiers pas dans la bande dessinée et, avant même de leur ouvrir les portes du Journal de Spirou, Charles Dupuis leur laissait carte blanche pour illustrer ces premières pages. Le livre rassemblera ainsi 200 couvertures au casting prestigieux : Franquin, Morris, Jijé, Will, Rosy ou Peyo, mais aussi, parmi d'autres Goscinny, Yvan Delporte, Moallic ou encore Sempé qui en réalisa une soixantaine ! Les couvertures reprises dans l'ouvrage intitulé Franquin, Morris, Jijé, Sempé... 200 couvertures inédites pour le journal Le Moustique sont commentées et replacées dans la perspective de leur époque par Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault.

Intégrales, ouvrages mettant en avant le patrimoine de l'éditeur de Marcinelle... voilà qui représente une branche bien particulière de l'édition, et un processus très différent de celui suivi par un nouvel album classique. « Dupuis connaissait son patrimoine, explique Christelle Pissavy-Yvernault, et des intégrales existaient déjà, mais je pense que les 75 ans de Spirou et la publication du tome 1 de notre Véritable histoire de Spirou ont constitué une sorte de déclencheur qui a amené la maison d'édition à mesurer vraiment la valeur de celui-ci et la nécessité de le mettre en lumière. Pour chacun des livres que nous réalisons ou auquel nous collaborons, on découvre des histoires et des documents incroyables qui méritent vraiment d'être partagés ».

Concrètement, matériellement, Dupuis est ainsi en train de réorganiser totalement ses archives, caverne d'Ali Baba pour nos chercheurs : « Cette réorganisation répond à cette prise de conscience, précise Christelle, on passe de l'outil de travail dans lequel quasi chaque employé de la maison pouvait venir fouiller, à une organisation et un classement qui correspondent à une approche réellement patrimoniale. Ce n''est pas par hasard que l'entrée des locaux des archives est aujourd'hui soumise à un code numérique. »

Le travail (imposant, faut-il le préciser...) est entamé, sous la direction d'Alex Minne, sales manager pour la Belgique, et un archiviste, Jonathan Rombaut, a été engagé pour le mener à bien. Des armoires blindées coulissantes impressionnent tant par le contenant que par le contenu : les premiers Spirou, la collection des recueils, des centaines de boîtes de films d'imprimerie, les albums BD, évidemment, mais aussi les Bonne Soirée, des romans, des exemplaires de tout ce qui a été édité par Dupuis.

Tout ou presque : « Les archives ont probablement souffert des différents déménagements du siège de l'éditeur, poursuit Christelle Pissavy-Yvernault, certaines pièces ont été perdues, d'autres ont sans doute été dérobées, mais on constate des trous dans les collections. On peut même imaginer que certains ouvrages ou documents n'ont tout simplement pas été versés aux archives à l'époque de leur publication. Il arrive heureusement que des collectionneurs fassent don de leur collection à Dupuis, ce qui permet parfois de retrouver certains trésors. Mais, par exemple, pour notre ouvrage à paraître consacré aux couvertures du Moustique, nous avons dû retrouver des exemplaires du magazine par d'autres canaux que ces archives. À l'inverse, il arrive parfois que l'on ouvre une boîte censée contenir les films des planches de tel ou tel album, et que l'on y découvre des photos complètement oubliées ayant trait à la vie de la maison d'édition et à sa longue histoire. » 

Et des trésors, ces locaux en regorgent, tant pour l'historien que pour le bibliophile, le chercheur ou le bédéphile. Difficile en effet de fixer son regard sur une étagère sans qu'il ne soit appelé vers une autre, tant les noms des grands de la BD se succèdent d'un rayonnage à l'autre, d'une boîte d'archives à une série d'albums brochés ou cartonnés. Et, dans une odeur de papier, tellement de souvenirs qui se réveillent... Illustration amusante de la notion d'outil de travail anciennement associée à ces archives, l'état fort différent de la collection des recueils de Spirou et de celle de son homologue néerlandophone Robbedoes, qui a l'air... presque neuve !

En nous faisant visiter ces lieux, Christelle en profite pour consulter tel ou tel document ou album.  Tiens, tiens... elle feuillette les deux premiers tomes (brochés) de Jess Long : « Les idées d'intégrales ne manquent pas, les envies non plus, mais il s'agit d'un travail de longue haleine. Nous travaillons  actuellement avec Frank Pé à une intégrale Broussaille, pour septembre 2016, tout en poursuivant ce qui est entamé. Au-delà, le programme que nous aimerions développer est riche, mais il est trop tôt pour en parler. »

Alors que nous regagnons les bureaux, Stéphane Moulin, secrétaire d’édition, présente à Christelle les épreuves de Franquin, Morris, Jijé, Sempé... 200 couvertures inédites pour le Journal Le Moustique : « Stéphane assure la coordination entre différents services, la fabrication, le graphisme, les correcteurs… c’est une interface précieuse, et par rapport à ce qu’exigent les ouvrages sur lesquels nous travaillons, il est vraiment notre bras droit dans la maison… » 

Mais qu’est-ce qui fait courir Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault ? « Nous adorons la BD, c’est clair, mais je pense qu’au-delà il y a une passion de la recherche. Il y a peu, nous avons regardé une émission télé dans laquelle on décrivait toutes les recherches et analyses effectuées pour prouver l’authenticité d’un crâne qui semblait être celui d' Henri IV. C’est très éloigné de notre domaine, mais Bertrand et moi étions fascinés… »

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Pierre Burssens
29/10/2015 - source : auracan.com