Dupuis joue la carte Patrimoine

Les intégrales Dupuis ont, depuis leur apparition, conquis un public composé d'amateurs de BD au sens large et pas uniquement de nostalgiques. Le catalogue "patrimoine" de l'éditeur s'est progressivement étoffé. D'autres ont emboîté le pas à la maison marcinelloise, mais Dupuis a visiblement accéléré et amplifié les choses avec et depuis son 75e anniversaire. Reconnaissons-le, son patrimoine est riche et... il y a de quoi faire !

Ainsi, en attendant une le premier volume d'une intégrale de Broussaille prévue pour octobre (simultanément à la publication de La Lumière de Bornéo, le Spirou de Frank Pé et Zidrou), trois nouveaux tomes ont récemment fait leur apparition en librairie. Hasard éditorial, chacun des trois volumes présente, d'une manière ou d'une autre, un tournant décisif de la série à laquelle il est consacré.

Le tome 4 de L'Intégrale des Schtroumpfs couvre les années 1975 à 1988. Une période qui marque l'avènement de la Schtroumpfmania. À partir du film d'animation adapté de La Flûte à six Schtroumpfs, en effet, l'histoire s'emballe pour les petits lutins bleus. Les USA leur font yeux doux et le studio Hanna Barbera produit des dessins animés des Smurfs qui vont mondialiser le phénomène. Le studio Peyo déborde d'activités, ce qu'on appellerait aujourd'hui le "merchandising" se développe autour des Schtroumpfs, quitte à ce que les petits personnages y perdent un peu de leur âme. Peyo, cependant, continue à veiller à ne pas se couper de ses racines en BD, et supervise encore la réalisation des 4 albums rassemblés dans cette intégrale : La Soupe aux Schtroumpfs, Les Schtroumpfs olympiques, Le Bébé Schtroumpf et Les P'tits Schtroumpfs. L'ensemble est introduit par un riche et copieux dossier rédigé et réalisé par Hugues Dayez.

Pour Bizu, dont le tome 2 de l'intégrale est disponible, les choses sont bien plus complexes. L'évolution du petit habitant de Brocéliande est intimement liée à la période Spirou et Fantasio de Jean-Claude Fournier. Le dessin du personnage emblématique des éditions marcinelloises lui est retiré sans grande explication, et la suite de la série, incertaine, oscille un temps entre les signatures de Nic Broca et de... Tome et Janry. Ces événements interviennent alors que se profile le rachat des éditions Dupuis. C'est finalement chez Fleurus que Bizu poursuit ses aventures, avec Le Signe d'Ys et Le Fils de Fa Dièse, deux histoires "longues" qui constituent le Cycle de Keryna et le coeur de ce volume. Ce cycle aurait dû se compléter d'un troisième volet, Le Grand Désordre, resté inachevé, et dont les 35 premières planches, inédites, sont dévoilées dans cet album. Un intéressant dossier de Martin Zeller complète l'ensemble et évoque cette période mouvementée.

Cette période difficile du rachat des éditions Dupuis, saga éditoriale, financière et familiale, pèsera aussi de tout son poids, avec de nouvelles directions, sur l'évolution de Boulouloum et GuiliGuili, la série de Mazel et Cauvin. La série, au seuil des années 80' se voit rebaptisée Les Jungles perdues, alors que ses héros prennent pour nom Kaloum et Kong. Un virage désarçonnant à plus d'un titre, puisque outre ces changements de patronymes, les personnages vieillisssent et l'univers de la série explose pour aborder des thèmes relevant davantage du fantastique ou de la science-fiction. Ces nouvelles pespectives réjouissent un temps le prolifique Raoul Cauvin, mais même avec le trait toujours aussi séduisant de Luc Mazel, les lecteurs auront du mal à continuer à adhérer à une série quelque part coupée en deux. Le duo continuera à assurer, un moment encore, la poursuite de son autre série commune, Les Mousquetaires. Ce second tome de L'Intégrale Boulouloum et Guiliguili rassemble les albums Rapt, Les Aventuriers de la préhistoire, Les Chevaliers de l'enfer, Le Péril rouge et Les Épaves ressucitées. Il est introduit par un dossier signé Patrick Gaumer.