La Plagne invite la BD et le carnet de voyage
La Plagne est l’une des plus grandes stations de sports d’hiver, à la fois par le domaine skiable et par la capacité d’accueil touristique. Mais qu’en faire en été ? Qu’y faire pendant la belle saison ? Pour attirer les vacanciers, les autorités locales développent une politique culturelle et sportive d’envergure. Ainsi, la station investit beaucoup sur « Culture Plagne, festival des artistes écrivains voyageurs ». L’édition 2008, présidée par José Muñoz, où Auracan.com s'est rendu pour vous, a accueilli pas moins de 80 auteurs d’horizons très variés du 10 au 13 août.
© Maison du tourisme de la Plagne
Attirer le chaland vacancier au cœur de l’été à près de 2000 mètres d’altitude pour une manifestation culturelle de haut niveau est un pari un peu fou, mais le nombre et la qualité des artistes invités pour Culture Plagne 2008 avaient bien de quoi faire saliver tant les amateurs de carnets de voyage que, pour ce qui intéresse plus particulièrement Auracan.com, les fans de bandes dessinées.
Un plateau de choix
Déjà, les têtes d’affiche méritaient le détour : outre José Muñoz, qui présidait cette édition, Jacques Ferrandez était l’invité d’honneur, et a présenté en avant-première son nouvel ouvrage, coécrit avec son fils Pierre, Cuba Père et fils, sur lequel Auracan.com aura l’occasion de revenir très prochainement. Par ailleurs, il faut mentionner Daniel Casanave, les complices Benjamin Flao, Christophe Dabitch et Jean-Denis Pendanx, Pierre Duba, Vink et son épouse et collaboratrice Cine, Christian Cailleaux, Stefano Casini, qui avait délaissé quelques jours sa Toscane natale pour les Alpes françaises en compagnie de son éditeur, Michel Jans (éditions Mosquito), venu, lui, de sa montagne toute proche, Maurice Rajsfus, qui présentait sa première histoire sur Israël et la Palestine mise en BD sur le stand de son éditeur Tartamudo, Hippolyte, Aude Samama, venue d’Angoulême défendre deux BD-CD parus chez Nocturne, Troub’s, qui en a profité pour animer une conférence sur la Chine avec quelques compères, comme Guillaume Trouillard, animateur des éditions de la Cerise à Bordeaux et heureux lauréat du Prix Libération 2008, Marc Yves Legrain-Crist et Laurent Segal, qui ont projeté leur making of du film Largo Winch devant un public de professionnels très attentifs et enchantés. À donner envie aux éditeurs de proposer d’autres films sur leurs propres auteurs.
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Signalons encore Éric Warnauts et son caustique compère Guy Raives, Gerardo Balsa, jeune auteur argentin installé à Barcelone, en cours de négociations avec un grand éditeur de la région pour l’adaptation des Révoltés du Bounty de Jules Verne, Michel Pierre, ami de feu Hugo Pratt et auteur, entre autres, des Recettes de la Cambuse, qui a animé une conférence sur Corto Maltese avec Jacques Ferrandez… Une liste à s’essouffler tant elle était longue et prometteuse. Allez, juste encore deux noms, pour l’émotion ou la beauté de leurs œuvres : Pat Masioni pour son diptyque Rwanda 1994, superbement triste (Albin Michel), et Elsie Herberstein, pour notamment son Alger, carnet de voyage (Jalan Publications).
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Dans une ambiance décontractée
Le temps et le décalage par rapport à l’activité normale étaient propices aux confidences, propos tantôt légers tantôt profonds, et marques d’amitié. Sur le stand Tartamudo, donc, Maurice Rajsfus raconte, avec un certain humour et un détachement certain, ses premiers pas dans le monde du diamant, dans le Paris des années 40, comment il échappe de peu aux rafles, puis, devenu des années plus tard, journaliste secrétaire de rédaction, des anecdotes amusantes sur la vie du quotidien le Monde du temps du « plomb ». Et, pour peu que l’on s’intéresse, il n’hésite pas à montrer cette horrible étoile jaune qu’il portait pendant la guerre et qu’il montre depuis dans les écoles pour rappeler aux jeunes classes ce qu’était l’horreur nazie. Un vrai choc. Après la projection d’un court métrage sur son album, il a d’ailleurs tenu à rappeler que le respect de l’autre n’est pas une affaire de tolérance : « Comme disait Clémenceau, la tolérance, il y a des maisons pour ça. Il s’agit plutôt d’amitié. »
Après la visite d’un glacier organisé par le festival, auxquels presque tous les auteurs ont participé, Stefano Casini, lui, après avoir bronzé à 3000 mètres d’altitude en compagnie de son éditeur, papotait influences, auteurs préférés, admirés, sources d’inspiration, puis évoquait la passion de son père pour la peinture : « Il peint vraiment bien, et comme il est daltonien, il a une palette de couleurs bien particulière et étonnante. » Avant de revenir à son travail présent : « J’ai fini un gros album pour mon éditeur italien Bonelli, et à présent je suis sur le quatrième et dernier tome de la série Hasta la victoria, pour Mosquito. »
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Il n’est pas que des auteurs assis sagement devant quelques ouvrages et prompts à dégainer les dédicaces, les visiteurs pouvaient admirer quelques expositions de planches originales, Cuba Père et fils, bien sûr – Jacques Ferrandez était l’invité d’honneur –, mais aussi celle consacrée à Ivan Zourine de Jacques Stoquart et René Follet, publiée aux éditions Des Ronds dans l’O, et intéressante à au moins deux titres. C’était la première fois que l’on pouvait voir autant de planches originales en même temps, et les bénévoles du comité d’organisation du festival avaient particulièrement bien décoré les lieux – pour le plus grand bonheur de Marie Moinard, l’éditrice. À se croire en Sibérie !
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Les honneurs du festival
Damien Roudeau a reçu le Grand Prix du festival 2008 pour De bric et de broc, reportage dessiné d’un séjour de un an dans une communauté Emmaüs (éditions Parole et Silence). Le premier prix du concours du carnet de voyage est revenu, lui, à Patrice Cablat, qui vient de publier les Pierres aveugles avec Thierry Groensteen aux éditions de l’An 2.
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Pour autant, le risque d’une telle manifestation en vaut-il la chandelle ? Organiser pareil événement avec un tel plateau est très lourd, tant financièrement que humainement. Pour Patrick Hazeaux, qui gère toute la partie technique des manifestations de La Plagne, certes, il ne faut pas s’attendre à un retour sur investissement rapide. Mais comme il l’explique dans un entretien exclusif pour Auracan.com (à paraître), l’important est bien de changer l’image de la montagne en été, qui souffre d’une certaine désaffection depuis quelques années. Un tel engagement, comme les autres manifestations estivales de la station, ne peut se concevoir que sur du long terme, et, pourquoi pas, se décliner pendant la saison de neige, sous une forme différente – même si ce n’est là qu’une piste de réflexion pour l’instant…
Pour sa part, Geneviève Ruffier-Lanche, présidente du comité d’organisation, se montre particulièrement satisfaite de cette édition : « C’est le sixième salon du livre, mais la deuxième fois que Culture Plagne se déroule de cette manière, avec comme fil rouge le carnet de voyage et la BD reportage. La première édition, en 2007, était présidée par Edmond Baudoin, ce qui était déjà bien. » Parmi les auteurs présents l’an dernier, seuls sont revenus ceux qui avaient une nouvelle actualité, Christian Cailleaux venu en 2007 pour Tchaï Masala (chez [Treize Etrange]) et cette année pour R97. Les hommes à terre (chez Casterman), ou Pierre Duba pour la Traversée des abandons en 2007 (chez 6 Pieds sous terre), et cette année pour Rien que l’Arctique (avec Hanne Orstavik, même éditeur).
Des changements attendus pour l’édition 2009
Geneviève Ruffier-Lanche raconte aussi avec plaisir son parcours : « Il y a trois ans, j’ai écrit un ouvrage sur mon petit village, qui rendait hommage à tous nos anciens. Puis, comme la Maison du tourisme cherchait des bénévoles, j’ai commencé à m’intéresser au salon, puis j’ai suggéré un fil rouge pour communiquer. Au final, je me suis retrouvée bénévole à plein temps en première ligne. Le comité d’organisation est une équipe de plus de trente bénévoles, qui travaille à l’élaboration du festival avec la Maison du tourisme. »
Un premier bilan ? Geneviève Ruffier-Lanche retient les mêmes idées-forces que pour l’édition 2007 : « le côté convivial du festival, le fait d’accueillir les auteurs à Paris, au Train bleu. Ils mangent ensemble, ils ne travaillent pas toute la journée, ils sont encore en vacances. »
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Quoi qu’il en soit, les auteurs sont ravis, à l’image de la carnettiste Émily Nudd-Mitchell que la présidente du comité d’organisation suit tout particulièrement, et pour cause : « Elle s’est présentée avec ses planches et ses carnets sur notre stand au Salon du Livre à Paris en mars. J’apprécie beaucoup son travail. Nous l’avons sélectionnée dans la catégorie jeunes talents. » Pendant le festival, la Normande (et Madrilène d’adoption) Émily Nudd-Mitchell, venue avec Barbara, sa petite sœur étudiante, a noirci, comme tant d’autres carnettistes, une cinquantaine de pages d’un carnet tout neuf acheté pour l’occasion. Geneviève Ruffier-Lanche et Patrick Hazeaux ont été séduits, lui ont demandé de le terminer, de le mettre en forme, puis de l’envoyer à La Plagne : « Nous réfléchirons alors à la suite à donner au niveau de la station. »
Faut-il ne retenir qu’une chose de l’édition 2008 ? Pour Geneviève Ruffier-Lanche, « c’est l’énorme gentillesse de José Muñoz et de Jacques Ferrandez. J’ai rencontré José Muñoz à Paris chez lui il y a quelques mois. J’ai sonné, il m’a ouvert, et quelqu’un était dans l’appartement, de dos, un peu dans l’ombre. Je ne l’ai pas reconnu tout de suite, c’était Carlos Sampayo. Nous avons passé une après-midi merveilleuse. Ce n’est pas donné à tout le monde d’être aussi humble, ouvert, gentil. Tout découle de là. Tu sens tout de suite que ça va bien se passer. Ils sont dans la ligne que nous voulons donner au festival. »
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