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La BD à artparis, enfin une reconnaissance ?

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© artparis
L’événement de la saison 2009 de l’art à Paris est son ouverture à la bande dessinée. Après l’exposition Le petit dessein. Le Louvre invite la bande dessinée au Musée du Louvre, la foire artparis, grand-messe de l’art contemporain de la capitale accueille dans un autre cadre prestigieux, le Grand Palais, une exposition de bande dessinée du 19 au 23 mars.

Organisée par Jean-Marc Thévenet, fin connaisseur du 9e art, cette exposition présente une quarantaine de planches d’une douzaine d’artistes. En accueillant pour la première fois un exposant BD, la Galerie Francis Slomka, nouvel entrant dans le monde des galeristes de bande dessinée, les organisateurs de la manifestation ont eu envie de rebondir par cette mise en avant originale. Visite guidée avec les protagonistes.

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Snoopy sur la tête de Charlie Brown
illustration originale sur papier, 1970
© Charles M. Schulz / courtesy Galerie Slomka
Depuis plusieurs années, Jean-Marc Thévenet, ancien rédacteur en chef du magazine Pilote et ex dirigeant du Festival International de la Bande Dessinée à Angoulême, cherchait à convaincre les organisateurs de la foire artparis, Henri Jobbé-Duval et Caroline Clough-Lacoste, d’ouvrir les portes de la foire à la BD. Fort de son expérience comme organisateur de la Biennale du Havre en 2006 et 2008 et se rendant compte de l’évolution du marché du 9e art, il se disait « qu’il y avait un voisinage artistique et même culturel entre la bande dessinée et l’art contemporain » et que cela pouvait donner lieu à une exposition originale. Finalement, le déclic se fait au travers de l’accueil de la Galerie Slomka à artparis. Face à une exposition de Street Art avec entre Hervé Di Rosa et Jonone dans la nef Sud, la manifestation mettra en avant la bande dessinée dans la nef Nord. Dans cette coproduction, artparis apporte les locaux et Jean-Marc Thévenet son savoir-faire et le financement des encadrements, des assurances, etc.

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l'Arche, épisode 2, toile
© Moebius / courtesy Galerie Slomka
Pour Henri Jobbé-Duval, l’idée était au départ de réaliser « un regard croisé entre des artistes qui se sont inspirés de la bande dessinée et qui ont introduit des éléments de bande dessinée dans leurs travaux et des artistes de la bande dessinée qui sont reconnus par le métier comme des artistes. » Ce sera finalement un projet moins ambitieux, tout en donnant plus d’importance à la bande dessinée et en rebondissant sur la candidature de la Galerie Slomka. « Notre vocation est de stimuler le marché. Si nous n’avons pas de galerie pour défendre les artistes de bande dessinée, nous n’avons pas de raison de réaliser une exposition dans un domaine où les galeries ne sont pas impliquées. »

La démarche est «  une opération à la fois économique et culturelle : dans une dynamique économique, on essaye de faire progresser le ressenti culturel d’une société par rapport aux acteurs culturels dans le domaine des arts plastiques de cette société. »

L’exposition Les auteurs de la bande dessinée regroupe une quarantaine de planches d’une douzaine d’auteurs sur 50 m2 dans les coursives du Grand Palais. Elle se veut « autant comme un mouvement qu’une découverte ». La liste des auteurs comprend François Avril, Conrad Botes, Jean-Claude Götting, Igort, Joanna Hellgren, Miles Hyman, Loustal, Ilan Manouach, Piotr, Fabien Verschaere qui sort son premier album à cette occasion, Winshluss… autant dire des pointures comme des jeunes pousses. Le commissaire de l’exposition assume que les auteurs sélectionnés l’ont été de manière totalement subjective. Ce sont des auteurs qu’il connaît bien et dont il apprécie le travail.

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le Complice d'Iznogoud
dessin original de couverture, 1985
© Tabary - Goscinny / éditions Tabary
courtesy Galerie Slomka
Pour Jean-Marc Thévenet, l’exposition s’adresse à des collectionneurs qui ne sont pas des amateurs invétérés de la bande dessinée. « Si je montais cette exposition dans un festival classique, on me dirait qu’il y a du déjà vu. Mon idée est en fait de m’adresser aux collectionneurs d’art contemporain et de leur proposer une photographie, relativement objective finalement, de ce qu’est la bande dessinée aujourd’hui. » Un autre parti pris est de montrer essentiellement des planches issues d’albums de bande dessinée et non pas des travaux d’illustration ou de peinture des auteurs de bande dessinée. Certes l’objectif n’est pas de vendre les œuvres, mais si l’exposition permet de toucher un nouveau public et donne l’envie à des collectionneurs d’acquérir des planches, le pari sera totalement gagné.

Justement, face à cette démarche culturelle, la Galerie Slomka entend bien se faire une place commerciale sur le marché de l’art, bien au-delà du seul marché des collectionneurs de bande dessinée. Un brin militant, le fondateur Francis Slomka se réjouit d’avoir été sélectionné par artparis. « Je rêvais d’introduire un jour la bande dessinée dans un salon d’art contemporain. Cela fait 35 ans que je me bats pour que la bande dessinée ne soit plus considérée comme un agréable passe-temps d’adolescent, mais comme un art à part entière. »

Ayant accumulé quelques 10.000 pièces en 35 ans de passion, Francis Slomka prévoit d’exposer, pour les vendre, une centaine d’œuvres
. Certains seront des « trésors », des planches ou dessins de Tintin, Astérix ou Lucky Luke, exposés dans des niches fabriquées pour l’occasion et mises en vente à plus de 100.000 €. Il y aura un tiers de pièces de Walt Disney, thème de l’exposition en cours à la galerie jusqu’au 10 mars et clin d’œil à la grande exposition Il était une fois Walt Disney aux Galeries nationales du Grand Palais en 2006-2007. Il y aura aussi des auteurs moins connus comme Yu Lu (la Pluie du Paradis, Casterman). La plupart des pièces vaudront entre 1.000 € et 10.000 €.

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Obélix portant le monde et Astérix, illustration originale, 1974
© Uderzo - Goscinny / éditions Albert-René
courtesy Galerie Slomka
Le commissaire de l’exposition est persuadé que la bande dessinée est en train de passer un nouveau cap. Après la reconnaissance culturelle avec le festival d’Angoulême et la reconnaissance médiatique actuelle, Jean-Marc Thévenet rêve d’une réelle reconnaissance artistique : faire que « la bande dessinée soit en capacité d’être exposée et être vue comme elle peut être lue. » Considérer qu’ « une planche de bande dessinée est une œuvre d’art et doit avoir accès aux plus grandes expositions dans les lieux les plus magiques. »

Et c’est vrai qu’une vingtaine d’auteurs de bande dessinée ont fait leur entrée dans le fonds national de l’art contemporain comme Glen Baxter ou Mœbius, sans oublier la planche 12 de l’Affaire Tournesol de Hergé, offerte en mai 2008 par Fanny Rodwell, la veuve du créateur de Tintin, au Musée Beaubourg. 2009 poursuit sur cette voie avec l’exposition Futuropolis dans l’enceinte du Louvre et bientôt la grande exposition Vraoum ! bande dessinée et art contemporain à la Maison Rouge à Paris du 29 mai au 27 septembre 2009.

La bande dessinée n’est pas un art à part, elle est enfin reconnue au sein de l’art contemporain. 40.000 personnes sont attendus à artparis au Grand Palais pour s’en persuader.

Propos recueillis en exclusivité par Manuel F. Picaud à Paris en février 2009
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© Manuel F. Picaud / Auracan.com

Remerciements à Valéry Augier, Marie Bedacier et Romane Dargent

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Manuel F. Picaud

artparis 2009 : Grand Palais - avenue Winston Churchill - 75008 Paris - site
ouverture au public du 19 au 23 mars 2009 de 11h à 20h30 (lundi jusqu’à 18h) - entrée : 15 €
Galerie Slomka : 3, rue Dante - 75005 Paris - tél : +33 (0)1 43 29 43 29 - site

23/02/2009 - source : auracan.com