© Mathieu / Delcourt |
Quand Dieu revint faire un tour sur Terre
Non, le propos de cette chronique n’est pas de défendre une quelconque remathieugion, tant s’en faut. Dans l’album Dieu en personne, Marc-Antoine Mathieu dresse un inventaire des possibles de la religion, par rapport à la religion, des croyants, des athées, des intolérants, dans un sens comme dans l’autre.
Tout commence par un jour de recensement, comme tout État qui se respecte en conduit régulièrement depuis deux mille ans et des poussières, histoire de compter ses ouailles, ou, comme l’on dit aujourd’hui, les forces vives de la Nation. Tout allait bien, jusqu’au moment où le recenseur recensa… un quidam se nommant DIEU et se prénommant Dieu, Dieu DIEU, « mais en général on [l]’appelle Dieu tout court ». Passé la stupeur puis l’hilarité générale, vient le temps de constater de passer l’individu en question à la question. Exemple : « Qui vous envoie ? », demande le psychiatre. Réponse : « Vous oubliez à qui vous parlez… Je travaille pour mon propre compte. »
De débat en réflexion, de conjecture en perplexité, force est de reconnaître que l’individu qui se dit Dieu n’est pas d’un niveau du commun des mortels. Un exemple ? Selon une laborantine, là où le cerveau d’un humain lambda fonctionne à 10 % de ses capacités, celui de ce monsieur « fonctionne à plein régime… Plus exactement à 99,91% ». Et qu’en est-il du 0,09 % restant ? D’après le quidam, « il s’agirait de l’espace nécessaire pour la réflexion qu’il porte sur lui-même ». Bref, Dieu est une énigme, quand il existe comme quand il n’existe pas. Et comme il prend visiblement plaisir à être parmi les hommes, il va engendrer des conséquences insoupçonnables…
Marc-Antoine Mathieu prend un plaisir manifeste à se torturer les méninges pour pousser aussi loin que possible et dans toutes les directions imaginables les aléas de la vie de ce Dieu DIEU sur Terre, ainsi qu’emberlificoter son histoire de manière hautement kafkaïenne en brocardant les travers de notre société – tout le monde en prend pour son grade.
Les amateurs ne seront pas déçus par l’humour à multiples facettes, bien mis en images par la sévérité des visages, les situations décalées, dans une atmosphère noir et blanc du plus bel effet. Car, même s’il était réduit à un personnage de comics, personne ne rirait, sauf peut-être au théâtre de l’absurde, car, comme le dit si bien Voltaire, « dans la réalité, Dieu est un comédien qui joue devant un public trop effrayé pour rire ».
Mickael du Gouret
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