Pléthore de prix de bande dessinée ?
© Blutch / FIBD |
Les prix des meilleures bandes dessinées sont distribuées toute l'année avec quand même une prédilection pour la fin de l'année. De plus en plus d'intervenants tentent de créer ou/et de pérenniser leur récompense, parfois symbolique, mais toujours très estimée des récipiendaires. Mais n'y a-t-il pas trop de prix ? Tour d'horizon non exhaustif.
Les occasions de récompenser un album ou un auteur sont devenues fréquentes tout au long de l'année. De nombreux comités d'attribution se sont en effet montés ces dernières années pour proposer leurs albums ou leurs auteurs préférés du moment. Ils rassemblent le plus souvent des passionnés animés par des intentions sincères de mettre en avant quelques œuvres dans un marché pléthorique. En fait, ce n'est pas vraiment différent du monde du livre en général. On trouve donc des prix attribués par les festivals, les médias ou des associations.
Miss Zanzima à Saint-Malo
© Manuel F. Picaud / Auracan.com |
Beaucoup de festivals ont aujourd'hui leur prix. Le Festival international de Bande Dessinée à Angoulême vient de publier sa liste officielle des 58 titres nominés pour les Fauves d'Angoulême. Au cours du mois de janvier 2010, la rédaction d'Auracan.com proposera d'en mettre un certain nombre en lumière avant les résultats annoncés pendant le festival où nous serons présents du 28 au 31 janvier 2010. Mais qu'ils soient français, belges, suisses ou même algériens, les festivals les plus installés proposent désormais des prix parfois attribués aux seuls participants des festivals comme à Alger ou à Illzach, parfois choisis selon des critères en partie régionaux comme à Blois. En France, les récompenses les plus courues sont évidemment celles des festivals à la notoriété la plus large, à savoir Angoulême (FIBD), Saint-Malo (Quai des Bulles), Blois (bd BOUM) et Chambéry. Ils consacrent notamment un auteur pour son œuvre comme respectivement la Bande à Tchô, Emmanuel Guibert et à Jean Dufaux en 2009. En Belgique, le festival de Saint-Gilles propose un palmarès intéressant. En Suisse, Frederik Peeters pourrait bien obtenir prochainement le Prix international de la ville de Genève pour la bande dessinée 2009.
Emmanuel Guibert entouré des autres lauréats de bd BOUM 2009 © Manuel F. Picaud / Auracan.com |
Camille Jourdy, Prix RTL 2009 © RTL |
Les médias traditionnels proposent de plus en plus souvent leur prix BD. Seule la télévision ne s'est pas immiscée dans cette tendance. Il est vrai que la BD y est rare si on excepte Un Monde de Bulles sur la Chaine Parlementaire et quelques initiatives sur le câble. Côté radios, il faut compter sur le Grand Prix RTL de la Bande Dessinée attribué à Camille Jourdy pour Au hasard Balthazar, le T3 du triptyque Rosalie Blum publié chez Actes Sud.
Pendant le Salon du Livre de Paris sont remis le Grand Prix de la Critique de l'ACBD (voir plus bas) et le Prix France Info de la Bande dessinée d’actualité et de reportage qui a récompensé cette année le Procès Colonna de Tignous et Dominique Paganelli publié aux éditions 12 bis. Les quotidiens aussi misent sur la BD à l'image de Ouest France marié à Quai des Bulles ou la Nouvelle République avec bd BOUM, mais aussi le Parisien qui décerne régulièrement le Prix des lecteurs, le Figaro ou Libération qui a lancé dernièrement la 3e édition de son Grand Prix des lecteurs en partenariat avec les magasins Virgin mégastores (pour participer : il suffit de remplir le formulaire en suivant ce lien).
Parmi les nouveaux médias, les initiatives fleurissent plutôt du côté des festivals comme Bulle d'Encre ou Opale BD. Cela dit, depuis le 17 décembre, les abonnés du site BDGest.com peuvent choisir leurs 7 albums préférés parmi une liste de 10 titres dans chaque rubrique très classique (album, scénario, dessin, couleurs, premier album, album jeunesse et couverture). Le résultat sera rendu public le 4 janvier 2010. Pour voter et connaitre les nominés des "BDGest'Art 2009", il suffit de se rendre ici avant le 3 janvier minuit.
© ACBD |
Il y a encore les professionnels. Ainsi, l'ACBD (Association des Critiques et de journalistes de Bandes Dessinées) attribue depuis 1984 son Grand Prix de la Critique après avoir sélectionné dans l'année les 20 Indispensables de l'été et les 20 Indispensables de l'automne, ainsi que le Prix Asie-ACBD. Le lauréat 2010 est l'album Dieu en personne de Marc-Antoine Mathieu publié par Delcourt. Depuis 2000, l'association des libraires de Bande Dessinée décerne le Grand Prix des Libraires mis en avant dans le réseau Canal BD en partenariat avec la Caisse d'Epargne, Un Monde de Bulles et Public Sénat. Cette année 2009, le lauréat a été Christian de Metter pour Shutter Island publié chez Rivages/Casterman/Noir.
Il y a enfin - et pardon par avance pour tous ceux que j'ai oublié - les prix thématiques, parfois distribués à l'occasion des festivals comme le Prix du Jury Oecuménique de la Bande Dessinée décerné à Angoulême à un album qui « allie à l'élégance du trait la profondeur des causes défendues par ses valeurs humaines et esthétiques ». Nouveau prix créé en 2008, le Prix Artémisia récompense « un album scénarisé et/ou dessiné par une ou plusieurs femmes » pour mettre en avant la bande dessinée féminine dans un univers encore très masculin. Il est proclamé le 9 janvier, date anniversaire de Simone de Beauvoir. Son nom est un hommage à Artémisia Gentileschi, peintre italienne du XVIIème siècle. La liste des 13 titres en course pour le prix 2010 est visible sur le blog de l'association.
remise le jury du Prix 9 © Marc Carlot / Auracan.com |
En Belgique, le Prix Carolus Quintus, initiative des centres culturels La Villa (francophone) et De Zeyp (néerlandophone) de Ganshoren, récompense un auteur pour «la pertinence de son œuvre d'un point de vue social, au sens le plus large du terme». Enfin, le premier Prix 9 a été remis le 9 septembre 2009 à deux lauréats, le Groom Vert de Gris de Schwartz et Yann paru chez Dupuis et Dans mes yeux de Bastien Vivès édité par KSTR - Casterman. Ce prix belge est attribué par un jury composé de 9 personnes non professionnelles de la bande dessinée venant de domaines artistiques complémentaires. Je pourrais citer encore le Prix de la BD historique des Rendez-vous de l'Histoire de Blois.
Derrière chacune de ses récompenses, des jurys s'affairent pour sélectionner et élire les lauréats. Parfois les critères d'attribution suivent une fiche descriptive assez précise. Mais rarement le cahier des charges n'enferme les juges. La vraie marque de fabrique des récompenses se comprend en analysant les choix des jurys année après année. Certains regretteront qu'un album commercial trouve rarement sa place. En fait, la plupart du temps les jurys cherchent à mettre en avant un ou des albums que le public pourrait manquer sans leur intervention.
© Auracan.com |
Alors, même si les prix se multiplient, ils ne permettent une mise en avant que de quelques dizaines de titres dans un marché en surproduction notable avec plus de 3.500 nouveautés par an. La profusion de prix tente de compenser ce phénomène. Pour ce faire, le prix doit être associé à une très forte communication. C'est notamment le cas pour les prix d'Angoulême grâce à ses partenariats avec la Fnac et sa notoriété internationale, ou le Grand Prix de la Critique de l'ACBD relayé par les libraires partenaires et les nombreux journalistes adhérents. Reste que les non initiés risquent de s'y perdre dans l'avalanche des prix. Espérons que les lecteurs saisiront l'occasion pour découvrir les albums qui sont proposés. Chez Auracan.com, tout au long de l'année, nous avons décidé de ne mettre en avant que les albums qui nous plaisent. C'est aussi une forme de sélection.