Mosquito fête 10 ans d’édition de Sergio Toppi
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Sergio Toppi compte parmi les auteurs de BD les plus forts graphiquement mais aussi les plus déroutants qui soient, de ceux dont les histoires ne se révèlent pas à la première lecture venue, mais demandent attention, intimité, volonté aussi de se laisser aller au gré des inspirations de ce maître italien. Michel Jans fait partie de ceux qui ont « accroché ». Voilà dix ans qu’il publie les œuvres de cet auteur milanais dans la maison d’éditions Mosquito, émanation de l’association iséroise Dauphylactère. Il a donc souhaité fêter dignement cette collaboration. D’une part, Les Cinq Jours BD de Grenoble, l’autre activité de Dauphylactère, a convié l’auteur italien comme invité d’honneur, lui consacrant son exposition principale.
Une évolution de la ligne éditoriale
D’autre part, Mosquito a publié le recueil Black & Tans, puis une Monographie, et vient enfin de sortir Blues. Il s’agit du 16e album inscrit à son catalogue, non compris le Dossier Kokombo, que l’éditeur n’a pas l’intention de faire réimprimer et qu’il compte à part, parce que l’orientation de cet opus ne correspond plus à sa ligne éditoriale : « Aujourd’hui, je veux proposer aux lecteurs des albums thématiques. Je ne veux plus éditer d’albums panachés. Ainsi, Blues, avec les nouvelles Blues et L’Héritier, est un album complet sur le thème musical. »
Il est vrai que le travail éditorial de Mosquito a évolué avec le temps. « J’ai d’abord publié certains titres que j’aimais bien. Puis en 2004, j’ai passé pour la première fois une commande, une suite de Sharaz-De, 3 histoires autour des Mille et Une Nuits, qui est parue en 2005. Puis en 2006, je lui ai demandé, toujours sur la base d’une proposition, un nouveau Collectionneur. C’est sa seule série, avec un personnage récurrent. Je m’étais rendu compte, notamment en relisant les livres d’hommage à Toppi sortis en Italie, que cette série avait marqué les esprits. Je lui ai donc dit que ça m’intéressait, en lui tendant une perche : à la fin du Joyau mongol, une méchante dit au Collectionneur “on se retrouvera”. Il les a donc fait se retrouver, dans une histoire qui se passe au Tibet. »
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Aujourd’hui, donc, Michel Jans affûte un peu plus sa stratégie éditoriale, et souhaite publier des albums autour d’un thème. Black & Tans regroupait déjà trois histoires fantastiques, Bois Brocèlan, Black & Tans, enfin Solitudinis Morbus, qui peuvent avoir une résonance entre elles. Blues pousse la logique un peu plus loin, et s’articule autour de deux nouvelles sur la musique, Blues, publiée en 1990 dans la revue Corto Maltese, et une nouveauté sollicitée par l’éditeur, L’Héritier.
De beaux projets dans les cartons
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Avec ce travail et le temps, les lecteurs français ont appris à apprécier. « J’ai mis cinq-six ans à écouler la première impression du Dossier Kokombo (2.000 exemplaires), qui est aujourd’hui coté au BDM. Sharaz-De, dont les 2.000 premiers exemplaires se sont vendus en quelques mois, a donné un coup de projecteur sur Toppi et permis de vendre les autres titres. Certes, Toppi ne vend pas à 100.000 exemplaires, mais assez aujourd’hui pour une petite structure comme la nôtre. Aujourd’hui, j’imprime à 4.000 exemplaires en moyenne, sauf pour les rééditions, que je limite à 2.000. » Et Mosquito envisage un avenir radieux : « Des choses fabuleuses existent, qui ne sont jamais parues en albums en Italie. Mon travail est de mettre tout ça en cohérence, et de publier des albums en harmonie de contenus. Je demande donc maintenant à Toppi de réaliser des histoires qui permettent de compléter un module autour d’une cinquantaine de pages. »
Pour autant, Michel Jans se veut attentif au rythme narratif de son auteur : « Comme Toppi aime les histoires courtes, son bon module de narration se déroule de 20 à 30 pages. Cette longueur, aisée pour une parution en revue, permet de développer une atmosphère de manière assez rapide, sans tirer à la ligne, mais cela peut devenir un problème, car cela ne correspond pas à ce qui se pratique en général dans l’édition. Il me faut composer avec ça. En soi, ça ne me dérange pas de faire un album de Toppi de 80 pages, mais je pense que par rapport aux habitudes de lecture moyenne, c’est bien d’être à peu près dans une norme, soit de 48 à 60 pages. » Et de préciser « vouloir publier des histoires parues dans des revues italiennes dans les années 80-90, jamais parues en albums, c’était une période pendant laquelle Toppi a pu créer en totale liberté ». Un projet devrait aboutir en 2008, la parution d’une histoire sur une princesse et poétesse japonaise ayant vécu au Xe siècle, dont il ne reste aujourd’hui qu’un poème de cinq vers, Toppi travaillant sur une nouvelle de 20-30 pages pour compléter l’album.
D’ici là, le prochain événement aura lieu à Paris. Daniel Maghen accueillera une exposition comprenant des planches et des illustrations dans sa galerie en septembre. A cette occasion, Toppi, qui sera présent le 15 de ce mois, vendra quelques planches, une rareté. Outre ces planches, il faut noter la mise en vente de la couverture et de la 4e de couv’ de Blues.