Entretien avec Lucien Rollin
 Lucien Rollin
© Manuel F. Picaud / Auracan.com |
« J'ai toujours été fasciné par le thème du voyage dans le temps. »
Né en 1953 en Afrique, Lucien Rollin a rêvé d’une carrière de diplomate, mais sa passion pour le dessin l’a rattrapé. Tant mieux ! L’auteur, entre autres, de l’excellente série Ombres, scénarisée par Jean Dufaux, et du 8e épisode du Décalogue de Frank Giroud s’est lancé dans une aventure futuriste où on ne l’attendait pas. Back World est une trilogie de Corbeyran où le dessinateur breton montre une nouvelle facette de son talent.
Lucien Rollin n’abandonne pas pour autant le dessin réaliste historique en participant au T9 de Voyageur, la série écrite et coordonnée par Éric Stalner et Pierre Boisserie.
Pour Auracan.com, le nouveau vice-président du festival Quai des Bulles revient sur son parcours et ses actualités.
 Back World T2, extrait
© Rollin - Corbeyran
Glénat |
Comment êtes-vous arrivé à la bande dessinée ?
J’ai suivi un cursus normal, je pense : bac économique, deux années à l’Institut d'Études Politiques d’Aix-en-Provence, une licence d’Arts Plastiques à Rennes qui m’a permis d’enseigner quelques années avant que je puisse vraiment faire un choix professionnel. Et en fin de compte, j’ai choisi la bande dessinée.
Justement, d’où vient votre goût pour la bande dessinée ?
Je dévorais ce qu’on appelle les petits formats : Miki le Ranger, le Fantôme du Bengale, Mandrake et des tas d’autres choses… Et puis, lors d’un séjour assez long à l’hôpital, à 14 ans, j’ai eu envie de dessiner une aventure inédite du Fantôme du Bengale… Comme quoi, on peut attraper de drôles de virus à l’hôpital ! Ensuite, j’ai été un grand fan de Fantask et des comics Marvel.
 Back World T2, extrait
© Rollin - Corbeyran / Glénat couleurs Jean-Jacques Chagnaud |
Vous aviez aussi souhaité devenir diplomate ?
Vous parlez de mon rêve d’être ambassadeur ?! Cela m’est venu de mes lectures et à cause du métier de mon père, militaire. J’ai côtoyé pas mal ces milieux à la fois étranges et fascinants en Afrique et en Guyane. Remarquez, être « diplomate » dans le métier de la BD, c’est toujours utile !
Quelles sont vos dessinateurs et scénaristes référents ?
Difficile question ! Il y en aurait trop à citer... ça va de Jacques Martin à John Buscema, en passant par Giraud, Hal Foster et tant d’autres... Stan Lee, et tous les scénaristes avec lesquels j’ai eu la chance de travailler !
Alors que vous animez actuellement la passionnante trilogie Back World avec Éric Corbeyran chez Glénat, vous allez dessiner le T9 de Voyageur en collaboration avec Pierre Boisserie et Éric Stalner. Dans quelles circonstances les avez-vous rencontrés ?
Je connais Éric Stalner depuis très longtemps. Nous travaillons tous les deux chez Glénat. Quant à Pierre Boisserie, je crois me rappeler que c’est au festival de Buc que j’ai fait sa connaissance. À l’époque, il était très investi dans l’organisation de ce festival. Nous faisons un métier très solitaire et isolé les uns des autres. C’est souvent très frustrant au niveau relationnel, et il faut vraiment profiter de ces rencontres et les « évaluer » presque instinctivement. Ensuite, créer des occasions de rencontres et tisser des liens d’amitié si on en a envie… Ça a été le cas d’Éric Stalner et de Pierre Boisserie.
 Back World T2, extrait © Rollin - Corbeyran / Glénat |
Qu’est-ce qui vous a plu dans le projet Voyageur ?
J’ai toujours été fasciné par le thème du voyage dans le temps et ses paradoxes. Je suis en train de me délecter d’un petit bouquin de Jacques Bergier, les Maîtres secrets du Temps, un ouvrage complètement délirant ! J’ai donc été tout de suite séduit par le projet Voyageur. J’ai connu la toute première version de cette histoire, puis j’ai su qu’ils avaient réécrit cette histoire ambitieuse jusqu’à trouver une cohérence sans faille.
 Back World T2, extrait
© Rollin - Corbeyran / Glénat
couleurs Jean-Jacques Chagnaud |
Pourquoi avez-vous choisi la période du Moyen-Âge que vous allez dessiner ?
Je savais dès le départ qu’il y avait un tome qui se passait au Moyen-Âge et j’ai posé une option dessus… Pourquoi ? Parce que j’adore cette période. J’ai dessiné le Torte, sur un scénario de Pierre Dubois, un autre Moyen-Âge bien sûr, mais voilà, ça m’a donné envie d’y revenir. Et j’ai bien senti que cela allait être une vraie aventure à plusieurs mains de gens qui se connaissent et s’apprécient….
Avez-vous commencé à mettre en images ce T9 ?
Non, je n’ai encore rien reçu d’écrit sur cet épisode. Je sais simplement que cela se passe au moment de la construction de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Je commencerai à y travailler début 2009. Et j’ai eu dernièrement Éric Stalner au téléphone qui était en train de travailler sur l’histoire avec Pierre. C’est une série programmée dès le début. Le T9 sortira en mars 2010…C’est bon, je devrais être dans les temps !
Suivez-vous parallèlement ce qui est dessiné par les autres auteurs ?
Je suis bien sûr les albums du cycle Futur, et Marc Bourgne m’a montré beaucoup de planches crayonnées, qui sont superbes ! Éric et Pierre ne m’ont pas harcelé ! Ils savaient que j’étais sur Back World. J’ai maintenant bien avancé sur cette série et je vais bientôt pouvoir m’imprégner de Voyageur avant de me lancer. Je sens qu’il va y avoir bientôt une grosse séance de boulot… Sans doute au festival de Buc début octobre. Dans le tome que je vais dessiner, il y aura bien sûr de nombreuses connexions avec les autres histoires…
 Back World T2, extrait
© Rollin - Corbeyran / Glénat
couleurs Jean-Jacques Chagnaud |
Pensez-vous que ce type de fonctionnement dans une série puisse servir d’exemple ?
Frank Giroud avec le Décalogue a prouvé qu’on pouvait inventer de nouvelles manières de concevoir et d’écrire des histoires et il a aussi montré que le public pouvait être au rendez-vous. Cela a ouvert une voie et a en quelque sorte libéré les scénaristes qui ont maintenant la possibilité d’innover et de quitter les schémas traditionnels de l’écriture d’une série. En tant que dessinateur, je suis très partant pour ce type d’aventure. Cela crée des synergies entre nous, au service d’un projet commun. On m’a déjà demandé si ce n’était pas frustrant d’être simplement une pièce d’un puzzle. Eh bien, non, je trouve ça même plutôt flatteur qu’on me fasse confiance pour participer à ce type de projet. Et puis, cela ne m’empêche pas de m’investir complètement dans des séries à plusieurs tomes.
 Back World T2, extrait
© Rollin - Corbeyran / Glénat |
Justement où en est Back World ?
Le T2 est paru début octobre et comme le T3 est bien avancé, j’espère pouvoir le sortir début 2009, en mars probablement. Le T2 met en lumière le créateur de Back World en attendant un dénouement qui m’a vraiment bluffé… Mais avec Éric Corbeyran, je savais que je n’allais pas être déçu ! Le prochain épisode est énormément centré sur la psychologie et le personnage qui a créé le jeu, le patron de la Virtual Business Network. Dans cette société, le responsable des décès liés à ce jeu va se suicider et Terry va avoir l’idée de se faire engager à sa place pour infiltrer l’entreprise et tenter de rencontrer le grand chef. Il est motivé par la vengeance depuis le décès de son ami et du frère de son amoureuse. Il réussit à rencontrer le grand chef et parvient à comprendre les buts avoués, ou inavoués, de ce personnage central. Mais évidemment cela va mal se passer et cela va finir sur un gros suspense qui va faire que Terry va à nouveau se retrouver en très mauvaise posture…
 Back World T2, extrait © Rollin - Corbeyran / Glénat
couleurs Jean-Jacques Chagnaud |
Serait-ce vers une nouvelle porte ?
Oui, si on veut… Et le T3 verra le combat entre Terry et ce personnage central. Dans le T2, Éric avait davantage envie – et je comprends tout à fait car c’est important dans Back World – de faire connaître les motivations de ce personnage atypique du créateur de ce jeu. C’est un affrontement entre des conceptions du monde entre Terry et son adversaire. Alors qu’ils se ressemblent a priori – ils sont tous les deux passionnés par le virtuel et par le dégoût du monde qui les entoure –, mais à l’arrivée leurs vues ne sont pas les mêmes du tout. On verra aussi combien il y a de trahisons dans cette histoire…
À côté du métier de dessinateur BD, vous venez d’être élu vice-président de l’excellent festival Quai des Bulles de Saint-Malo. Quel rôle y jouez-vous ?
Difficile d’avoir un autre métier en parallèle. Cela dit, je fais partie de l’équipe d’organisation du festival Quai des Bulles, ce qui est une activité qui me fait sortir de la solitude de l’atelier et travailler en équipe sur un projet passionnant. Je n’ai pas de rôle très précis. Je participe au travers de toutes les réunions à l’élaboration du festival, à la prise de décisions, aux principales orientations. J’ai été pendant cinq ans le responsable de la communication. J’avais vraiment un rôle plus prenant. Ensuite, c’est Joub qui a repris le relais avec tout le talent qui le caractérise et sa grande volonté de s’investir à fond dans cette aventure. Il y a quelques années, on avait crée ce poste de vice-président, et Dieter avait été élu à ce poste. Depuis son départ de Quai des Bulles, il y a quelques années, ce poste n’avait plus été pourvu. Cette année, un nouveau président a été élu, et cela a été l’occasion de remettre ce poste en activité… Un auteur susceptible de seconder le président, une manière aussi de montrer que Quai des Bulles restait un très grand festival où des auteurs continuent à s’investir avec enthousiasme.
Vous m’avez aussi parlé d’une nouvelle casquette éditoriale ? Pouvez-vous nous en dire plus…
J’en meurs d’envie, mais il est encore un peu tôt pour en parler… Il faut que les choses se mettent en place et se concrétisent… Un peu de patience et je serai ravi d’en reparler avec vous ! Si cela vous intéresse…
 Back World T2, extrait © Rollin - Corbeyran / Glénat - couleurs Jean-Jacques Chagnaud |
Bien évidemment ! À très bientôt alors !
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en juillet et septembre 2008
Propos présentés et introduits par Brieg F. Haslé et Manuel F. Picaud
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