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Entretien avec Marc-Antoine Mathieu

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Marc-Antoine Mathieu © Delcourt

A l'occasion de la sortie des « Sous-sols du Révolu », co-édité par Musée du Louvre Editions et Futuropolis, Auracan a interrogé son auteur, Marc-Antoine Mathieu, non sur le contenu de l'album lui-même, mais sur les rapports de l'auteur à l'art, la genèse de ce travail, en bref, sur les sous-sols de l'album.

Comment vous êtes-vous embarqué dans l'aventure de cette collection de bandes dessinées du Louvre ? Faites-vous souvent des commandes ?

En général non. Mais cette fois-ci, il ne s'agissait pas vraiment d'une commande, mais plutôt d'une proposition (conjointe du Louvre et des éditions Futuropolis) de réfléchir sur un sujet [NDLR : lire à ce sujet : l'entretien de Fabrice Douard, éditeur de Musée du Louvre Editions]. Je n'ai pas dit oui tout de suite, car faire parler la bande dessinée sur la peinture et la sculpture me semblait très difficile ; les mediums de l'image ne sont pas toujours compatibles entre eux, et ils sont souvent mal placés pour parler les uns des autres de façon pertinente. Il m'a donc fallu réfléchir de manière particulière aux contours de ce travail.
Je me suis demandé comment faire pour être suffisamment libre, pour que cette « carte blanche » me permette d'explorer ailleurs que dans cette entité énorme et presque trop visible qu'est le Louvre. Finalement, les tableaux sont venus - parce qu'il s'agit plutôt de tableaux qu'une histoire, même s'il y a un récit, avec des personnages

Pourquoi avoir choisi de faire vivre cet album dans les caves ?

Je n'avais pas envie de me promener dans les galeries. Dans Période glaciaire [NDLR : premier album paru de la collection que les éditions du Louvre consacrent à la bande dessinée], Nicolas de Crécy l'a déjà fait ; il avait pris le parti de travailler sur les œuvres, de les interroger (avec brio !). Il me fallait donc cheminer différemment. J'ai pensé très vite aux combles et aux sous-sols. Ces derniers sont immenses. J'ai donc imaginé un musée fantasmatique, insondable, un concept qui me permette de ne pas représenter les œuvres, mais leurs coulisses, leurs prémices aussi : les encadrements, le g ardiennage, les archives… Bref, l'envers du tableau.
En outre, cette approche me permettait de répondre à la demande de Futuropolis et du Louvre, mais aussi de développer un sillon personnel : inviter à regarder sous un autre angle, utiliser la lampe-torche dans les recoins…

Comment avez-vous travaillé de façon pratique ?

Je me suis documenté « transversalement ». Je n'avais pas envie de coller à ce qu'est ou représente le Louvre . J'ai bien sûr visité les sous-sols, les réserves, les salles des cadres, tout ce qui existe dans le sous-sol. Je me suis imprégné de tout ce que j'ai vu, mais aussi des boiseries, de l'architecture, des « angles morts », pour utiliser une expression à la mode… Tout ce qu'il y a dans le livre m'a été inspiré par le Louvre, mais aussi par d'autres musées, fameux ou moins connus, comme par exemple le musée Joseph-Denais de Beaufort-en-Vallée, dans le Maine-et-Loire, véritable joyau pour les rêveurs. Quand on travaille sur un sujet tel que le Louvre, on se retrouve sans le vouloir à imaginer des instants qui tendent à l'universel. Une partie du travail a consisté à mettre un peu de distance pour en donner un résultat tout à tour poétique, drôle, absurde…

Quel rapport entretenez-vous à l'art ? Avez-vous des artistes, des courants préférés ?

Je suis fasciné par les sculptures égyptiennes qui accompagnaient les morts dans leur tombeau ; leur regard est tourné vers l'éternité, elles n'étaient pas faites pour être vues par les vivants, mais par les dieux.
... Mais je ne peux pas dire que je préfère vraiment une époque plus qu'une autre. Tout est intéressant quand on commence à s'ouvrir, tout prend sens.

Globalement, tous arts confondus, certaines périodes de l'histoire ont cristallisé toutes les sensibilités dans tous les domaines. Aujourd'hui, deux domaines évoluent de manière palpitante : le design et la bande dessinée. Tous les deux explorent, ils sont vivaces, vivants.

Avez-vous des projets en cours ?

J'ai quelques sujets en cours de réflexion, mais je préfère ne pas en parler tant que ce n'est pas en route…
En conclusion, je veux saluer l'initiative du Louvre, parce que ce type de projet est très gratifiant, autant pour la bande dessinée que pour le Louvre.
Ce qui se passe à l'intérieur est différent de l'image que nous pourrions en avoir ; une institution qui prône l'ouverture, qui s'interroge sur les différents médias, les frontières entre les arts, et qui les confronte. Ce type de démarche, à une époque où il est si facile de s'agripper aux vieux clivages est un signe de bonne santé.

Propos recueillis par Mickael du Gouret.
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Visuels extrait des Sous-sols du Révolu de Marc-Antoine Mathieu © Editions du Musée du Louvre / Futuropolis
A lire également : l'entretien avec Fabrice Douar de Musée du Louvre Editions
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Mickael du Gouret
16/10/2006