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Entretien avec Patrick Jusseaume

Patrick Jusseaume au Festival BD de la Seyne-sur-Mer en juin 2011 © Manuel F. Picaud / auracan.com
Patrick Jusseaume au Festival BD de la Seyne-sur-Mer en juin 2011 © Manuel F. Picaud / auracan.com
« La source d’inspiration récurrente est le dépaysement »

Le cargo Maudit
est le titre du nouvel album de Tramp, une série de bande dessinée prisée de tous les férus d’aventures et de mer. Un one-shot (dans le jargon de la profession) rompant avec les précédents albums dixit Patrick Jusseaume, son dessinateur. Rencontre avec un auteur passionné de marine à l’occasion de la parution du dixième tome de ce thriller maritime à chaque fois haletant…


Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Patrick Jusseaume, pourquoi s’atteler à un one-shot ?
Cet album rompt avec le tempo Indochinois dont le thème a un caractère historique. Là, nous abordons le thème policier. L'écriture du scénario s'en trouve, je l'imagine, modifiée. Puis après cette courte «pause - escale» car la vie de marin c’est d'être en mer. Nous repartirons vers des océans plus lointains et plus chauds. Donc pour un nouveau cycle. Sur un autre tempo...

Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Quel est l'intérêt de cette nouvelle intrigue ?
Changer de registre scénaristique, renouveler l'intrigue. Le quotidien à bord d'un navire est furieusement répétitif ! Il faut presque systématiquement tenir compte du fait que les ouvertures scénaristiques peuvent plus aisément venir de l'extérieur.

Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Avez-vous travaillé sur de nouvelles sources d'inspirations ?
En premier lieu, la source d’inspiration récurrente est le dépaysement. Fondamental dans l’univers des marins. Au gré de la chronologie des cycles. Il n’y a pas de co-écriture dans notre collaboration avec Jean-Charles. Il suit les inspirations que peuvent lui apporter chaque escale, j’imagine !

Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Et puis, entre le ciel et la mer, le temps ne s’écoule plus de la même manière !
La Marine Nationale m’invite maintenant à naviguer au moins une fois par an, grâce à Pascal Subtil, officier de communication, entre autres. J’ai donc découvert la vie à bord des voiliers et «bateaux gris». Le rythme de vie d’un terrien n’a pas grand chose à voir avec celui d’un marin. Sinon, pour cet album plus précisément, il m’a fallu chercher des décors urbains. Retrouver l’ambiance normande de cette ville portuaire. Il faut y ajouter un aspect social, ainsi que son contexte : On sortait de la guerre. Le confort social de cette époque n’était pas le même, ni probablement les priorités.

Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Thriller maritime, Tramp est une série délicieusement surannée …
Une époque. Une façon de vivre … notre jeunesse ? Il faut aussi ajouter que c’était l’âge d’or de la marine marchande. De vrais équipages. Le téléphone portable n’existait pas. Quand un marin devenait papa il devait souvent attendre que la bonne nouvelle arrive par courrier la veille au port d’escale annoncé du lendemain. Et bien souvent, m’a-t-on dit, le courrier n’arrivait que le lendemain du départ. De sorte que le papa apprenait véritablement la naissance à l’arrivée. Encore une fois, la notion de temps était différente. Les sentiments de solitude, et d’éloignement étaient palpables. Le voyage était long ! Il me semble, pour l’avoir constaté à bord de bâtiments de la Marine, que le sentiment d’éloignement est resté incompressible encore aujourd’hui. Dès que le navire aborde une zone côtière les marins essaient tous leur portable pour tenter de capter une réception. Assis sur le pont à l’abri d’une poupée de treuil pour se protéger du vent ils essaient de retrouver le contact de l’être cher.

Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Tramp T10 © Patrick Jusseaume / Dargaud
Votre public n’est-il constitué que de connaisseurs ?
Non ! Néanmoins, nous sommes présents dans les carrés à bord. Ce qui veut dire que nous sommes crédibles, tout de même ! Et puis il y a tous les terriens pour qui la mer est le symbole d'une sorte de nomadisation. Partir c'est quitter ses repères. Changer de coutumes... Pour conclure, j'ai envie de citer Théodore Monod* : «En mer comme au désert, vivre c'est avancer sans cesse, à travers un décor à la fois immuable et changeant, identique à l'œil et que l'on ne saurait différent sans le témoignage du sextant, de la montre et de la boussole, s'aventurer comme à tâtons sous les plus éclatants soleils, savourer l'amertume de se sentir en pleine marche, prisonnier d'un espace pourtant sans barreaux et plus étroitement confiné en cette libre immensité qu'au plus étroit des cachots qui, lui, du moins, à une porte... »

Propos recueillis par Stéphane Dugast en janvier 2012
Remerciements à Pascal Subtil
Photos © Manuel F. Picaud / auracan.com
Illustrations série Tramp © Patrick Jusseaume / Dargaud
Coordination rédactionnelle : Manuel F. Picaud
Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation préalable © Stéphane Dugast / auracan.com

Site officiel de Patrick Jusseaume : www.jusseaume.fr
* : Méharées de Théodore Monod (J’ai lu)
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Stéphane Dugast
24/03/2012