Entretien avec Delphine Rieu

Delphine Rieu © Marc Korbutt

"Je vais mettre l'éditorial en pause pendant un an"

En exclusivité pour Auracan, Delphine Rieu s'est confiée lors du festival BullZik de juin 2012. Fondatrice des éditions angoumoisines Eidola, elle évoque les projets de sa jeune maison d'édition. Mère de deux filles, Delphine Rieu aurait pu devenir architecte, métier qu'elle a étudié. Finalement elle choisit il y a près de vingt ans la bande dessinée à la fois comme coloriste avec l'outil informatique puis comme scénariste. Ellle signe sa première trilogie Hermine chez Delcourt avec Eric Dérian au dessin. Elle publie au Cycliste Gotozis dessiné par Laurent Bordier, puis chez Vents d'Ouest Alex Clément est mort avec Emmanuel Lepage au dessin. Sachant marier humour et suspense, elle écrit aussi Trum pour Soleil, puis se lance dans une série manga Lolita HR avec le dessinateur Javier Rodríguez. Cette série suit Lolita, la nouvelle idole du rock qui s'oppose au despote Néponine. Ce dernier se maintient au pouvoir par la terreur provoquée par un mal incurable dont les malades sont isolés dans des mouroirs. Subissant des soubresauts éditoriaux, la série parait dans la collection Shogun, puis passe aux Humanos sous le nouveau titre a.doll.a avant d'être relancé par Eidola sous son titre original. Le T.3 est attendu depuis fin 2011. Un point sur son actualité s'imposait.

couverture de Lolita HR T3

La série Lolita HR en est au tome 2. Où en est le tome 3 ?
J'ai dû le repousser plusieurs fois, et j'espère pouvoir le sortir à la rentrée, à la fin septembre. Le dessinateur est en train de finir les pages. Mais il travaille aussi sur d'autres projets, notamment pour Marvel comme coloriste, il a dessiné quelques épisodes de Spider-Man en 2011, ce qui explique son retard pour l'album.

Les deux premiers épisodes étaient des rééditions. Comment va se passer la sortie du troisième volume ?
Oui, tous les deux avaient été publiés chez les Humanoïdes Associés, à deux reprises, et sous des titres différents. Je n'avais donc pas prévu de communication, d'autant que j'avais beaucoup de travail pour la mise en place de ma nouvelle structure. Cette fois, je vais faire les choses différemment, y compris en communication. Le tome 3 comptera le même nombre de pages et se présentera sous la même forme que les deux premiers opus.

illustration de Mimo © Mazan et Isabelle Dethan / Eidola

couverture de Mimo © Mazan et Isabelle Dethan - Ronan Alain et Jean-François Tournepiche / Eidola

Entre-temps, vous avez publié d'autres choses...
J'ai effectivement sorti deux livres ludo-éducatifs, en avril-mai 2011, puis Lolita 1 en juin. À la suite de quoi j'avais monté une exposition. Je me suis beaucoup amusée à décliner l'univers de Lolita, sous forme de tee-shirts, de sérigraphies, d'affiches... Des amis ont même composé de la musique, ce qui avait donné lieu à un concert en janvier 2012 au Festival international de bande dessinée à Angoulême.

Quels sont vos projets actuels ?
Je prépare un nouveau livre ludo-éducatif, intitulé Mimo - Sur la trace des dinos, avec Mazan et Isabelle Dethan, ainsi qu'avec deux paléonthologues, Ronan Alain et Jean-François Tournepiche, le premier exerçant au Muséum national d'histoire naturelle, le second au musée d'Angoulême. Le projet m'a été proposé par ces deux paléontologues, qui travaillent sur un site de dinosaures découvert en 2010 à Angeac et sur lequel le plus gros fémur de dinosaure a été découvert. Et Mazan voulait participer.

Déclinerez-vous aussi cet univers, comme vous l'avez fait pour Lolita ?
Oui, ce sera le cas. Le Museum national d'histoire naturelle prépare, pour le mois d'octobre une exposition sur la paléontologie, dans laquelle les fouilles d'Angeac-Charent seront présentées, et qui inclura des dessins de Mazan. Les paléontologues sont ravis de cette participation. En fait, au départ, Mazan avait demandé l'autorisation pour regarder les fouilles et dessiner bénévolement, puis il s'est pris au jeu. Pour eux, c'est aussi l'occasion de bénéficier d'un coup de projecteur sur leur travail, dont on entend peu parler. Pour moi, c'est une belle occasion : les préventes, de la part de musées ou autres, m'ont conduite à prévoir un tirage supérieur à ce que je fais d'habitude, à savoir 2600 exemplaires au lieu de 2000.

illustration de Mimo © Mazan et Isabelle Dethan / Eidola

sérigraphie d'Emmanuel Lepage

Hors les livres, avez-vous d'autres projets ?
Je prépare en ce moment une grosse exposition, avec 17 auteurs ⁽¹⁾, autour de la sérigraphie. Le but est de faire travailler des dessinateurs sur un support peu utilisé, avec une technique peu familière pour ces auteurs, autour d'un thème, un haiku du début du XXe siècle, qui évoque une femme enlevant son kimono pour la fête des fleurs du cerisier, qui a lieu fin mars-début mars. Les auteurs étaient libres d'interpréter ce sujet à leur façon, sur la situation de la femme au Japon, etc. De plus, deux kimonos ont été cousus et sérigraphiés par Muriel Sevestre. Plus globalement, je voulais faire travailler des auteurs sur autre chose qu'un scénario, tout en faisant un clin d'oeil à cet autre pays de la bande dessinée . L'exposition sera présentée cet été au Centre international de la bande dessinée et de l'image (CIBDI) à Angoulême, en septembre dans la galerie Carol Kwanieski à Paris. Ensuite, l'exposition s'envolera vers le Japon, où elle sera présentée, grâce à l'Ambassade de France là-bas, dans deux villes, dont Fukuoka, dans un centre culturel français et à l'Alliance française. D'autres lieux sont encore en discussion, dont, peut-être, en Grande-Bretagne.

Pour en revenir à Lolita, la série s'arrête là ou avez-vous prévu une suite ?
J'ai commencé à travailler sur le scénario d'un quatrième volet, mais je n'ai pas beaucoup de temps à y consacrer. En fait, après six livres et deux expositions, je vais mettre l'éditorial en pause pendant un an.

illustration de Mimo © Mazan et Isabelle Dethan / Eidola

Pour quelle raison ?
Je vais plus m'occuper de notre structure de distribution, qui est une association créée par Eidola, Scutella et Café Creed. Le principe est de réduire la part financière du distributeur au profit des maison d'éditions. Aujourd'hui, nous disposons d'un fichier de 500 libraires et sommes présents lors des festivals, moments pendant lesquels nous distribuons en plus de petits éditeurs d'Angoulême : Dédale, Polokartoon, Les Mains sales (qui ne font que la sérigraphie) et Commune Orange. Il nous a fallu un an pour mettre en place cette structure de distribution, qui commence à être vraiment structurée. Autre idée : nous préférons placer peu d'albums et ne pas avoir de retours, et distribuer une marge peu importante à la structure de distribution/diffusion, pour mieux servir la maison d'éditions.

Quid des projets plus personnels ?
Je suis coloriste à la base. En ce moment, je travaille sur des albums de trois séries différentes aux éditions Soleil, ainsi qu'une nouvelle série WWX chez Le Lombard avec Peter Snejbjerg comme dessinateur et Jerry Frissen comme scénariste.

(1) Les dessinateurs : Emmanuel Lepage, Benoît Springer, Nicolas Keramidas, Chris Lanquet, Laureline Mattiussi, Frédéric Penet, Joël Parnotte, Richard Marazano, Aude Samama, Muriel Sevestre, Marie Deschamps, Louise Mendoche, Javier Rodriguez, David Lafuente, Nicolas Poupon Propos recueillis par Mickael du Gouret en juillet 2012 Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation préalable Coordination rédactionnelle : Manuel F. Picaud © Mickael du Gouret / Auracan.com