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Entretien avec François Bourgeon

Il y avait les mondes bleus, ces univers d'Ô en deux volumes, qui avaient incontestablement marqué une rupture dans la carrière de François Bourgeon, avec la complicité de Claude Lacroix. Le troisième volet des aventures de la belle Cyann, paru chez Vents d'Ouest au terme de sept longues années d'attente, avait plongé le lecteur dans de multiples conjectures, tant la rupture, dessinée cette fois, était forte. La surprise était de taille, bien loin des lissés-coulés d'Ô, tellement au-delà des cOnfins, que tant Cyann que les lecteurs avaient éprouvé des difficultés à retrouver leurs repères. Rien n'est figé, beaucoup se perd, les rapports changent. Et les lecteurs attendaient donc la suite avec la même patience, avec tout de même une inquiétude tant le champ des possibles semblait restreint, puisque Cyann devait revenir vers ses mondes connus. Las, et pour le bien de l'aventure, il faut le reconnaître, avec ce quatrième opus, François Bourgeon et Claude Lacroix réussissent une gageure comme la bande dessinée devrait l'être à chaque instant : une surprise, une invention d'univers, un pied de nez à la réalité, si imaginaire soit-elle.

Dans le tome précédent, Aïeïa d'Aldaal, nous avions laissé Cyann sur une planète où elle était arrivée par hasard. Avec les Couleurs de Marcade, vous utilisez une nouvelle fois le stratagème de la porte spatio-temporelle pour la faire voyager…

Il s'agit d'un stratagème qui se complique au fur et à mesure que Cyann avance, dans la mesure où elle ne le maîtrise pas complètement. Cela lui réserve un certain nombre de surprises… que Claude Lacroix et moi-même espérons reporter sur le lecteur ! À la suite des deux premiers albums, la sOurce et la sOnde et Six Saisons sur ilO, Cyann s'était retrouvée sur la planète Aldaal d'où elle a eu un mal fou à sortir. Elle y a découvert deux petites curiosités. Ainsi, elle a découvert l'existence d'une compagnie qui exploitait cette planète, la MCU, et que le nom de ses parents figurait dans la liste de ce que l'on pourrait qualifier d'actionnaires de cette compagnie. Cyann a donc décidé, d'une part, de fuir la planète Aldaal, et d'autre part, d'essayer d'en savoir un peu plus sur la MCU. D'autant plus qu'apparemment, les portes lui fournissent un accès direct dans les sites de la compagnie… Elle débarque ainsi sur une planète inconnue, une fois de plus, mais bien différente de celles qu'elle a précédemment connues.

Justement, cette planète Marcade vous permet de développer un univers autre, en y mettant en scène une société assez terrible…

En effet, on tombe de Charybde en Scylla ! Claude et moi avons vraiment pris le temps de créer cette planète, de deviner ce qui s'y passe, de mettre cet univers au point… Il s'agit d'une planète sur laquelle règne une mer de nuages sous laquelle nul ne sait trop ce qu'il y a : un univers fort peu sympathique et assez traumatisant. Les gens vivent au-dessus : les constructions sont bâties sur des pilotis, des sortes d'autoroutes dominent la mer de nuages au bord desquels sont installés les édifices. Claude Lacroix a effectué un gros travail pour imaginer cette ville. Nous l'avons pensé ensemble, mais tout ce qui est architecture est sorti en grande part de son imagination. Il a réalisé de nombreuses et grandes maquettes de Marcade. Claude est moins maquettiste dans l'âme que moi, mais il aime bien visualiser les choses en développant des maquettes assez sobres et simples. Il avait ainsi installé chez lui plusieurs mètres de la ville : à partir de là, il a commencé à nous inventer la cité. Je n'avais plus qu'à m'y promener. Comme à chaque fois, nous travaillons selon les mêmes principes, mais avec de petites différences selon les cas. Dans le grand principe, je suis toujours, à la fois, le scénariste final, celui qui écrit le scénario et les dialogues, et le dessinateur, mais, dans la préparation, Claude intervient à tous les moments de la conception, et nous nous répartissons les tâches. Ici, il a pris en charge la ville : lors de la création des planches, soit je me servais de vues qu'il avait déjà dessinées, soit j'en imaginais d'autres sur lesquelles il pouvait ré-intervenir, en les complétant, en les remettant dans l'esprit de ce qu'il pensait être cette ville.

Était-ce un besoin pour vous de passer dans un univers aérien, très différent de l'ambiance du tome précédent où les choses se passaient au raz de l'eau, sur des barques ?

Nous changeons complètement d'élément, le milieu ici est essentiellement urbain, bien qu'étant entouré par la mer de nuages. Les gens de Marcade ne sortent jamais de la ville. Leurs préoccupations sont celles de citadins. Nous avons cherché à donner l'impression que cette planète vit déjà en survie, que ses habitants vivent au-dessus de leur planète, qu'elle est invivable en dessous. Finalement, c'est cette société qui vit sur pilotis qui nous a amusés de mettre en scène. Effectivement, nous sommes dans un monde assez terrifiant, où les gens semblent quelque peu déshumanisés.

Justement, on peut y voir une critique de notre société capitaliste, de la société de consommation où tout se paye, se monnaye…

Voilà, en ce moment, en répondant à vos questions, nous serions en train d'échanger du fric ! Sur Marcade, simplement en répondant au salut de quelqu'un, on ouvre le droit à une taxe. Tout se paye ! Bien évidemment, tout est surveillé. Ces gens paraissent indifférents, mais on ne sait pas s'ils le sont vraiment parce que dans toutes les dictatures, quand les gens se sentent surveillés, quand leur vie la plus intime est exposée en permanence, ils deviennent des zombis. Peut-être aussi gardent-ils leurs angoisses et leurs révoltes par peur d'être surveillés, trahis, repérés ?…

Qui a eu l'idée de cette inquiétante société, Claude Lacroix ou vous-même ?

C'est une idée commune. Disons que nous n'avons pas eu besoin de nous pousser… Je ne voudrais pas dire que le monde dans lequel nous vivons est ainsi, loin de là, mais les angoisses que nous ressentons dans le monde actuel ne sont pas très éloignées de celles que nous imaginons. Parfois, cela peut ressembler à une caricature, pas forcément de notre monde, mais de nos angoisses de ce que sera le futur de notre monde. C'est en cela que cela nous a amusés… C'est un moyen de nous défouler, d'essayer de mettre un peu d'ironie derrière tout cela. Et aussi de se faire du bien !

À la lecture de votre album, nous pensons à certaines références comme Huxley ou Orwell… Les influences du Meilleur des Mondes ou de 1984 se font sentir dans les Couleurs de Marcade. S'agit-il d'œuvres qui vous ont marquées ?

Cela est évident pour 1984 d'Orwell. Ce sont des choses que nous avons toujours en tête. Parfois, l'on trouve dans notre société des éléments qu'il a décrits, mais pas de façon aussi caricaturale. Nous ne pouvons pas oublier cette idée du risque de la surveillance totale et permanente. Dans les régimes les plus totalitaires, les gens rasent les murs. C'est le cas ici. Certes, c'est brillant, c'est coloré, ça semble amusant comme univers, mais c'est amusant comme certaines émissions de télévision où tout le monde a l'air de se bidonner… alors que c'est finalement très méchant. D'une manière un peu douceâtre, on fait semblant d'être bon copain.

Avez-vous le recul pour nous préciser quelles lectures ou quels films vous ont influencés ?

Non, je n'ai pas le recul suffisant. Je suis toujours entre la fiction, entre ce que nous avons pu lire, et là Claude est beaucoup plus un lecteur de science-fiction que moi, mais nous pensons en permanence au monde dans lequel nous vivons. Dans le cinéma, il est exact qu'il existe quelques œuvres de fiction qui sont sympathiques. Je pense à certains films de Ridley Scott, ses premiers en tout cas. Maintenant, ce qui nous influence d'une manière ou d'une autre, précisément, c'est pratiquement impossible à savoir : n'importe quel auteur est un capteur, un vampire. On ingurgite tout, on broie, on mélange… et puis quelque chose en ressort ou pas. N'importe quel auteur est incapable de faire le tri dans les idées qui lui viennent, et d'en trouver avec exactitude les inspirations.

Les Couleurs de Marcade nous ont également fait penser à l'œuvre d'un autre grand auteur de SF en bande dessinée, Jean-Claude Mézières, qui a collaboré avec Luc Besson sur Le Cinquième Élément

Honnêtement, je n'y avais pas du tout pensé. Il est vrai que j'aime bien la série Valérian, que j'ai suivie à ses débuts. Pour aborder la science-fiction, nous le faisons de la même façon que pour l'histoire contemporaine ou ancienne. Il n'y a jamais de véritable barrière, quoi que nous racontions, quelle que soit l'époque abordée - passée, présente, à venir -, nous sommes toujours dans les préoccupations du moment, à la recherche de solutions, des craintes, de la caricature, de l'instant vécu : notre entourage, nos voisins, nos amis, et leurs difficultés. Nous analysons l'histoire, passée, présente et éventuellement à venir, en fonction de nos préoccupations, c'est-à-dire de ce qui nous intéresse. Si le lecteur se retrouve dans beaucoup de livres, de romans, dans certaines bandes dessinées ou certains films, c'est toujours parce qu'il se sent concerné, que les personnages lui sont proches, que leurs problèmes l'interpellent. Je crois que nous ne nous intéressons pas à des gens qui ne nous ressemblent absolument pas. Le lecteur a besoin de se sentir concerné.

Nous retrouvons donc Cyann sur Marcade. Elle a tout de même un sacré talent cette jeune femme : elle s'adapte extrêmement vite !

C'est vrai que Cyann a une bonne capacité de surviveuse ! Elle n'est pas facilement abattue, c'est quelqu'un qui a de l'énergie à revendre, bien que l'on ait l'impression, non pas qu'elle se fragilise, mais qu'elle se sensibilise…

Elle s'humanise…

Voilà, c'est cela. Cette fragilité peut être également une force. Depuis Six Saisons sur ilO, où elle perdait son compagnon, Cyann est restée avec cette blessure physique à la jambe et cette blessure à la tête. Depuis ce temps-là, elle n'est plus tout à fait la même, effectivement. On sent bien qu'elle change dans ses rapports avec les gens, dans sa sensibilité par rapport au monde. On la sent différente.

Par rapport à sa mythologie personnelle, cet album marque un point très important dans son parcours : Cyann retourne sur sa planète d'origine…

Il s'agit de l'un des moments importants de cet épisode. Elle finit par retourner sur Olh. Encore une fois, elle se retrouve ici sur une planète sur laquelle elle n'a pas envie de rester, qui, bien que civilisée, n'est pas plus sympathique que la planète précédente, Aldaal. Elle trouve enfin quelqu'un qui semble intéressé de l'aider à revenir sur Olh…

Et là, bien évidemment, du fait du décalage temporel, la chute va être difficile pour Cyann…

La chute est un peu brutale, Cyann est obligée de s'enfuir à nouveau sans avoir totalement les explications de ce qu'elle vient de voir. Le lecteur aura l'explication de ce qui s'est passé dans le dernier album. Nous avons choisi de suivre Cyann dans sa chronologie, dans son temps à elle, mais comme elle voyage avec des déplacements spatio-temporels, elle retrouve les autres dans d'autres linéarités et cela lui réserve bien des surprises !

Était-ce une volonté de Claude Lacroix et vous-même de ramener une partie de cet épisode aux origines de la série ?

Oui, cela nous permet de revenir sans cesse sur certains points et de pousser certains personnages, de montrer des choses un peu différemment en faisant des raccourcis dans le temps que nous n'aurions pas pu nous permettre autrement, à moins de raconter l'histoire d'un personnage de 0 à 110 ans. Si Claude s'intéresse principalement aux fonctionnements des mondes que Cyann traverse, cela me permet d'approfondir le caractère, le tempérament des personnages, leurs logiques… Cela m'amuse beaucoup !

Vous avez été très rapide pour publier ce quatrième tome…

Il faut être honnête, cet album était bien entamé quand nous avons fait paraître le précédent. Ni Claude ni moi n'avons mis sept ans à faire Aïeïa d'Aldaal. Nous l'avons terminé quand nous avons pu le terminer, quand nous nous sommes trouvés en droit de le faire, si l'on peut dire, suite à nos affaires… Mais, entre-temps, nous avions bien avancé sur celui-ci.

Le tome 5 est-il déjà entamé ?

Il est construit dans ses grandes lignes. Notre premier travail est fait : nous savons ce qui va s'y passer. Je dois écrire un synopsis long, que nous rediscuterons ensuite ensemble. Puis viendra le moment solitaire d'écriture du scénario. Claude me donnera ses avis, me précisera ce qu'il voudra, à son tour, développer. Le travail d'écriture et de découpage est une étape qui me concerne bien plus que Claude, qui, pour sa part, intervient dans le fonctionnement global, dans la mécanique.

Ce dernier tome sera la conclusion de la série. Savez-vous déjà comment vous allez boucler le Cycle de Cyann  ?

À peu près. Mais vous savez, il faut être très prudent dans ces cas-là. La vie nous réserve des surprises, le monde évolue tellement vite autour de nous ! Nous pourrions avoir envie d'introduire un élément non prévu initialement, ou au contraire, considérer que tel passage a perdu de son intérêt et le changer… Mais la construction globale est arrêtée. Maintenant, sur un récit, il existe mille et une manières de le découper, de faire telle ellipse ou développer telle autre. Et là, nous avons encore beaucoup de choses à faire.

Pouvons-nous évoquer vos techniques de créations graphiques ? Il est indéniable que votre dessin a évolué…

Je réponds rapidement pour Claude : il dessine au crayon, me donne ses crayonnés, mais n'intervient pas sur l'album lui-même. Claude a toujours une double casquette, si je puis dire : il ne s'est jamais arrêté pour faire tel ou tel album, il fait toujours plusieurs travaux à la fois. Pour ma part, quand je réalise une planche, je fais comme tout le monde en commençant par des crayonnés. Mais là aussi, j'ai beaucoup évolué, à partir de la fin de Six Saisons sur ilO. Aïeïa d'Aldaal a été un album intermédiaire où j'ai été poussé à laisser tomber la plume, avec laquelle je travaillais, pour une simple raison technique résidant dans le fait que les plumes avec lesquelles je travaillais depuis trente ans ne se fabriquent plus ! J'en ai essayé d'autres, aucune ne m'allait, c'était infernal… J'ai alors décidé de travailler au feutre, mais en plus grand. Tout simplement, je fais mes pleins et mes déliés comme on peut le faire avec un crayon, en appuyant un peu plus, en repassant. Dans un premier temps, j'ai craint de ne pas retrouver mon trait. Globalement, je l'ai retrouvé. Aïeïa d'Aldaal, de ce point de vue, est un album bâtard dans la mesure où certains dessins sont à la plume, d'autres au feutre. Mais je ne crois pas que cela se sente dans l'album lui-même. Disons que cette nouvelle technique apporte un peu plus de rondeurs à mon dessin, dans le tracé. Travaillant plus grand, et ayant surtout l'humilité de corrections permanentes, faisant des collages, me moquant du support de base parce que je réalise la couleur sur un autre support, je suis beaucoup plus décontracté. Cette nouvelle souplesse dans le mouvement m'a plutôt fait du bien, m'a redonné un plaisir à encrer, alors qu'avant l'encrage était toujours un passage un petit peu tendu. On a toujours peur du pâté, du trait qui dérape, de la courbe qui prend la tangente ! J'ai la chance de savoir bien appréhender les échelles, je suis maquettiste, je sais bien lire un plan d'architecte… Quelque que soit l'échelle de mon dessin, je peux faire un personnage au double comme au triple.

Le directeur général du groupe Glénat, Dominique Burdot, nous a confié que le studio de Vents d'Ouest a réalisé un gros travail de photogravure pour bien reproduire vos couleurs…

Pour les couleurs, je fais de la sélection directe depuis Aïeïa d'Aldaal. J'y suis revenu, parce que mes premiers travaux pour la presse enfantine et les Brunelle et Colin étaient en sélection directe. C'est à partir des Passagers du Vent que je suis passé aux bleus parce que c'était plus facile à l'époque, techniquement. Nous n'en sommes plus là aujourd'hui, la photogravure a totalement changé. Comme pour Brunelle et Colin, je fais imprimer mon noir sur un papier qui convient à l'encre. Mes couleurs sont toujours à l'encre. Pour Aïeïa d'Aldaal, nous avons connu quelques problèmes qui étaient dus à l'évolution des techniques de photogravure. Aujourd'hui, il n'y a plus d'ektachromes, les dessins sont directement scannés. Évidemment, le scan a une analyse très différente de l'ektachrome. Un peu comme l'œil, l'ektachrome se borne aux apparences, alors que le scan agit plus comme une radiographie que comme un appareil photo. Le balayage laser a tendance à pénétrer certaines couleurs très fluides, et, en revanche, il va se bloquer sur les passages traités à la mine de plomb ou au crayon de couleurs. L'album précédent avait demandé énormément de corrections, de retouches. Pour les Couleurs de Marcade, fort de cette expérience, j'ai évité tout ce qui pouvait poser problème. En fonction de cela, j'ai repris toutes mes couleurs, puis j'ai laissé l'atelier de photogravure faire son métier. L'atelier de Grenoble est performant, je me suis contenté de regarder les épreuves et, éventuellement, de demander une ou deux corrections. Cette fois-ci, c'était beaucoup moins angoissant !

Avant la création du tome 5 du Cycle de Cyann, vous allez faire une pause personnelle et publier un one-shot ne s'inscrivant pas dans cet univers…

Tout comme Claude a d'autres activités, notamment pour le dessin animé ou pour la bande dessinée, j'ai également envie de faire autre chose. Depuis le premier Cyann, je n'ai fait que cela, pendant plus de dix ans ! J'ai vraiment besoin d'une coupure, de me retrouver un petit seul. Je suis auteur à part entière, et j'ai aussi besoin de respiration, de prendre un peu de recul. Je sais aussi que les lecteurs qui ont la gentillesse de me suivre sont patients et savent qu'il faut toujours un peu attendre pour lire mes ouvrages. C'est comme un oncle qui part en voyage sans savoir quand on le reverra !… J'avais un projet que je traînais depuis longtemps et j'ai eu envie de le concrétiser. J'avais besoin d'oxygène, sûrement pas par rapport à Claude, mais par rapport à tout ce qui a pu peser sur cette série, qui sont, disons, des événements de société. J'ai aussi envie de raconter des choses qui me tiennent à cœur. Pour le moment, j'en ai réalisé 70 planches, mais il m'en reste encore pas mal à faire…

Il s'agira donc d'un très gros one-shot ?

Exactement, mais il est prématuré de s'étendre dessus. Vraisemblablement, il s'agira d'un seul album, c'est ce que je souhaite, à moins qu'il y ait des impératifs commerciaux absolus. C'est un peu comme le Dernier Chant des Malaterre, un album unique, avec une bonne pagination, sans suite. Nous sommes dans un contexte historique, je retrouve la manière de travailler que j'ai eue pour les Compagnons du Crépuscule et les Passagers du Vent, mais avec quelqu'un, heureusement pour le lecteur et malheureusement pour lui, qui a quelques années en plus !

Certains évoquent un complément aux Passagers du Vent…

Les gens parlent et je les laisse parler ! À partir du moment où l'on commence à jouer au jeu du « oui ou non », les gens se vont de fausses idées. Je préfère annoncer les choses quand elles arrivent. Tout ce que je puis dire, c'est que j'ai vraiment plaisir à travailler. J'espère que le lecteur s'y retrouvera. Si tel n'est pas le cas, ce n'est pas grave. On ne peut pas passer quatre-cinq années de sa vie sur quelque chose uniquement pour faire plaisir aux autres. Il faut vraiment en avoir envie : c'est pour cela que j'ai marqué cette pause. Ce n'est pas une coupure, c'est autre chose entre deux albums de Cyann. De nombreux auteurs passent ainsi d'un album à l'autre. C'est aussi une nécessité de ne pas s'enfermer dans une série. Il faut faire venir des choses d'ailleurs pour retrouver le plaisir.

Cet album en solo sera-t-il également publié chez Vents d'Ouest ?

Depuis les malheureux problèmes qui ont tourné autour d' Aïeïa d'Aldaal, je fais un album et ensuite, quand il est terminé, je trouve un éditeur pour passer un contrat et le publier. Je ne cherche aucunement à faire des batailles de surenchères, mais je ne me retrouverai plus jamais avec quelqu'un qui me réclamera quelque chose comme on me l'a réclamé avec des astreintes. Çà, c'est fini ! Je pense que la liberté est indispensable à la création, à l'esprit d'un auteur. On ne peut pas rêver avec l'esprit pollué par un tas de choses qui n'ont rien à voir avec l'univers de la création. Les bons éditeurs doivent le savoir…

Avant de conclure, comment définiriez-vous ces Couleurs de Marcade, et comment vous est venu ce beau titre ?

Nous avions plusieurs pistes pour titrer cet album. Claude avait pensé à « Neden », pour nommer cette planète. Mais cela était trop proche d'autres univers de science-fiction, notamment en littérature. Nous avons cherché autre chose et avons trouvé « Marcade » qui correspond bien au côté marchand de cette planète. C'est aussi pour cela que les habitants de Marcade s'appellent des Marcanèdes, comme se seraient appelés les habitants de Neden. Peut-être que, dans le temps, Marcade s'appelait Neden, ce n'est pas impossible, mais nous n'avons pas remonté toute l'histoire de cette planète… Et puis les couleurs, parce qu'elles sont le symbole qui donne un prix à chaque chose sur cette planète, sont évidemment très importantes.

Une dernière question : qu'est-ce qu'on peut aujourd'hui vous souhaiter ?

De pouvoir continuer à travailler sereinement, de pouvoir retrouver une certaine liberté sur des choses qui nous échappent actuellement. Pour moi, quand je parle de liberté, c'est vraiment quelque chose d'essentiel. Les gens qui ne comprennent pas le besoin absolu que j'ai de liberté font une erreur grossière et un manque total de professionnalisme.

Propos recueillis par Brieg Haslé en janvier 2007
Tous droits réservés © Brieg Haslé & Michel Nicolas - Auracan.com - 2007
Photo François Bourgeon © Marc Le Rest - Auracan.com
Visuels © François Bourgeon & Claude Lacroix - Vents d'Ouest - 2007
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Remerciements à Dominique Burdot, Caroline Longuet et Sophie Ricaume
François Bourgeon sur Auracan.com :
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Brieg Haslé
30/01/2007