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Entretien avec Arthur de Pins

 « Avec Control Freaks, on entre vraiment dans le vif du sujet »

Des projets d'animation, un troisième tome, Control Freaks, à paraître début novembre, ça bouge décidément beaucoup du côté du parc Zombillenium et de sa galerie de monstres sympas. Serait-ce l'approche d'Halloween ?

Arthur de Pins a préféré garder le silence sur cette sinistre supposition, mais, après avoir évoqué les images animées (voir Re-Animator dans nos indiscrétions) l'auteur a volontiers répondu aux questions d'Auracan au sujet de la BD.

Vous nous avez présenté votre travail sur un court-métrage issu de Zombillénium, et le troisième tome de la série BD sort dans une dizaine de jours. Les premières planches sont, littéralement, d'enfer...

Control Freaks est assez particulier. Il s'agit du premier tome qui se déroule intégralement à l'intérieur du parc Zombillenium, ce qui m'a amené à travailler davantage sur tout le décor de celui-ci, sur les attractions, notamment pour une scène importante sur le rollercoaster. Et au niveau du scénario, il s'agit d'un album-charnière. Les deux premiers tomes pouvaient être lus comme des one-shots, or avec celui-ci, on entre vraiment dans le vif du sujet. J'ai un plan pour six albums et Control Freaks préfigure les tomes 4, 5 et 6. Il s'agira d'une suite, globalement plus axée sur les motivations de chacun des personnages principaux.

Disposiez-vous de ce schéma dès le début ?

Non, car Zombillenium est né un peu par hasard d'une couverture de Spirou demandée par Frédéric Niffle [rédacteur en chef du magazine, ndlr] pour un numéro Halloween en 2008. J'adore cet univers et ça m'a amené à bifurquer de ce que je faisais jusque-là. J'ai démarré sur le premier album, avec les bases d'une histoire et une partie assez... improvisée, mais rapidement, à peu près au tiers du bouquin, les choses se sont mises en place et une structure logique s'est imposée. Probablement en mesurant le potentiel du monde de Zombillenium...

La satire du monde du travail se renforce, elle aussi, au fil des albums...

Oui, et elle se trouve au centre de ce troisième tome, puisqu'un consultant arrive auprès de la direction du parc pour améliorer son rendement. Il fallait installer un "méchant" au coeur du système, ce qui n'est pas forcément évident quand la plupart de vos personnages sont des monstres. Et Jagga, ce consultant, me semblait tout indiqué. Quand j'étais adolescent, mon père s'est, à un moment, retrouvé sans travail. Il dirigeait une filiale d'une entreprise de travaux publics, et on lui a fait comprendre qu'il n'était pas assez incisif ou même agressif envers son personnel. Il était trop humain, quoi... Il a alors été remplacé par un jeune loup, un roquet... Il a retrouvé un job, mais cette période m'a probablement influencé. D'ailleurs, des amis qui connaissent mon père et la série m'ont déjà dit qu'il y avait une certaine ressemblance avec le personnage de Francis.

On pourrait parler d'une forme de déshumanisation, mais comment la qualifier chez des monstres ?

C'est le coeur de l'album. Dans le tome 2, les humains étaient les méchants, ici le problème s'installe au sein même du parc et de son personnel. Que se passe-t-il si on perd le contrôle d'un personnel aussi... euh... particulier ? Ou si on déclenche une compétition au sein de celui-ci ? Les conséquences en entreprise sont assez effroyables, on peut en imaginer de bien pires quand il s'agit de monstres !

Un scoop ? Le parc d'attractions basé sur les personnages Dupuis sera-t-il, finalement, Zombillenium ?

Ah ah ah, je n'en sais pas plus que vous à ce sujet... Non, j'imagine que j'en serais informé... Et puis, Zombillenium, serait-ce vraiment rassurant ? (rires) On parle d'un parc en Provence, Zombillenium a besoin des brumes et de la grisaille du Nord, c'est une question d'ambiance !

Depuis les Péchés mignons, vous avez imposé votre patte en dessin numérique. Il s'agit d'un secteur qui évolue beaucoup et très vite. Devez-vous constamment vous réadapter à cette technologie ?

Pas du tout. Ca va sans doute vous surprendre, mais je travaille avec une version d'Illustrator qui a plus de 20 ans, un programme que j'ai commencé à aborder pendant mes études. Je ne suis pas passé à des versions plus récentes pour différentes raisons, mais j'apprécie celle-ci parce qu'elle est relativement simple et va à l'essentiel. C'est difficile à expliquer, mais il s'agit d'un matériel qui impose certaines contraintes, mais ces dernières conduisent finalement à une forme de créativité.

Vous avez participé à l'imposant album collectif La galerie des illustres (Dupuis) publié dans le cadre des 75 ans de Spirou, avec un hommage tout particulier au Broussaille de Frank et Bom, pourquoi ce choix ?

Broussaille a été mon premier vrai coup de coeur en BD. Jusque là je lisais des choses beaucoup plus classiques, et j'ai découvert Broussaille grâce à un concours de la FNAC. En lisant, j'ai découvert une autre BD, plus réaliste, parce qu'on sent qu'il y a une part de vécu dedans, et ça m'a vraiment marqué. D'ailleurs, La Nuit du chat, encore aujourd'hui, est un de mes albums préférés, sinon mon préféré...

Au cours de cette année anniversaire Spirou, on a aussi découvert une très belle fresque signée Arthur de Pins mettant en scène les principaux personnages de l'hebdomadaire. Comment avez-vous abordé une telle réalisation ?

J'ai réalisé cette image à la demande de Dupuis, avec beaucoup d'enthousiasme, mais j'avoue qu'en trouver le principe a constitué un vértable casse-tête. J'avais pensé à un flashmob, puis je me suis souvenu de l'affiche du 60ème festival de Cannes, où on avait assemblé les photos de différentes personnalités du monde du cinéma en train de sauter, chacune à sa façon, comme si ce saut reflétait leur identité. Je voulais retrouver cette dynamique. Mais il fallait aussi recréer, à ma manière, des personnages qui ne sont pas les miens. Et croyez-moi, ce ne sont pas forcément ceux qui semblent les plus complexes pour lesquels ce travail a été le plus difficile !

On vous retrouve également, et c'est une surprise, en tant qu'invité dans le tome 3 de Pin-up wings de Romain Hugault (Paquet, collection Cockpit). On pouvait imaginer les pin-ups, mais qu'en est-il de la facette aviation ?

J'ai rencontré Romain Hugault par le biais de l'avion. C'est une de mes passions et je prends des cours de pilotage depuis deux ans dans un club qu'a fréquenté Romain. J'ai été au vernissage de l'une de ses expositions, et nous n'avons parlé ni de dessin, ni de BD, mais d'avation et de pilotage. Quand il m'a invité à réaliser un dessin pour cet album, j'ai accepté immédiatement. Une pin-up, un avion, j'étais ravi, et ça nous a permis de faire plus ample connaissance.

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Pierre Burssens
21/10/2013