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Entretien avec Christophe Bertschy

« Une planche traditionnelle, c'est très long... »

Liane Foly chantait Rêve orange, Julie, la jeune femme dont l'univers est squatté par Nelson, insupportable petit démon, pourrait, de son côté, chanter son cauchemar orange. Publiées dans Spirou et en albums chez Dupuis depuis près de dix ans, les gaffes ravageuses de ce diablotin à domicile avaient séduit les lecteurs du quotidien suisse Le Matin dès 2001.

Du public adulte d'un journal à celui d'une BD résolument tous publics, Nelson diversifie ses victimes avec succès. Christophe Bertschy, son auteur, de passage en Belgique, ne nous a pas parlé d'exorcisme mais a pris le temps de répondre aux questions d'Auracan malgré un planning particulièrement serré.

Comment est né Nelson ?

Nelson est né à une époque où j'essayais de créer un personnage vraiment insupportable. J'avais exploré différentes possibilités, mais quoi de mieux qu'un diablotin pour personnifier cette caractéristique ? Il a fait son apparition dans le quotidien suisse Le Matin, et j'ai eu la chance qu'il plaise. J'ai réalisé une douzaine de strips, puis 20, et aujourd'hui on commence à approcher les 3500 !

Continuez-vous à publier dans ce quotidien ?

Absolument, et je pense qu'il y a une pression salutaire à cela du côté de l'inspiration. Chaque mercredi ou jeudi je dépose six strips à la rédaction pour la semaine suivante, puisque Nelson est publié à raison d'un strip par jour. Je n'ai pas vraiment de filet de sécurité, et c'est probablement pour cela que j'en suis venu, très progressivement, à développer de petits modules construits autour de l'un ou l'autre thème. Je ne me sers pas de l'actu développée dans le journal, ça c'est un autre métier, le dessin de presse. Mais je sais que les lecteurs apprécient, par exemple, au moment des fêtes de fin d'année, de trouver des histoires en lien avec cette période, ou les saisons, ce genre de choses...

Vous utilisez le dessin vectoriel, de quoi s'agit-il ?

Disons que c'est une technique, sur ordinateur, qui fonctionne par la pose de points et de leviers, on ne dessine pas à proprement parler... mais le résultat a l'avantage d'être très lisible, facile à réduire et à réutiliser. Ça permet de conserver pas mal d'éléments, de les stocker une fois pour toutes, et de les reprendre si nécessaire. Il y a une quinzaine d'années, je me suis heurté à une forme, peut-être pas d'hostilité, mais au moins de scepticisme de la part des amateurs de BD traditionnelles. Parallèlement, l'arrivée des tablettes, des smartphones, a multiplié les graphismes de ce type. Je pense également que les lecteurs de Nelson sont plus sensibles à l'efficacité du gag qu'à la finesse du trait, les pleins, les déliés, tout cela... C'est un parti pris technique qui a ses inconvénients, mais auquel je trouve de plus en plus d'avantages le temps passant. Et il me permet de raconter de façon très efficace ce que j'ai en tête.

Vous limiter à deux ou trois cases pour raconter un gag, n'est-ce pas une énorme contrainte ?

Pas pour moi, non, au contraire je peine à faire plus long. J'ai essayé au tout début, mais pour moi une planche traditionnelle c'est déjà très long. Pour une planche, j'ai l'impression de devoir diluer, non c'est plus facile un format très court, vraiment !

Pourtant, même de cette manière, vous avez étendu et enrichi l'univers de Nelson d'un album à l'autre...

Je dois "nourrir" Nelson, donc je suis obligé de creuser, mais ça m'amuse aussi, parfois, d'exploiter une situation donnée suivant des angles différents, de la développer, tout en connaissant les limites de l'univers du diablotin. Je ne pense pas que Nelson puisse un jour être aussi attachant que du Cauvin, par exemple. Si vous lisez Cédric, vous avez vraiment l'impression de passer un moment dans la famille du personnage, il y a toute une approche, avant le gag final, la chute de l'histoire, et cette approche, en elle-même, peut être très amusante. À côté de cela, Nelson c'est du concentré ! 

Mais, à l'extrême, n'est-ce pas finalement un peu paradoxal de trouver Nelson publié en albums ?

Moi, ça me surprend toujours, mais ça me fait très plaisir aussi (rires) ! Mais au départ je ne trouvais pas ça évident. Il y a eu un premier album publié par Le Matin, en bichromie, qui a été bien accueilli en Suisse. Mais parfois, une suite de gags, il me semble que ça doit être un peu pénible à lire, non ? Peut-être que, justement, travailler sur des thématiques, comme je vous le disais plus haut, ça aide aussi le lecteur...

Tous les strips sont-ils rassemblés en albums ?

Non, j'en élimine toujours quelques-uns, qui ne me plaisent pas complètement, soit à cause du gag, que, rétrospectivement, je ne trouve plus aussi amusant ou efficace, soit à cause d'un truc qui me chiffonne visuellement. Mais il s'agit d'une toute petite minorité.

Vous sentez-vous plus proche du monde des cartoons ou de celui de la BD ?

J'admire énormément les cartoonists anglo-saxons, américains... Quand je vois ce qu’ils arrivent à exprimer, à transmettre, parfois en un seul dessin ! Mais bon, avec une moyenne de trois cases, je ne vais pas me plaindre de mon sort, mais il y a moyen de faire plus concis !

Il y a quelques années, n'a-t-on pas envisagé d'animer Nelson ?

Effectivement, mais ça remonte déjà à pas mal de temps. Je ne pense pas que l'idée ait été abandonnée, mais je vous avoue que suis cela de très loin. Je ne suis pas du tout compétent en animation et mes strips me demandent pas mal de temps, mais je crois que le projet est toujours en cours.

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Pierre Burssens
04/11/2013