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Entretien avec Denis Lapière

« Quand on revisite la manière de raconter une histoire,
travailler dessus devient super-amusant ! »

Le lancement de la saison 2 d'une série à la construction hors du commun (Alter Ego, Dupuis), une incursion dans Les Univers de Stefan Wul sous forme d'une très dynamique adaptation (La Peur géante, Ankama), la poursuite des nouvelles aventures d'un héros mythique (Michel Vaillant, Dupuis-Graton) sont autant de cas de figure auxquels s'est récemment attaché le scénariste Denis Lapière.

Avec la sortie quasi simultanée des trois albums correspondant (soit, respectivement Teehu, La Révolte des océans et Voltage), la fin d'année de l'auteur s'annonce particulièrement chargée. Peu avant cette période de rush, Denis Lapière a pris le temps d'évoquer ce tiercé BD avec nous.

Trois albums sortent presque en même temps, avec, à chaque fois une approche bien spécifique, ce n'est pas commun !

Pour moi, en tous cas, c'est la première fois. Ils sortent sur une période très courte, hasard dû aux plannings des éditeurs, alors que le travail sur chacun d'eux a été entamé à des moments différents. Ce sont trois univers qui ont très peu de points communs, à part peut-être le fait qu'il s'agit d'albums que j'aime particulièrement. Donc, pour moi c'est plutôt bien...

La première saison d'Alter Ego (Dupuis) avait une construction très particulière, avec six albums pouvant être lus indépendamment, et dans n'importe quel ordre, avant de passer au septième qui en constituait l'épilogue. Qu'en est-il de la saison 2 ?

On a conservé le même principe, avec cette fois un ensemble de 4 albums. Les trois premiers sont centrés sur des personnages qui représentent, trois ans après que le secret des Alter ego ait été dévoilé, 3 types de réactions à cette révélation. La première, dans Teehu, est religieuse ou spirituelle, la deuxième sera politique, et la troisième verra comment tirer un maximum d'argent de ce secret. Chaque album se termine sur un cliffhanger, et un quatrième bouquin constituera la conclusion de cette saison 2. Teehu vient de sortir, les 3 autres en 2014, à raison d'un tome tous les 4 mois. La saison 1 a été très bien accueillie, alors que l'on craignait un peu que sa complexité, avec ses  pièces de puzzle indépendantes, sa construction spécifique, soit mal perçue par les lecteurs. Or on a constaté l'effet inverse, ce qui nous a agréablement surpris et encouragé à adopter un schéma similaire pour la suite.

Au départ du projet, Pierre-Paul Renders, son concepteur, avait déclaré qu'il était impatient de raconter l'histoire reprise dans cette saison 2...

Les choses ont évolué. Il était impatient de raconter la manière dont toute l'intrigue d'Alter Ego trouve son aboutissement, sa fin. Or aborder celle-ci directement après la saison 1 aurait entraîné un trop grand bon dans le futur. La saison 2 se situe comme intermédiaire, et la série comportera un troisième cycle.

Alter Ego est également l'oeuvre d'un studio virtuel dont on commence à découvrir les noms des membres en couverture d'autres albums. La série a-t-elle constitué un tremplin pour certains d'entre eux ?

Je ne sais pas si on peut parler de tremplin. Luca Erbetta, Ricard Efa et Mathieu Reynès n'étaient pas des inconnus, ça a peut-être montré qu'ils pouvaient s'intégrer à une success-story et ça leur a probablement ouvert plus largement certaines portes. Benjamin Benéteau nous a rejoint dans l'équipe de la nouvelle saison de Michel Vaillant. Emil Zuga était, lui, complètement inconnu. Il a réalisé un boulot remarquable, j'espère qu'il saura saisir les opportunités qui pourront se présenter.

Vous évoquiez Matthieu Reynès qui signe le dessin de La Peur géante, votre adaptation d'un roman de Stefan Wul chez Ankama...

Oui, et nous avons eu beaucoup de plaisir à travailler ensemble à ce projet. C'est la première fois que j'aborde une vraie histoire de SF, nous avions carte blanche pour cette adaptation, et le sujet permettait de travailler l'esprit-même de la mise en scène. L'histoire s'y prêtait, on a éclaté les mises en page, réalisé des choses que nous n'avions jamais faites.

Le sujet incitait au spectaculaire...

C'était quasi obligatoire, mais il ne fallait pas tomber dans le piège d'en faire juste pour amener quelque chose de grandiose. Nous devions trouver la manière la plus appropriée d'alterner, d'y insérer des scènes plus intimistes, en gardant le meilleur équilibre et surtout la meilleure lisibilité possibles. Je trouve que ça nous a conduits à travailler sur le langage BD en tant que tel, sur sa grammaire.

Le roman de Stefan Wul devait-il être dépoussiéré ?

D'une certaine manière, oui. Certains éléments ont vieilli, et l'éditeur nous a laissé une entière liberté. Les Univers de Stefan Wul donnent lieu à une belle collection et nous sommes fiers d'en faire partie. J'ai lu les autres bouquins qui la composent et je n'ai pas été déçu. Et puis, quand on tente des choses nouvelles, quand on revisite la manière de raconter une histoire, et surtout quand ça fonctionne, on a l'impression d'inventer un truc, et travailler dessus devient super-amusant !

Au lancement de la nouvelle saison de Michel Vaillant, on a beaucoup parlé du héros dans les paddocks et sur les pistes du WTCC. Aujourd'hui, pourrait-on évoquer un rapprochement Vaillante-Venturi ?

Vous allez un peu vite en besogne ! Avec le nouvel album, Voltage, on renforce encore un peu plus l'esprit « 2.0 ». Celui-ci passe par une nouvelle manière d'être pour le héros, que l'on a montré dans le tome précédent, avec ses problèmes avec son fils, l'installation dans un univers plus moderne et contemporain... Je ne pense d'ailleurs pas que dans la série initiale on aurait pu imaginer Michel Vaillant quittant une course comme dans Au nom du fils. Dans Voltage, en introduisant l'électricité et le côté amour/haine du monde de l'automobile envers celle-ci, on contextualise l'histoire. C'est quoi l'avenir de l'automobile ? Le thermique ? L'électricité ? Les tomes 3 et 4 marqueront de manière plus précise la direction que nous voulons donner à la série. Quand l'opportunité s'est présentée pour nous de suivre toute la préparation d'un record de vitesse, en électrique, par Venturi, nous ne pouvions pas passer à côté. Au niveau documentation, je peux vous garantir que Voltage est sans défaut !

Vous parlez de contexte contemporain, or il existe des classes hybrides dans différentes compétitions, les choses évoluent...

Complètement, et il existe une formule E pour électrique. Imaginez, pour Venturi, l'importance, au moins symbolique, de battre un record de vitesse "thermique" avec un véhicule à moteur électrique. Malheureusement pour eux, la tentative a dû être reportée à cause de pluies diluviennes. La piste était recouverte par 30 cm d'eau !

Un album de Michel Vaillant, un record de vitesse sur le lac salé... Cela ne devrait-il pas rappeler quelque chose aux lecteurs de la série initiale ?

Mach 1 pour Steve Warson, effectivement. Mais c'est Steve qui s'attaquait au record ! Et puis, c'était un peu moins documenté que les précédents, un petit peu fantaisiste venant de la part d'un Jean Graton. Il ne s'agissait pas d'une course officielle... Aujourd'hui, je vous assure que tout ça est extrêmement codifié, et que les technologies utilisées sont très impressionnantes. Cet album marquait aussi l'arrivée d'un super méchant, le Leader... Mais Voltage sort début décembre, je ne vais pas tout dévoiler !

Vous avez touché à la compétition automobile, Michel Vaillant ne vous donne-t-il pas envie de retrouver un volant ?

Si, évidemment, et à chaque fois que je travaille dessus. Mais j'essaye plutôt de transformer cette envie, de la faire passer différemment dans les pages !

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Pierre Burssens
28/11/2013