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Entretien avec Sti

« La BD peut s'aborder comme un métier
mais doit rester avant tout une passion »

La création de Kramiek, entité du groupe Paquet consacrée à l'humour, permet à Sti (Ronan Lefebvre) d'agrandir son terrain de jeu. Certaines des séries du prolifique scénariste migrent en effet vers ce nouveau label qui voit déjà grand et sous lequel, n'en doutons pas, seront développés d'autres de ses futurs projets. En attendant, celui qui fut longtemps le seul « comique » de l'éditeur genevois aligne pas moins de 4 nouveautés à cadence record. De quoi nous donner envie de lui poser des questions, et surtout donner à Sti l'occasion de nous répondre... non sans humour ni bonne humeur !

L'Île carrément perdue, Michel chien fidèle, Ze Jacky Touch... Vos nouveautés se succèdent à un rythme effréné...

C'est vrai, mais rassurez-vous, c'est exceptionnel et je n'influence pas les plannings de l'éditeur. De plus, vous citez 3 albums, mais en octobre il y aura aussi le tome 2 de La Ferme ! Pour lequel j'assure scénario et dessin.

La BD est-elle pour vous synonyme d'humour ?

Non, la BD ce n'est pas uniquement ça, mais dans mon cas elle est la concrétisation de ce que j'aime faire, et comme j'aime faire rire... J'ai tenté d'aborder d'autres genres en scénario, mais le résultat me semblait super-nul. Ca ne me correspondait tout simplement pas ! Et puis, je considère que la BD peut évidemment être abordée comme un métier, mais qu'elle doit rester avant tout une passion. De ce côté, je prends beaucoup de plaisir dans ce que je fais, ce qui est très important !

Vous privilégiez le style humoristique, mais vous le déclinez de différentes manières, du strip aux historiettes de 5 ou 6 pages...

Cela me permet de varier les plaisirs, mais chaque discipline a ses règles. Dans des histoires courtes de 5 à 6 pages, je peux, d'une certaine manière, prendre mon temps. Je me donne suffisamment d'espace pour construire quelque chose qui évolue jusqu'à la chute, le gag final. Et dans ce cheminement, il y a déjà moyen de s'amuser et surtout d'amuser le lecteur. À l'inverse, dans un gag en un strip de 3 ou 4 cases, on doit faire mouche directement. Il n'y a pas vraiment d'étape intermédiaire entre l'idée et le dessin. J'adore cet exercice, mais il entraîne un grand danger : la répétition. On ne peut garder en mémoire tout ce que l'on a déjà produit, donc j'essaye d'être attentif. Michel chien fidèle paraît dans Le Journal de Mickey, mais pour les albums j'effectue une sélection parmi les gags qui ont été publiés. Certains me paraissent parfois, justement, répétitifs, d'autres me plaisent moins une fois un certain délai écoulé. Cette sélection est parfois difficile, mais intéressante, car elle permet d'avoir une vue plus générale de ce dont on dispose et de prendre du recul par rapport à cela. Actuellement, je travaille sur une histoire de 44 pages, mais toujours dans le domaine humoristique. Il s'agit, là encore, d'un défi différent... et pas facile !

Comment est né le projet de L'Île carrément perdue ?

Tout a démarré au salon BD de Lille en 2009. Il restait une place pour un dessinateur et l'organisateur m'a fait un énorme cadeau en me demandant mon avis sur qui inviter. Je lui ai parlé de Luc Cromheecke dont j'étais fan des publications dans l'hebdomadaire Spirou et nous nous sommes retrouvés côte à côte pendant le Salon. C'était presque Noël ! Nous avons beaucoup discuté, sympathisé et finalement je lui ai proposé 2 projets : La Ferme ! et L'Île carrément perdue. Il a choisi le second car il avait très envie de s'évader dans la nature, les décors exotiques, avec des pirates, des indigènes et tout ça. J'ai gardé La Ferme ! Début 2010, Luc disposait du scénario complet pour un premier album.

On a découvert la série dans Spirou... et finalement ce premier album a inauguré le catalogue Kramiek, l'entité dédiée à l'humour du groupe Paquet...

Oui, Frédéric Niffle, le rédac'chef de Spirou était enthousiaste pour une prépublication, mais l'album n'a pas pu suivre pour différentes raisons. Entretemps, l'éditeur néerlandais de Luc Cromeeckhe, Strip 2000, s'y était également intéressé et puis l'opportunité d'inaugurer Kramiek, le label humour que souhaitait créer Pierre Paquet s'est présentée. Ce qui est drôle, c'est que nous nous trouvons dans la BD humoristique franco-belge, mais aussi, pour les Belges, wallonne-flamande, avec un scénariste français, mais également un éditeur suisse et un éditeur néerlandais. On touche à l'Europe, là...

Le tome 4 de Michel chien fidèle a également été édité sous label Kramiek, et ce sera le cas pour La Ferme ! Pour vous, ce changement de label a-t-il modifié quelque chose ?

Pas dans ma façon de travailler, en tous cas ! Par contre, chez Paquet, j'étais pour ainsi dire le seul « humoriste », avec les dessinateurs qui mettent mes scénarios en images, évidemment. Je pense que Kramiek va développer des échanges avec d'autres éditeurs, notamment Strip 2000, car le label a une vocation assez internationale. Cela peut créer de belles ouvertures. En plus, je me ferai de nouveaux copains lors des salons et festivals (rires), et, qui sait, cela pourra peut-être déboucher sur de nouvelles collaborations.

Par contre, Quattro n'en faut, le tome 2 de Ze Jacky touch, est lui, bien ancré dans une des collections emblématiques de Paquet...

Ah oui, et avec cette série, je peux faire ressortir mon côté mâle dominant (rires) ! Au départ, Pierre Paquet avait envie d'introduire de l'humour dans la collection Calandre, et il avait également envie de proposer quelque chose à Pau, le dessinateur. Il m'a montré les dessins, que j'ai vraiment trouvé classe, et je lui envoyé des gags sur l'automobile sans trop savoir, car Pau n'est pas uniquement cantonné dans ce domaine. C'est ensuite qu'il m'a dit adorer dessiner des voitures, et ça a collé directement avec mes idées. Je voudrais préciser que Ze Jacky touch ne traite pas uniquement du monde du tuning, mais d'un tas de types de voitures. Mais ça reste de l'humour, je n'ai absolument pas la « culture auto » des piliers de Calandre, comme Thierry Dubois par exemple. Par contre, faire partie de cette collection me permet de rencontrer un public différent, car les dessinateurs et scénaristes de Calandre sont invités à des événements auto comme à des festivals BD.

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Pierre Burssens
01/10/2014