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Entretien avec Vano


Vano © Marc Carlot

Hans van Oudenaarden, alias Vano, est un auteur néerlandais. Malgré une production énorme, seule une demi-douzaine d’albums porte sa signature. Le premier tome de sa série Rhonda, mettant en scène une charmante jeune acrobate, est sorti en français chez BD Must. Nous en avons profité pour rencontrer cet artiste aussi à l’aise dans le dessin que dans le scénario. Histoire de faire connaissance et comprendre son étonnant parcours…

« Il n’est pas possible de vivre uniquement de la BD aux Pays-Bas »

L’action de votre série se déroule aux Etats-Unis durant les années 60. Rhonda est une belle jeune femme poursuivie par la maffia. Pour lui échapper, elle accepte de jouer la doublure d’une star de cinéma qui a disparu depuis quelques semaines. Derrière cette course poursuite mouvementée, on sent que votre héroïne est pleine de mystère…

Effectivement, il y a cette histoire avec son père qu’on découvre en filigrane. Tout sera expliqué au fur et à mesure. J’ai découpé le récit en 3 albums. A la fin du premier tome, elle ne sait plus très bien qui elle est. Peut-être est-elle sous l’effet de médicaments, à moins qu’elle essaie de perdre la mémoire pour oublier qui elle était… Finalement, elle est plutôt satisfaite de ce changement d’identité. On lui offre une nouvelle vie en quelque sorte. Elle passe de la fugitive à la star de cinéma. Et en plus, elle gagne de l’argent. Elle s’adapte à sa nouvelle vie. Le fait de se retrouver dans la peau de Dana Dane apporte aussi son lot de mystère, car la CIA est bien étonnée de voir réapparaître l’actrice. Tout le monde en a après Rhonda/Dana Dane. Ces 2 femmes se ressemblent beaucoup. Peut-être ne font-elles qu’une ? Le mystère reste entier !

Rhonda © Vano

Rhonda © Vano

Pour cette série, vous avez adopté un style assez proche de l’Américain Alex Raymond, l’auteur de Rip Kirby. Cela donne un côté un peu rétro à votre dessin. En même temps, on a de l’action comme dans un comics.

C’est le style qui me vient naturellement. Le nom de l’héroïne provient de la chanson des Beach Boys “Help me Rhonda”. Tout cela donne un côté nostalgique à la série. Cela aide à se plonger dans cette période.
Le fait que Rhonda soit acrobate me permet de créer des scènes d’action à la manière des super-héros. Je pense par exemple à la scène où elle passe par la fenêtre d’un immeuble. Elle saute, elle court sur le toits. Cela bouge. C’est très agréable à dessiner. Cela fait un chouette break dans l’histoire.

Rhonda version Dana Dane © Vano

Rhonda version Dana Dane © Vano

Bien que la publication de Rhonda soit assez récente, le projet initial date de plus de 10 ans…

Oui, c’est un peu compliqué. J’ai commencé à y travailler, dans les années 90, avec Hanco Kolk, un dessinateur et écrivain hollandais. L’idée était de créer une histoire avec une star de cinéma. On avait un magazine pour la publier. Mais au bout de 20 pages, le magazine en question n’en a plus voulu. Le projet est resté longtemps dans nos archive. Puis, il y a quelques années, nous nous sommes revu et on a tenté de remettre ce récit sur les rails. Malheureusement, plus de 10 ans après notre premier essai, nous ne pouvons que constater qu’il était impossible de travailler de la même manière que dans les années 90. Hanco m’a alors encouragé à poursuivre seul. Il m’a transmis toutes ses notes, sa documentation… Et j’ai réécris toute l’histoire, prenant en main à la fois le scénario, le dessin, le lettrage et les couleurs.

Avez-vous réutilisé des parties de la première version ?

Seulement 2 images ! Au départ, nous avions pensé cannibaliser la première version pour l’utiliser dans la nouvelle. Mais le matériel était bien trop vieux. J’avais l’impression qu’un étranger avait dessiné ces pages. J’ai donc tout réécrit et tout redessiné.

Rhonda - extrait du tome 1 © Vano, BD Must

Rhonda - extrait du tome 1 © Vano, BD Must

Quel est accueil a reçu le premier volume ?

Le public l’a très bien accueilli. J’ai même reçu le prix du Meilleur Album de l’année aux Pays-Bas. L’histoire a d’abord été publiée en néerlandais dans le magazine Eppo. Ensuite, une version allemande a vu le jour dans Zak. Et BD Must a édité 2 versions -une luxe noir et blanc et une autre en couleurs- en français. Il existe donc des albums en néerlandais, allemand et français.

Sjors & Sjimmie

Sjors & Sjimmie

Vous êtes biologiste de formation. Comment se fait-il que vous vous êtes lancé dans une carrière de dessinateur ?

Le jour où j’ai eu mon diplôme de biologie, je me suis interrogé : Vais-je passer ma vie dans une classe de cours ou un laboratoire ? Ou vais-je poursuivre ma vie dans un domaine qui me plaît vraiment en faisant de la bande dessinée ? Aux Pays-Bas, il n’y a pas cette culture liée à la BD comme en Belgique ou en France. Donc, je me suis tourné vers l’antenne néerlandaise de Donald Duck Magazine - il en existe 2 autres en Europe, au Danemark et en Espagne. Je leur ai montré mon travail et ils m’ont tout de suite mis à l’épreuve en me proposant un scénario. C’est là que j’ai publié ma première histoire. C’était fantastique ! J’étais passé directement de l’université au monde du travail. J’ai travaillé pour ce magazine pendant plusieurs années.
A côté de cela, j’ai fait beaucoup de travail de “nègre”. J’ai notamment animé Sjors & Sjimmie, une série très populaire aux Pays-Bas. Son dessinateur initial voulait arrêter et il fallait quelqu’un pour l’aider. Comme pour Donald Duck Magazine, je me suis adapté au style de la série. Quand on travaille dans un style de dessin qui n’est pas le sien, c’est un peu comme chanter avec une autre voix. C’est possible, mais c’est parfois très douloureux. Ce fut difficile, mais au final, j’étais assez content du résultat.
J’ai aussi dessiné durant quelques années Duffy Duck, Titi et autres personnages des Looney Tunes pour leur magazine. J’ai contribué à Jan Jans en de kinderen, une autre BD existante.
J’ai réalisé beaucoup de travaux publicitaires. Au départ, je devais m’occuper de tout ce qui était le merchandising lié à Sjors & Sjimmie. De fil en aiguille, j’ai eu des contacts avec des agences de pub et j’ai fait des dessins pour des marques comme Shell, KPN…
J’ai aussi signé un récit érotique, La Petite Mort, pour le magazine Kiss Comics de l’éditeur espagnol La Cupula. Cela a eu son petit succès. Cela a même été adapté en anglais aux Etats-Unis. J’ai de temps en temps des lecteurs qui me demandent des dédicaces. C’est assez délicat quand on vous demande de dessiner des femmes nues sur un festival tout public… (Rires).

Bob Evers © Hans van Oudenaarden

Bob Evers © Hans van Oudenaarden

Vous animez depuis 2002 une série intitulée Bob Evers. Elle compte actuellement 6 albums.

Bob Evers est une adapation de romans pour la jeunesse en bande dessinée. Ces livres ont eu beaucoup de succès auprès des garçons essentiellement dans les années 50 et 60. Pour la série BD, on joue sur la nostalgie des lecteurs qui sont maintenant des adultes. Cela marche bien. Nous avons même vendu des éditions spéciales. C’est un projet que j’ai adoré faire !

Pouvez-vous vous consacrer uniquement à la bande dessinée ?

En vérité, il n’est pas possible de vivre uniquement de la BD aux Pays-Bas. Quand mon agence de pub m’appelle à la veille d’un week-end en me demandant un travail pour le lundi. Je lâche tout pour m’y consacrer. J’essaie de planifier mon travail en BD autour du reste. En publicité, on est amené à dessiner dans l’urgence. On doit travailler très vite. Mais vous pouvez gagner votre mois en quelques jours. Ce qui laisse du temps pour faire de la bande dessinée.

Avez-vous d’autres projets en cours ?

J’ai dessiné la moitié environ du tome 2 de Rhonda. A côté de cela, j’ai un éditeur qui va publier les strips que j’ai conçus avec ma compagne. C’est une série humoristique avec un chiot. Elle est née lorsque nous avons introduit un jeune chien à la maison. J’ai encore plein de projets, mais je n’ai pas de temps libre.

Puppy © Hans van Oudenaarde

Puppy © Hans van Oudenaarde

Tirage de tête de Rhonda T1

Rhonda T1
(Tirage de tête N&B)

Rhonda T1 (couleur)

Rhonda T1
(couleur)

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Marc Carlot
30/09/2014