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Entretien avec Patrick Prugne

Patrick Prugne © DR

Patrick Prugne

Mercredi 15 octobre, au cœur de la Butte Montmartre, dans l'un des cafés bien connu de la place du Tertre. Patrick Prugne a quitté son Clermontois favori l'espace de quelques jours pour Paris, le temps de l'exposition consacrée à Poulbots. L'occasion, pour Auracan, comme pour de nombreux médias - cette journée-là, après celles passées à travailler l'accrochage de ses planches, l'auteur a enchaîné entretien sur entretien –, de le rencontrer et de lui poser quelques questions de contexte sur son nouvel album.

« J'aime bien partir de la réalité,
ancrer mon histoire dans du vrai,
y compris les lieux... »

Après des albums plein Ouest (Canoë Bay, Frenchman, Pawnee, éd. Daniel Maghen), pourquoi avoir choisi Montmartre et ses poulbots ?

C'est d'abord l'histoire d'une découverte : l'univers de Francisque Poulbot. J'ai visité le musée de Montmartre il y a bien longtemps et j'ai découvert ses dessins. Au fil du temps, je me suis documenté sur lui, j'ai acheté des livres, sur l'histoire de Montmartre et de ses personnages, de ses habitants, de ses artistes. Et à force de revenir, je connais bien le lieu. Je l'ai d'ailleurs même fait visiter il y a peu à des Parisiens ! Sur le haut de la Butte, beaucoup de choses n'ont pas changé, en fait, au niveau des rues depuis la fin du XIXe - début du XXe siècle. Francisque Poulbot est arrivé jeune ici, et n'en a plus bougé. Le Montmartre dont je parle est situé dans un espace réduit, du côté du Moulin de la Galette, et jusqu'à l'avenue Junot. C'était la campagne à cette époque.

Poulbots - extrait © Prugne / Ed. Margot

extrait de Poulbots
© Prugne / Margot

Comment avez-vous travaillé l'histoire ? Quelle est la part de fiction et de réalité dans votre album ?

Comme je viens de le dire, c'était la campagne en 1905. Pour mettre en scène mon histoire, j'ai travaillé sur photos, pour pouvoir mettre l'histoire dans ces rues. Mais, par exemple, je ne montre pas, ou presque, le Sacré-Cœur, qui est une pièce rapportée – elle n'était d'ailleurs même pas finie à l'époque. Et les gens qui vivaient ici ne s'en préoccupaient pas. Ils étaient des pauvres, les loyers étaient faibles. Du coup, on trouve beaucoup de « rebelles ». Il faut bien se souvenir que si Montmartre est devenue la Reine de la Bohême, c'est bien parce que le quartier n'était pas cher, personne ne voulait y vivre, à la grande différence d'aujourd'hui. Mon album est un hommage à l'esprit de liberté qui régnait ici. Certains personnages sont réels, comme Bibi-la-Purée, d'autres imaginaires. J'aime bien partir de la réalité, ancrer mon histoire dans du vrai, y compris les lieux, exception faite de la mare aux grenouilles. Mais cela reste une fiction, parce qu'il s'agit bien de la création d'une histoire, je peux inventer des poulbots. Je me suis documenté sur le lieu, ses fréquentations, ses artistes : Dorgelès, Bruant et Poulbot pouvaient avoir été assis à la même table ! J'aime voir des choses vraies dans ce que je lis – mon prochain album sera lui aussi ancré dans le réel.

Poulbots - extrait © Prugne / Ed. Margot

extrait de Poulbots © Prugne / Margot

Vous restez fidèle à la couleur directe...

Oui, cela me permet de donner quelque chose d'intemporel, un côté un peu théâtral, « comedia del'arte ». Il faut bien se dire que l'histoire se passe dans un temps très court, exception faite de la fin, qui se passera des années plus tard, quand la guerre aura fait son œuvre. Ils étaient des poulbots vivant au jour le jour, dans une fiction que j'ai écrite, ils vieillissent dans un monde qui a connu la guerre, la réalité va les rattraper. La couleur directe me permet de montrer ce genre de choses. De plus, cela m'a permis de créer une ambiance, une harmonie chromatique pour l'ensemble de l'album, avec une alternance de moments de clarté, d'ombres, de lumières, où la séquence jour/nuit, bien réelle mais que l'on devine plus qu'on ne la voit, n'a pas vraiment d'importance : ces enfants ne rentraient pas chez eux tous les jours, ils pouvaient traîner deux-trois jours tout en sachant ce qui les attendait en rentrant. Je ne pense pas me mettre un jour à Photoshop : la couleur directe crée des ambiances, et je pense toujours chaque planche en « atmosphère ». Est-ce que je pourrais réussir à faire cela avec Photoshop ? J'ai besoin du contact avec le papier...

Poulbots - extrait © Prugne / Ed. Margot

extrait de Poulbots © Prugne / Margot

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Mickael du Gouret
23/10/2014