Auracan » Interviews » Entretien avec Dan

Entretien avec Dan

« La principale difficulté est liée à la série elle-même,
à ses particularités et à son rythme. »

Après plus de 9 ans d’absence, Soda revient avec un treizième album, le bien nommé Résurrection. Créé par Luc Warnant au dessin sur des scénarios de Philippe Tome, le vrai flic et faux pasteur sera mis en image par Bruno Gazzotti à partir de 1991 et tout au long de dix enquêtes mouvementées. Aujourd’hui, le retour percutant de David Elliot Solomon s’accompagne de l’arrivée d’un nouveau dessinateur. Dan (Verlinden) guide dorénavant Soda dans un New York marqué par le 11 septembre, contexte qui a inspiré Philippe Tome. Et cette Résurrection s’avère réjouissante à plus d’un titre. Dan nous parle de  « son » Soda, et du pari d’une telle reprise.

Comment en êtes-vous venus à reprendre le dessin de Soda ?

Un peu par hasard. J'ai entendu une conversation téléphonique entre Philippe Tome et Bruno Gazzotti. Philippe était partant pour redémarrer, mais Bruno Gazzotti est aujourd'hui très occupé par Seuls. J'ai annoncé à Tome que ça m'intéressait, que j'étais candidat. Au départ, il a été assez surpris, car je suis plutôt pacifiste, branché nature, et a priori il ne me voyait pas entrer dans l'univers de Soda. Mais il a été ravi, car il sait aussi de quoi je suis capable. J'ai travaillé avec Janry et lui sur Spirou et Le petit Spirou pendant 15 ans, et pendant 4 ans avec lui sur Rages, un projet qui a été accepté et signé chez un éditeur mais qui n'a toujours pas été publié. Je crois que nous avons pensé, chacun de notre côté, que ça pouvait fonctionner et Soda a progressivement repris du service.

Une telle reprise constitue aussi un défi...

Oui, mais j'aime bien ça, me lancer dans des trucs un peu inattendus. Je pense que c'est de cette manière que l'on peut se dépasser et réaliser de belles choses, autrement on n'évolue pas. Mais je n'y ai pas pensé sur le moment. C'était un nouveau projet, j'étais enthousiaste et je n'ai pas calculé ce que ça pouvait représenter. Je n'ai pas vraiment rencontré de problèmes non plus, en travaillant sur Résurrection. Actuellement, j'entame l'album suivant, et peut-être que je commence à réaliser... inconsciemment !

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez été confronté ?

La principale difficulté, elle est liée à la série elle-même, à ses particularités et à son rythme. Je vous donne un exemple : sur une case, je dois dessiner Soda. Il descend un escalier à toute volée, se change, et téléphone en même temps. Tout ça sur une même case ! Et des exemples de ce type, l'album en est rempli. Pour moi, c'est ce genre de trucs la difficulté majeure. Bien au-delà des décors new-yorkais, par exemple, des buildings, qui finalement ne sont pas aussi difficiles que ça à dessiner. Leurs formes générales sont simples, il y a un petit côté Lego là-dedans...

On a l'impression que l'atmosphère de ce nouvel album est plus lourde, plus sombre que dans les précédents...

Plusieurs personnes me l'ont dit, et ça m'étonne un peu. Je ne l'ai pas ressentie comme ça, on y retrouve l'humour présent depuis le début de la série... Peut-être est-ce mon envie de bords noirs qui renforce cette impression, au moins graphiquement, et assombrit le bouquin ? Mais rassurez-vous, je ne tombe pas dans le syndrôme de l'artiste « sombre à tout prix » hein... On m'a aussi dit que je ressemblais de plus en plus au personnage, mais c'est quand j'adopte certaines poses, et, de ce côté aussi, mon identification en reste là (rires)...

Mais le contexte de l'après 11 septembre a tout de même induit des changements...

Oui, et on s'en rend compte à New York. Depuis les attentats, on a nettoyé beaucoup de choses, il y a moins d'insécurité et on ne compte plus les caméras. L'impact est positif, mais d'autre part, un simple touriste qui va visiter la statue de la liberté doit passer par des portiques de détection semblables à ceux que l'on rencontre maintent dans les aéroports... Symboliquement, c'est quand même un rien paradoxal...

Vous évoquez la ville. Celle-ci représente bien plus qu'un décor pour la série, il s'agit presque d'un personnage...

Effectivement, et je m'y suis rendu. Au départ, le voyage ne me tentait pas du tout mais je crois que je n'aurais pas pu envisager de travailler sur Soda sans visiter New York. Et une fois là-bas, j'ai mesuré combien c'était indispensable. J'avais besoin de cela pour me rendre compte des échelles, sur place. Et la ville a une atmosphère qui lui est propre, ses bruits, ses odeurs... On ne peut évidemment pas restituer ces éléments en BD, mais les images doivent conduire à ce que le lecteur les imagine. J'essaye d'y arriver, en tous cas...

Votre collaboration avec Philippe Tome a-t-elle évolué avec cet album ?

Peut-être pas spécifiquement avec cet album. Depuis les débuts, oui, forcément. On a partagé beaucoup de choses ensemble, on a connu des joies et des tristesses et oui, ça nous a rapproché et, quelque part ça a soudé notre collaboration. Je pense qu'elle roule bien, en tous cas. On se parle beaucoup, j'aime bien être tout-à-fait sûr de ce qu'il veut exprimer dans son histoire, et à partir de là je me sens plus libre dans mes choix. Quand il découvre les planches, il n'y a généralement plus de correction à y apporter... j'ai bien dit généralement !

La série étant relancée, vous êtes-vous fixé un rythme de publication ?

On aimerait pouvoir publier un album par an, maximum un an et demi, ce qui semble indispensable pour la visibilité de Soda, surtout après une aussi longue interruption, plus de 9 ans ! Momentanément, je consacre beaucoup de temps à la promotion de Résurrection, mais je devrai m'y remettre ! Tome a plus de temps pour concocter quelque chose de rare pour la suite, mais c'est sa spécialité !

Vous démarrez avec l'album n°13. Vous n'êtes pas superstitieux ?

Jusqu'à maintenant j'y vois plutôt un porte-bonheur ! J'ai souvent été un peu en retrait, aujourd'hui je bénéficie de plus de visibilité, et ça me permet de plus de défendre quelque chose que j'ai toujours trouvé chouette ! C'est un pur bonheur !

Résurrection a été prépublié dans l'hebdo Spirou, et même, dans certains numéros, juste à côté des pages du Groom de Sniper Alley, le prochain Spirou. Cette prépublication était-elle importante pour vous ?

Bien sûr, je crois que c'est le rêve de pas mal de dessinateurs qui ont grandi avec le magazine, et moi, en tous cas, j'en suis particulièrement heureux. De plus, cette prépublication, très proche de la sortie de l'album permet d'obtenir les premiers retours, les premiers avis. C'est intéressant et encourageant. Et comme l'équipe de la rédaction de Spirou est super-chouette, ce n'est que du positif !

Partager sur FacebookPartager
Pierre Burssens
19/11/2014