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Entretien avec Michel Constant

« On a retrouvé nos marques avec beaucoup de plaisir »

Après 20 ans d’absence. Michel Constant et Denis Lapière explorent le passé et les liens qui unissent Mauro Caldi, Gigi, son copilote et une mystérieuse Vieille dame qui donne son titre à une nouvelle aventure publiée dans la collection Calandre. La série redémarre sur un air de nostalgie mais n'a rien perdu de son charme. Le dessinateur Michel Constant répond à nos questions et évoque les premiers tours de roue de ce retour (in)attendu.

Comment vous est venue l'idée , à vous et Denis Lapière, de relancer les aventures de Mauro Caldi ?

Au départ, il s'agit d'une proposition des éditions Paquet. Je connaissais Pierre Paquet depuis longtemps, mais je n'avais jamais travaillé avec lui. Il aimait la série, il la voulait chez lui et a eu l'opportunité de négocier sa reprise avec Les Humanoïdes associés. Les six premiers albums ont donc été réédités avec de nouvelles couvertures et de nouvelles couleurs dans la collection Calandre. Mais Pierre Paquet avait envie de continuer l'aventure avec un nouvel album, et il nous l'a demandé. Nous avons été tous les deux assez surpris, après autant de temps, et puis l'idée a fait progressivement son chemin...

Mais au départ, Mauro Caldi n'était-il pas publié chez un petit éditeur ?

Effectivement, les deux premières histoires, Mille Miglia et Cine Citta, ont d'abord été éditées par les Éditions du Miroir, en 1987 et 1988. Mais cette petite maison a été rachetée par les Humanos. Les autres albums sont sortis sous l'étiquette Alpen Publishers, qui était en fait le label « populaire » des Humanoïdes associés. Mais finalement, deux intégrales ont été publiées avec le logo Humanoïdes associés. Le cheminement est un peu compliqué. Entre-temps, j'ai travaillé sur pas mal d'autres choses, Denis aussi. Mauro Caldi était d'ailleurs un de ses tout premiers scénarios. Mais on a retrouvé nos marques avec beaucoup de plaisir, dans une ambiance assez familiale aussi, puisque c'est mon épouse qui réalise les couleurs...

L'album Les voleurs de Ferrari date de 1993, La vieille dame lui succède après plus de 20 ans d'interruption. La BD a évolué avec le temps. En avez-vous tenu compte ?

Oui, car la BD a évolué, mais nous aussi. Nous avons progressé, gagné en expérience. Je ne pouvais pas me forcer à dessiner comme il y a 20 ans, le style de découpage aussi a changé, mais nous avions l'avantage que l'univers de Mauro Caldi, et son côté rétro dès le départ, n'a, lui, pas évolué. C'était assez facile de s'y replonger.

Comment est né Mauro Caldi ?

Un peu par hasard. C'est un libraire qui m'a mis en contact avec Denis Lapière, qui recherchait des dessinateurs mais plutôt, à l'époque, pour des histoires courtes. Je sortais de plusieurs voyages en Italie, un pays que j'adore, et tout particulièrement ses années 50'. On en a discuté avec Denis, qui s'intéressait à la course automobile, et d'une certaine manière nous avons mixé nos deux passions. Nous voulions aboutir à quelque chose de plus humain qu'une histoire basée sur des courses de voiture, avec un côté terre-à-terre, qui rappelle les comédies à l'italienne de mon époque de prédilection, et Mauro Caldi a démarré ainsi...

On pourrait pourtant vous imaginer amoureux des « belles italiennes », traditionnellement rouges...

Non, et ça surprend souvent les lecteurs. Je n'ai pas la passion de l'automobile, et la course auto me laisse assez indifférent. Mon plaisir, c'est plutôt dessiner un vieux garage, comme en couverture de l'album, les petites ruelles « à l'italienne », les détails « qui font vrai »... Ca j'adore, et avec quelques amis nous baignons dans cette ambiance depuis plus de 30 ans... En fait, pour moi, Mauro Caldi n'est pas une vraie série de BD « automobile », car c'est surtout Mauro qui s'y intéresse !

D'une certaine manière, le titre du nouvel album, La vieille dame, renforce ce côté rétro que vous évoquiez...

On a beaucoup discuté au sujet de ce titre. L'éditeur était emballé, moi je trouvais que ce n'était peut-être pas ce qu'il y avait de plus accrocheur pour relancer la série. Mais, couverture aidant, les lecteurs comprennent rapidement que la vieille dame en question est une voiture. En plus l'histoire nous plonge aussi dans le passé de Mauro, c'est d'autant plus cohérent.

Quel est l'accueil du public ? Découvrez-vous un nouveau lectorat ou retrouvez-vous les fidèles de la série ?

Il est un peu tôt pour le dire, mais en dédicaces j'ai rencontré ces deux types de lecteurs de manière assez égale. Certains viennent avec leurs vieux albums, d'autres découvrent, achètent un tome et continuent au fur et à mesure...enfin, je l'espère. Mais globalement, c'est agréable. Les anciens ne s'attendaient pas à retrouver Mauro Caldi dans de nouvelles aventures. L'effet de surprise est bien présent, et les lecteurs apprécient.

En route pour de nouvelles aventures ?

Oui. Une fois les rééditions terminées, cette nouveauté devait suivre assez rapidement. Aujourd'hui, le travail est entamé sur le tome 8, pour qu'il sorte dans un an au plus tard. Le public lâche rapidement prise, et nous ne pouvons pas, dans ce contexte, laisser passer plus de temps entre deux albums.

Ce contexte-là, aussi, a évolué depuis les débuts de Mauro...

Il devait alors y a avoir dix fois moins de nouveautés par an ! Je ne pense pas que le lectorat BD ait diminué, mais les parts du même gâteau, du même marché, sont forcément beaucoup plus nombreuses et donc beaucoup plus petites ! Les libraires ne disposent plus de place suffisante pour conserver les bouquins en stock et ils restent beaucoup moins longtemps en vitrine. Mais qui met autant de nouveautés sur le marché ? Les éditeurs. Alors, que doit-on y voir ? Une forme d'auto-destruction ? Mais ce n'est pas à moi de donner un avis là-dessus.

On a beaucoup parlé du Sourire de Mao, que vous avez réalisé l'an dernier sur un scénario de Jean-Luc Cornette (Futuropolis). L'album a bénéficié d'une exposition au CBBD, et certains, vu son côté engagé, ont même évoqué une « première » dans la BD belge. Avec Mauro Caldi vous revenez à quelque de beaucoup plus classique. Vous privilégiez l'alternance ?

Personnellement ne me suis pas posé cette question. Avant cela, j'avais fait Rue des chiens marins, et c'était aussi très différent. Je crois que ce sont les multiples facettes d'un même travail, et que l'une n'est pas plus facile que l'autre. J'adore Mauro Caldi, mais j'ai aussi d'autres projets en tête, non planifiés... Je pense que, quel que soit le genre abordé, les constantes sont pour moi que tout doit s'y emboîter convenablement, et que je dois y trouver à la fois le plaisir et la passion !

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Pierre Burssens
27/11/2014