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Entretien avec Elvire De Cock

« L’Héritage des Taironas m’a appris à raconter autrement… »

Deux volets publiés en un délai très limité, une grande aventure romanesque historique baignée de romantisme… L’Héritage des Taironas fait un peu figure d’ovni au catalogue Dupuis, ce qui n’enlève rien au plaisir de lecture proposé. De plus, ses signatures, tant au scénario qu’au dessin sont (encore) peu connues dans le monde de la BD, mais pas dans celui, plus large, des littératures de l’imaginaire. Nous sommes allés à la rencontre d’Elvire De Cock, qui met en images de manière fort agréable Monde nouveau, qui vient de paraître, et sa suite, Monde ancien, prévue pour le 24 avril.

Vous êtes illustratrice, on a découvert votre dessin décliné en BD avec Tir Nan Og en 2006 et 2008, et vous revenez à ce média aujourd’hui seulement…

Il s’agit d’un concours de circonstances. Tir Nan Og a été édité aux Humanoïdes Associés, éditeur qui a rencontré pas mal de problèmes. Résultat, un troisième album était prévu mais il est tombé à l’eau. Il n’y a pas d’autre projet BD qui s’est présenté ailleurs, mais entretemps j’ai continué mon travail d’illustratrice, avec de nombreuses couvertures de romans et de magazines, j’ai assuré les couleurs de plusieurs albums de BD et, finalement, touché à beaucoup de choses différentes. J’ai notamment réalisé les couleurs sur des dessins ayant servi à la création de vitraux pour une église. Là, je viens de découvrir le résultat, tout récemment, et ça m’a beaucoup plu. D’autre part, L’Héritage des Taironas m’a occupé pendant 2 ans et demi. Un projet BD, c’est quelque chose de long, de copieux, et quand on a du travail dans d’autres domaines, ce n’est pas toujours aisé à programmer.

L’Héritage des Taironas a une histoire très particulière. Comment ce projet a-t-il démarré ?

Un des scénaristes, François de La Ruquerie, a découvert dans son grenier, en Normandie, ce qui ressemblait à un pectoral précolombien. Il a entamé un long parcours qui a mené à l’authentification de cet objet et à retracer son histoire, ainsi que celle de son arrivée en France. Finalement, il y a consacré un épais bouquin, qui a attiré l’attention de Dupuis. L’Héritage des Taironas explique comment son arrière-grand-père a ramené ce bijou de l’actuelle Colombie, un masque issu de la civilisation disparue des Taironas. Pour la BD, on a présenté cela de manière romanesque, on a voulu en faire quelque chose de plus épique et accrocheur, à travers, notamment, l’aventure des chemins de fer aux États-Unis dans le tome 1 intitulé Monde nouveau, et en Colombie dans le second volet, Monde ancien.

Tir Nan Og relevait du fantastique, comme nombre de vos illustrations. Stéphane Beauverger,  co-scénariste est lui aussi présent dans ce domaine. Travailler à quelque chose de plus  historique entraînait-il une difficulté particulière ?

Découpage (p.16)

Découpage de la planche 16

À certains égards, seulement. Stéphane est un passionné de documentation et de recherche historique, ses ouvrages, même s’il s’agit de littérature fantastique ou de SF, sont hyper documentés. Je vous recommande d’ailleurs de lire Le Déchronologue, qui a récolté de nombreux prix, pour le mesurer. Donc, de ce côté, ce n’était pas tellement difficile. Pour mon dessin, je dirais que ça entraînait un travail plus posé, avec plus d’attention aux décors, au découpage, et aux personnages dont il fallait pouvoir traduire la personnalité et la psychologie. Dans le fantastique ou la fantasy, on est davantage dans l’exubérance. Ici, je devais parvenir à une forme d’intimité. J’ai poussé mon dessin vers plus de réalisme, j’ai beaucoup travaillé sur les visages, afin de caractériser les personnages, à différents âges notamment. J’avoue qu’on a parfois eu un peu de mal à se trouver… Et puis, dans le tome 2, il fallait que j’arrive à m’en tirer avec les Indiens… De manière plus globale, j’ai l’impression que, progressivement, L’Héritage des Taironas m’a appris à raconter autrement…

On ressent aussi la recherche d’une forme d’élégance dans votre dessin…

Oui, ça me tient à cœur, et je suis heureuse que vous l’ayez remarqué. L’histoire se déroule au XIXème siècle, et j’ai pu profiter des beaux vêtements de l’époque, j’aime bien une certaine classe, une forme de charisme aussi. Et de manière plus générale, j’ai essayé d’affiner mon dessin, mes décors… Voilà pourquoi j’ai choisi de travailler au crayon, sans encrage.

Recherche de personnage : Amélie

Recherche de personnage : Amélie

Planche 16 - dessin définitif

Dessin définitif de la planche 16

Le personnage de Violette s’avère immédiatement séduisant…

Pourtant, elle n’a pas été facile à définir. Stéphane Beauverger la décrivait comme pétillante, dynamique, et avec un caractère bien trempé. Graphiquement, elle m’a demandé pas mal d’essais. Je ne voulais pas d’une bimbo, je ne voulais pas qu’elle soit « trop jolie », comme beaucoup d’héroïnes de BD… Votre question m’indique que j’ai bien travaillé, merci !

L’Héritage des Taironas est un diptyque, le premier tome vient de sortir, et le second est annoncé pour avril. Sur votre page Facebook, on découvre que vous venez presque d’écrire le mot « Fin » pour ce projet…

C’est vrai, et aujourd’hui, après cette longue période de boulot intensif, j’ai un peu la sensation  de sortir de ma caverne (rires) ! J’ai tout dessiné d’une traite, et il était nécessaire, pour la publication, de créer une pause entre les deux volets. Il y a une ellipse tangible entre les deux albums, on change de continent et le récit emprunte une nouvelle direction. Nous n’avons pas choisi un cliffhanger de fous furieux, mais d’une certaine manière, ce délai entre les deux albums alimente l’histoire. Éditorialement, il est préférable de ne pas laisser un délai trop long entre deux albums, donc, voilà… je vous donne rendez-vous le 24 avril pour Monde ancien !

Traversée

Traversée

Sous une couverture qui contraste fortement avec celle du tome 1…

À l’image de ce que l’on découvrira dans l’album ! On quitte les grandes plaines US pour les hauts plateaux colombiens, un environnement complètement différent, une autre lumière, un autre climat et l’influence que tout cela peut avoir sur ceux qui y sont exposés.

En tant qu’illustratrice, vous avez réalisé, justement, de nombreuses couvertures. Abordez-vous celle d’une BD de manière différente ?

La couverture, c’est toujours particulier. Il s’agit de la première chose que l’on voit quand on pose le regard sur un livre. La couverture doit à la fois dévoiler, donner envie… sans trop « spoiler » le contenu. Mais on la travaille également avec l’éditeur. On doit éventuellement se plier  aux contraintes d’une collection, à une charte graphique précise… Il existe aussi d’autres critères, en illustration : une couverture « jeunesse » doit favoriser une identification du lecteur, ce qui est très différent de ce que j’ai pu faire pour Mnemos en fantasy ou en SF, par exemple…

Le charle de Violette...

Le charme de Violette...

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Pierre Burssens
17/02/2015