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Entretien avec Pierre Paquet 2/2

 « Mon moteur n'a pas changé : l'amour du livre
et le désir de faire émerger des talents ! »

De PDM. Paquet de merde au Groupe Paquet actuel s'est tracé un bel itinéraire éditorial. Pierre Paquet évoque pour nous, dans cette deuxième partie d'entretien, son présent en tant qu'éditeur et certains de ses projets.

Ce que vous dévoilez dans votre album PDM serait-il encore imaginable aujourd'hui ?

Je vais vous répondre oui, avec une certaine naïveté, sans doute, mais avec espoir aussi ! Par rapport au nombre de titres disponibles, je pense que le pouvoir du lecteur s'est accru. En librairie, on feuillette un album, on regarde le dessin, et le choix s'effectue rapidement. Le rôle des libraires a également évolué, par leur mise en place, ils orientent déjà ce choix... Mais je serais curieux de revoir démarrer une telle aventure aujourd'hui, et j'espère qu'il y en a et qu'il y en aura encore qui s'y lanceront, car je pense qu'il serait malsain, pour la BD et sa créativité, que le marché soit entièrement aux mains de gros éditeurs !

Vous arrive-t-il encore de feuilleter les albums de la période décrite dans PDM ?

Parfois, oui, et c'est drôle, mais il me semble que certains sont arrivés presque trop tôt. Peut-être auraient-ils mieux fonctionné aujourd'hui qu'alors... Mais si en tant qu'éditeur je commence à avoir ce type de regrets, je suis plutôt mal barré...

Quand on découvre certains albums publiés, comme Monstres, Otto ou La Prophétie du Tatou, qui font un peu figure d'ovnis dans la BD, on a l'impression que, d'une certaine manière, vous vous faites aussi plaisir...

Je pense que mon envie a toujours été de découvrir des trucs, d'y croire et de pouvoir les faire partager. Ma chance, par rapport à cela, c'est que j'ai d'autres activités qui me permettent de manger et de payer mes factures en fin de mois. C'est grâce à cela que je peux continuer à suivre ces principes, et ça reste une passion, même si, ne rêvons pas, c'est aussi porteur de beaucoup d'emmerdes. Certains considèrent Paquet comme une grande maison d'édition, mais ce n'est pas le cas. Mon moteur n'a pas changé : l'amour du livre et le désir de faire émerger des talents ! Mais faire découvrir un dessinateur qui vaut le coup est toujours un pari !

Vous vous dites petit éditeur, pourtant on parle aujourd'hui du Groupe Paquet...

Mais cette notion de groupe est plus proche de la définition du dictionnaire que du groupe Winch, par exemple ! Très concrètement, le développement de cette structure répond à une volonté de clarifier le catalogue afin de mieux suivre les auteurs. Je pense à Sti, par exemple, dont les albums étaient un peu éparpillés, dorénavant on les retrouvera sous le label Kramiek, dédié à l'humour. Ce sera plus clair pour tout le monde, mais je crois qu'il faudra peut-être encore une année pour mesurer véritablement les effets de cette redéfinition. De plus, chaque label a un responsable éditorial qui travaille vraiment selon sa spécificité, les auteurs ont tout à y gagner...

Avec Chours, vous abordez le livre jeunesse...

Oui, mais on le faisait déjà à travers Petit Paquet, sans doute plus discrètement. N'oublions pas que notre premier succès a été Victor qui pète, écrit par Dylan Pelot et dessiné par Jean-Marc Mathis, un livre jeunesse ! Quelque part, ça a été le vrai démarrage des éditions Paquet. Mais, par rapport à la BD, il s'agit presque d'un autre monde, avec ses propres codes. Même le contact avec des libraires spécialisés dans ce domaine est très différent de ce que l'on rencontre auprès des libraires BD. De ce côté aussi, il est donc intéressant de disposer d'un vrai label, de quelque chose de plus structuré et qui puisse véritablement fonctionner comme un éditeur « jeunesse ».

Vous évoquiez Kramiek, label dédié à l'humour sous lequel on retrouve aussi pas mal d'auteurs flamands ou néerlandais. Où en êtes-vous de la dynamique autour de Bob et Bobette annoncée dans la foulée de la publication d'Amphoria ?

J'y tiens beaucoup, et, sentimentalement, je considère cela comme un hommage à ma grand-mère, puisque je suis pour un quart flamand. Je prends mon temps par rapport à ce projet ! En Belgique, tout le monde connaît Bob et Bobette, ce qui n'est pas du tout le cas en France. En mettant Bob et Bobette en avant au lancement d'Amphoria, j'ai l'impression d'avoir moi-même créé un frein dans l'hexagone, alors que, sans tenir compte des quelques références à la série-mère qui se trouvent dans Amphoria, le scénario de Legendre associé au dessin de Cambré débouchent tout de même sur des albums hyper-efficaces ! Ce qui me plaît, personnellement, dans l'oeuvre de Vandersteen, c'est sa poésie un peu folle, et cet aspect-là est vraiment intéressant à exploiter. Je ne sais pas si je révolutionnerai le marché français, mais je pense que ce qui va arriver en 2016 autour de Bob et Bobette va surprendre pas mal de monde !

Dans un avenir plus proche, on attend les premières publications de Place du Sablon...

Il s'agit d'un projet initié voici fort longtemps mais qui était tombé à l'eau. J'avais envie d'un ancrage bruxellois et de le consacrer à la BD franco-belge classique, notamment à travers des rééditions. Place du Sablon proposera ainsi une collection très ciblée, avec une maquette spécifique.

Vous venez de publier PDM qui dévoile vos débuts, nous avons évoqué de Groupe Paquet d'aujourd'hui. Pierre Paquet, si c'était à refaire...?

Il est difficile de répondre à ça. Quand je repense à la période évoquée dans PDM, je ne sais pas si je le referais. J'ai perdu beaucoup là-dedans, beaucoup d'amis, j'en ai souffert, les gens m'ont très facilement tourné le dos... Mais d'autre part, je vous ai parlé de passion, et cette passion est toujours vivace. Être éditeur, aujourd'hui, équivaut à participer à une compétition incroyable. De très nombreux albums sont publiés, mais je remarque que dans cette masse, il y en a quand même de plus en plus qui méritent le détour. Ca donne envie de lire... et de continuer !

 
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Pierre Burssens
12/03/2015