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Entretien avec Jean-Pierre Dirick

« L’humour permet une vision plus moderne
et plus affective des soldats de Napoléon… »

Jean-Pierre Dirick

Jean-Pierre Dirick © DR

Jean-Pierre Dirick aborde dans sa nouvelle série Napo et nous... (éd. Arcimboldo) un thème provocateur : Napoléon Bonaparte, figure historique complexe que Dirick a osé s’approprier pour en faire un personnage carré et vrombissant, le moteur de récits humoristiques et tendres ! L’album La Pyramide de l’Aigle sort ce 11 juin 2015 au moment des célébrations du Bicentenaire du retour de l’Empereur de l’Île d’Elbe et de la bataille de Waterloo... Une petite histoire qui rattrape la Grande Histoire !

La Pyramide de l’Aigle est une BD humoristique sur l’ère napoléonienne et sur le quotidien des grognards. Il fallait être un féru d’histoire et de dessins pour s’y atteler ! Dirick est de ceux-là. Cet album est moderne, vif et possède un humour redoutable, décalé et truffé de références et de clins d’œil à notre époque. Les lecteurs, toutes générations confondues, suivront avec plaisir les aventures de ces braves soldats au sein de leur Grande Armée.

Votre parcours professionnel laisse deviner un amour de la nature, des animaux, des enfants… Vous avez travaillé pour un magazine communiste... C’est surprenant de vous voir travailler sur Napoléon ! Comment avez-vous eu l’idée de cette BD ?

Dans un premier temps, j’avais surtout envie de dessiner les costumes. Les uniformes de cette époque sont fabuleux et tous très originaux. Pensez... Les soldats mettaient leurs plus belles tenues pour aller à la guerre ! Et puis c’est une époque fascinante qui régit encore de nos jours nombre de choses. C’est une grande épopée. Ce qui m’intéressait c’était plus de comprendre les motivations et les états d’âmes de la troupe que ceux de leur patron. Entrer par la petite porte de l’Histoire… L’humour m’a permis d’offrir une vision plus moderne et plus affective, plus touchante de ces soldats.

Napoléon Bonaparte déchaîne encore les passions 200 ans après la fin de son règne. N’aviez-vous pas peur de le transformer en personnage de BD ?

Napoléon est le personnage sur lequel – et de très loin – le plus de livres ont été écrits. C’est un personnage qui fascine. Mais ce n’est pas le personnage principal de la BD. Le héros de la BD, c’est Lampion. C’est à travers lui que je souhaitais aborder l’époque.

Selon vous, est-ce qu’on peut qualifier votre BD d’historique ?

À partir du moment où (hormis les gags et références à notre époque, bien sûr) je suis fidèle à la reconstitution des costumes et des lieux, je suppose que oui.

Quelles sont les difficultés lorsqu’on fait une fiction basée sur des faits historiques, et qui plus est, une fiction humoristique ?

Il faut une documentation sans faille. Et l’œil de plusieurs spécialistes pour ne pas se tromper. L’humour ne doit jamais être un prétexte pour masquer la rigueur.

Pourquoi le titre Napo et nous... ?
Qui est ce « nous » ?

« Nous », c’est nous. Nous les petits, les sans-grade… Ceux qui constituaient cette Grande Armée.

Dans cet album, vous vous êtes bien amusé avec la franc-maçonnerie et les Mystères d’Isis…

La franc-maçonnerie était très présente à cette époque. Dans tous les camps d’ailleurs. Et il n’était pas rare que dans des face-à-face, des soldats ennemis se fassent certains signes de reconnaissance pour s’épargner mutuellement. La campagne d’Égypte faite par Bonaparte, si elle fut un désastre militaire qui a fini en eau de boudin, n’en marque pas moins le départ de l’égyptologie moderne et a nourri bon nombre de fantasmes qui alimentent encore aujourd’hui toutes sortes de sectes et de gourous.

Votre récit humoristique s’appuie sur un personnage qui n’a rien d’un archétype : Célestin Lampion. Il est ambigü et complexe. C’est un soldat (donc un tueur !) mais pacifique. Il est fidèle à Napoléon mais indépendant d’esprit...

Je ne pense pas que les soldats français qui œuvrent actuellement en Afrique ou dans de nombreux théâtres d’opérations puissent être qualifiés de tueurs. Il en est de même pour Lampion et ceux de son époque. Ils pensaient (à tort ou à raison) être dépositaires des idéaux de la Révolution qu’ils voulaient imposer à une Europe où partout les rois imposaient un régime féodal. L’armée fonctionnait à cet époque comme un ascenseur social. Nombre de maréchaux étaient fils de boutiquiers.

Comment avez-vous choisi son prénom (Célestin, signifiant « venant du ciel ») et son nom (Lampion) ? Est-il, à sa manière, l’enfant des Lumières ?

C’est vrai que le nom du personnage de Lampion évoque quelque part « l’enfant des Lumières ». Mais, vous savez, on n’est pas toujours bien conscient de ses choix…

Vous démarrez une nouvelle série, vous avez donc idée du prochain album...

Oui, le tome 2 de Napo et nous... a déjà un titre : Le Conscrit. C’est l’histoire de la formation du soldat Lebleu par le caporal Lampion. Lebleu rêve de gloire, Lampion veut survivre... Ce deuxième tome devrait paraître en octobre 2015.

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Marielle Python-Bernicot
11/06/2015