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Entretien avec Juliette Fournier

"Quelle est la BD ou le bouquin dans lequel on ne retrouve pas une trace des questionnements de l'auteur ?"

Au fin fond de la Diosphère se trouve un incubateur. C'est là que Aaran et Norodji naissent avant de partir à la recherche de leurs semblables. Une exploration dangereuse pour ces deux jeunes gens qui ont tout à apprendre de ce nouveau monde peuplé de différentes espèces, tantôt accueillantes, tantôt inquiétantes...

Remarquée en 2012 avec l'étonnant Morphine, Juliette Fournier signe aujourd'hui Diosphère, un imposant roman graphique, fantastique et initiatique. L'auteure était présente à la Fête de la BD de Bruxelles et y découvrait son album imprimé, qu'elle dédicaçait en avant-première ! Elle acceptait par la même occasion de nous servir de guide dans l'étrange univers de ce nouvel album, disponible officiellement dès cette semaine.

Juliette, en quelques mots, pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore ?

J'ai suivi des études de dessin à l'école Pivaut à Nantes, et mon premier album, Morphine, a été publié en 2012. Diosphère propose quelque chose de très différent, je ne sais pas si on pourrait vraiment cataloguer cette histoire dans la science-fiction, mais elle relève de manière plus générale du registre fantastique...

Qu'est-ce que la Diosphère ?

Le concept de base de cet univers est qu'il n'y a pas d'extérieur à celui-ci. Il est plutôt composé d'espaces collés l'un à l'autre, peuplés ou vides. On va donc suivre Aaran et Norodji dans leur exploration, leurs découvertes, et peu à peu découvrir qu'il y a pas mal de choses, dans la Diosphère, qui font également écho à notre monde et à certaines problématiques très actuelles ou intemporelles.

En découvrant, justement, le résumé de l'album, on sent que cet aspect initiatique est très important...

Oui, je voulais que ce soit comme un voyage. Pourquoi ces personnages sont-ils là ? Que doivent-ils faire ? Et plus loin, quel est le sens de leur existence ? Ils tentent de répondre à ces questions à leur manière, et s'ils peuvent amener le lecteur à y réfléchir, ça peut être intéressant...

Cela fait-il écho à une quête ou à une préoccupation personnelle ?

Peut-être... Oui, je crois que, déjà toute petite je posais beaucoup de questions sur ce genre de sujet et c'est vrai que ce qui relève d'une quête existentielle me parle généralement beaucoup... Je n'utiliserais pas le mot « religion », mais on fait également allusion à quelque chose de proche dans Diosphère... Mais quelle est la BD ou le bouquin dans lequel on ne retrouve pas, plus ou moins directement, une trace des questionnements de l'auteur ?

Vous découvrez l'album imprimé, et il s'agit d'une jolie petite brique de 200 pages...

Effectivement, mais Diosphère était un projet important et complexe. Initialement il était prévu en deux tomes. Et puis, en travaillant dessus et lors de contacts avec l'éditeur, on a mesuré qu'il était préférable de le sortir en one-shot. C'était plus intéressant de conserver et de proposer le récit en une fois, dans son intégralité, afin de ne pas faire perdre au lecteur le fil de l'histoire. Et puis, parallèlement, cela permet aussi une vision plus globale de cet univers.

Aviez-vous écrit, dès le départ, le scénario complet ?

Celui du tome 1 était à peu près écrit, oui, puis j'ai entamé les recherches sur les personnages et les décors, en fonction des différentes scènes. Ensuite, j'ai travaillé sur les dialogues et le découpage entier des des séquences, afin de tester le fonctionnement dans la narration... Graphiquement, j'ai alterné crayonnés et couleurs pour ne pas m'ennuyer, aidée par mon ami Jean-Gaël Deschard qui a retravaillé certaines ambiances. Globalement, Diosphère a demandé 2 ans et demi de travail...

Comme pour Morphine, on retrouve dans votre dessin un mélange de styles, aujourd'hui baptisé « fusion » parmi lesquels on note une large influence du manga...

J'aime beaucoup le côté expressif du manga, sa manière de caractériser les sentiments des personnages par leur expression. J'aime bien travailler de cette manière, mais comme vous le dites, il s'agit d'un mélange. Les décors et la couleur occupent une grande place dans Diosphère, ce qui n'est pas vraiment le cas dans un travail purement manga.

Mais il y a par ailleurs beaucoup de douceur et de délicatesse dans votre trait, dans vos couleurs... Peut-être devrait-on davantage rapprocher cela des animés, à commencer par ceux d'Hayao Miyazaki ?

Oui, il s'agit d'une grande référence aussi... En fait, je lis beaucoup de mangas, peut-être même plus que de BD classiques. Je trouve que la manga a un côté beaucoup plus addictif, et, en même temps, une dimension plus intimiste. Dans la BD franco-belge, le lecteur est davantage spectateur. Il assiste à une scène mais il y a une certaine distance entre ce qui s'y déroule et lui. Dans un manga, il existe beaucoup plus de proximité, on s'attache au personnage, on le suit et on partage ses émotions. C'est ce que je ressens, en tous cas... Et pour une scène comme celle de la cuisine, par exemple, il me semblait plus efficace de l'aborder de cette manière, car cela me permet de jouer beaucoup plus sur les contrastes, ce que j'aime beaucoup !

Un étonnant lexique complète l'album. De quoi s'agit-il ?

Il s'agit d'un lexique du langage écrit de la Diosphère, composé d'idéogrammes. Ceux-ci apparaissent dans l'histoire, mais aussi en têtes de chapitres et dans le logo-titre. C'était à la fois complexe et amusant de développer cette forme d'écriture. Et en plus, elle fonctionne ! Le lexique offre déjà pas mal de possibilités, et si le lecteur a apprécié l'album et son univers, il peut continuer à jouer avec cela !

Vous dédicacez ici en avant-première. On peut imaginer qu'un travail de promotion suivra avec d'autres rendez-vous, et ensuite ? Déjà un projet dans les cartons ?

Il y a plusieurs choses en cours. J'ai envoyé un dossier concernant un projet manga chez différents éditeurs, et là j'attends les réponses... Et parallèlement, je laisse mûrir un autre récit qui se situerait un peu dans la même veine que Diosphère, mais avec une pagination moins importante !

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Pierre Burssens
16/09/2015