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Entretien avec Elric

"j’ai toujours adoré les classiques"

Après le très personnel Harpignies, retrouver Elric Dufau et François Darnaudet pour une série animalière publiée sous le label Kramiek pouvait surprendre. De jolie façon car le tome 1 de Witchazel, Witchazel et le sort du Wlouf s’est avéré particulièrement sympathique. Moins de 6 mois plus tard, Witchazel contre le démoniaque Onyribilis vient déjà de sortir. L’occasion était belle d’évoquer avec son dessinateur et co-scénariste Elric Dufau une série tout public actuelle mais qui rappelle aussi quelques grands classiques.

Après Harpignies, on ne s’attendait pas forcément à vous retrouver à nouveau associé avec François Darnaudet pour une série animalière…

C’est vrai . En fait, tout est parti d’une discussion avec l’éditeur. Il voulait ajouter à son catalogue une série dont l’univers serait humoristique et animalier. C’est quelque chose qui m’était familier puisque, pour un blog, j’avais déjà mis en scène un personnage de souris, entouré d’autres animaux et auquel, finalement, Witchazel ressemble pas mal. Mais la différence majeure entre les deux est le ton employé. Le blog s’adressait davantage à des adultes, alors que Witchazel, même s’il s’agit d’une série qui peut être appréciée par un large public, a tout de même une priorité « jeunesse ».

Redémarrer avec le même scénariste sur un univers aussi différent implique-t-il une manière de travailler différente ?

Non, pas vraiment. Avec François on s’entend bien et on se connaît bien, et chacun sait ce que l’autre apprécie. Pour moi, et je sais que ça peut surprendre venant d’un dessinateur, la BD est avant tout une question de narration. On doit savoir ce que l’on va dire, ce que l’on veut transmettre au lecteur. Par contre, si je dois travailler sur un scénario très très précis avec un découpage type « case 1, plan général, on voit tel truc et blablabla…. » ça me déprime car j’ai l’impression d’être à la fois enfermé dans quelque chose mais, à cause de cette structuration très poussée, d’être éloigné de l’essence du sujet. Ca me donne vraiment la sensation de devoir travailler en fonction de la main et du cerveau d’un autre et c’est très difficile pour moi. François Darnaudet me laisse donc beaucoup plus de liberté. A partir du moment où l’histoire et son sujet me plaisent, on fonctionne suivant un schéma  qui permet de conserver beaucoup de souplesse, d’ajouter certaines choses si cela me semble nécessaire…  On se contacte régulièrement, le travail évolue progressivement et voilà…

Difficile de ne pas penser à Macherot en découvrant le petit monde de Witchazel, l’aspect magique en plus…

En fait, j’ai toujours adoré les classiques. Ici, plus précisément, je dirais que mes influences viennent davantage des dessinateurs qui ont travaillé pour Disney, Floyd Gottfredson, Carl Barks…  Raymond Macherot est venu après et tout ça s’est un peu mélangé…  On y ajoutera Goscinny, mais là ça relève plus du scénario, des caractères de certains personnages et…des jeux de mots ! Mais nous adorons ça tous les deux.

Ceux qui ont apprécié Witchazel et le sort du Wlouf, premier tome de la série, ont souvent évoqué sa « fraîcheur » par rapport à de nombreuses sorties…  Qu’est-ce qui, selon vous,  entraîne cette impression ?

C’est difficile à définir… Probablement parce que tant dans le scénario que dans le dessin nous ne perdons de vue à aucun moment que nous nous adressons au public le plus large possible. Je me dis que quelqu’un de mon âge pourrait avoir envie de lire Witchazel, mais que je dessine aussi cette série à destination des enfants. Graphiquement, je dois tendre vers la lisibilité et la simplicité. Un jeune lecteur de 7 ou 8 ans doit comprendre ce qu’il lit et ce qu’il voit, sans s’arrêter sur une case pour demander des explications. L’intrigue doit répondre aux mêmes critères. On peut lire l’histoire à différents niveaux, mais chacun doit la comprendre et y trouver des éléments qui l’intéressent, qui lui plaisent…

L’intrigue du tome 1 avait un côté « polar », une des spécialités de François Darnaudet…

François n’est pas que scénariste de BD, il est surtout écrivain et il a écrit plusieurs romans policiers. Mais il touche plus généralement aux littératures dites « de genre », et il a aussi abordé la SF, le fantastique…  Toute cette expérience transparaît assez naturellement dans ses scénarios. Au tout début du projet, quand il a créé le personnage de Dongo, il aurait aimé le développer beaucoup plus, aller dans le sens d’une satire des sectes, mais aussi de leurs dangers. Finalement on a structuré les histoires différemment, et Dongo occupera une place beaucoup plus importante dans le tome 4.

L’ histoire du premier album est construite sur un nombre de personnages relativement limité, et pourtant on y reçoit des indications qui laissent deviner un univers plus vaste…

Là aussi il s’agit d’une option prise pour favoriser la compréhension  et l’attachement aux personnages. Nous n’avions pas envie d’une longue mise en place, mais que l’histoire démarre le plus tôt possible. Mais on va découvrir d’autres personnages au fil des albums, et d’autres aspects de l’univers de Witchazel.

Dès le départ, votre éditeur annonçait 4 albums, ce qui est plutôt rare pour ce type de série aujourd’hui. Vous imaginez Witchazel comme une série au long cours ?

On espère pouvoir continuer, en effet, si, selon la formule consacrée, l’accueil du public le permet ! Quand nous avons entamé la préparation du projet, les idées sont venues rapidement, et on a eu des histoires pour 4 albums. Chaque album constitue une histoire complète, et peut donc être lu indépendamment des autres.

Vous vous adressez notamment, vous l’avez dit, aux enfants. Après Harpignies, Witchazel a entraîné, pour vous, un grand changement de dessin. Comment l’abordez-vous en tant qu’auteur ?

Avec énormément de plaisir, un plaisir enfantin, justement. Je ne me pose pas beaucoup de questions, les personnages sont agréables à faire bouger, et ça me paraît facile, assez évident. Sans doute était-ce le bon moment pour moi pour aborder ce type de série, et je m’y amuse beaucoup.

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Pierre Burssens
02/11/2016