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Entretien avec Sylvain Runberg 2/2

"Je n’aurais jamais pu écrire de cette manière
si je n’avais pas vécu en Suède."

Chez nous, le succès des romans de Stieg Larsson a ouvert la voie aux « polars nordiques », devenus presque un genre à part entière. Hormis Millenium, Sylvain Runberg a également adapté Trahie de Karin Alvtegen. Le scénariste poursuit avec nous l'évocation de ce genre et de Millenium Saga, ainsi que de la Suède, terreau créatif.

On perçoit souvent les pays nordiques comme novateurs dans pas mal de domaines, et pourtant, dans Millenium et d'autres romans (notamment Rouge-gorge de Jo Nesbo) on a l'impression qu'un malaise subsiste par rapport à certains épisodes de leur passé.

Est-ce quelque chose que vous avez ressenti ?

Pas vraiment non. Je pense qu’un travail de mémoire a souvent été effectué dans ces pays, contrairement à la France justement, où il y a encore des sujets tabous dans notre pays, la colonisation et ses ravages par exemple. Après, ça n’empêche pas des partis xénophobes et nationalistes d’y prospérer aussi, à la différence, en Suède tout du moins, et pour l’instant en tous cas, que l’extrême droite reste très isolée sur la scène politique. Il y a un cordon sanitaire démocratique qui demeure assez fort pour contrer les mensonges nauséabonds qu’elle tente de distiller dans le débat politique. Et ça, c’est aussi une différence très forte avec la situation politique française qui sur ce plan là est absolument catastrophique depuis quelques années.


Belén Ortega

Après Homs et Man pour Millenium, Belén Ortega assure le dessin de Millenium Saga. Pouvez-vous nous parler de cette dessinatrice, elle aussi espagnole ?

Oui, tout à fait, et c’est Louis-Antoine Dujardin et les éditions Dupuis qui nous ont mis en contact. C’est une dessinatrice assez connue en Espagne, et qui a un talent exceptionnel. Belén est venue passer quelques jours à Stockholm avec moi pour faire des repérages pour l’album. Elle a tout de suite capté l’essence des romans originaux et de leurs personnages, et a su les faire exister, de nouveau, d’un point de vue graphique.

Vous avez également assuré l'adaptation d'un autre polar scandinave avec Joan Urgell, Trahie de Karin Alvtegen, était-ce, dans le travail, la même approche que pour Millenium ?

Oui, même si le roman de Karin Alvtegen est très différent de ceux de Stieg Larsson, l’approche était la même. Faire une adaptation respectant l’œuvre originale mais avec un regard suffisamment nouveau pour que celles et ceux qui l’auraient déjà lu puissent aussi le redécouvrir. La grande différence est qu’ici j’ai pu en discuter directement avec Karin Alvtegen.

Avez-vous d'autres projets ou envies dans ce domaine ?

Des adaptations ou des séquels d’œuvres existantes ? Oui, il y en a deux. Une qui est déjà signée et une autre qui est encore en discussion. Mais c’est trop tôt pour que je puisse en dévoiler d’avantage. Si jamais ça se confirme un jour, je peux dire que ces deux œuvres là sont aussi connues mondialement que Millénium , mais dans des genres très différents.

Vous vivez en partie en Suède, votre perception du "polar nordique" en est-elle différente, et cela vous a-t-il aidé pour ces adaptations ?

Bien entendu. Je n’aurais jamais pu écrire de cette manière les six tomes de l’adaptation des trois romans et Millenium Saga  si je n’avais pas vécu en Suède, c’est indispensable. C’est d’ailleurs une règle que je me fixe sur tous mes autres projets dont le récit est contemporain. Je les place toujours dans des villes, des pays, que je connais, par souci de réalisme. De la Provence (Les Colocataires avec Christopher) à Tokyo (Face Cachée avec Olivier Martin) en passant par Londres (London Calling avec Phicil et Drac), Copenhague (Infiltrés avec Olivier Truc, Olivier Thomas et Delphine Rieu), Stockholm (Millenium mais aussi le Chant des Runes avec Jean-Charles Poupard) ou New York (Sukeban Turbo, avec Victor Santos), ce sont des villes, des pays, des lieux que je connais, soit que j’y ai vécu ou que je les ai visités.

Quelle est pour vous la définition des ces "polars nordiques" et comment expliquer leur succès dans nos contrées ?

Difficile à dire. Un sens du suspense évident, des personnages forts, masculins comme féminins, une dimension sociale et politique souvent très présente, c’est ce qui à mes yeux ressort souvent de ces polars nordiques, et peut-être la curiosité des lecteurs vis à vis des sociétés scandinaves, assez uniques en leur genre, qui rejoint cette dimension sociale évoquée plus haut. Le féminisme, cette passion pour l’égalité entre les individus, la volonté de trouver un modèle économique à la fois novateur, écologique et socialement juste, avec ses réussites, nombreuses, et parfois ses échecs aussi !

On annonce un triptyque pour Millenium Saga, mais la série pourrait-elle se prolonger ?

Ca dépendra de l’accueil fait par les lecteurs au projet, comme toujours. J’ai déjà une piste en tête, mais on verra bien si j’aurais l’opportunité de m’y attaquer. Ce premier triptyque est de toute manière pensé comme un récit complet, et ça ne bougera pas, quoiqu’il arrive.

Vous avez déjà abordé, en tant que scénariste, de nombreux genres de récits. Y a-t-il un type d'histoire que vous n'avez jamais traité et auquel vous aimeriez vous consacrer ?

Oui, et c’est en préparation. Et là encore, c’est trop tôt pour en parler.

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Pierre Burssens
30/11/2016