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Entretien avec Godi, Falzar et Zidrou

"On "sent" quand ça fonctionne, et on s’est amusés rapidement avec Ducobu !"

Malgré sa flemme légendaire, ça bouge beaucoup du côté de chez L’Elève Ducobu. Il est vrai que septembre est le mois de la rentrée scolaire et que le cancre le plus indécrottable du 9e Art, malgré ses 25 ans, ne pouvait pas y échapper ! On trouve ainsi dans son cartable un 23e album signé Zidrou et Godi, fort justement intitulé Profession : Tricheur !  ainsi que le premier tome d’une série consacrée à Léonie, la forte en thèmes de l’école, Première en presque tout ! Son dessin est également assuré par Godi, mais Zidrou se partage le scénario avec Falzar, qui assure déjà cette tâche sur L’Instit’Latouche. Nous avons rencontré les trois auteurs sur les bancs de la classe de Ducobu, reconstituée au Centre Belge de la Bande Dessinée dans le cadre de la belle exposition Zidrou et ses complices qui s’y tient jusqu’au 28 janvier 2018.

Comment est né L’Elève Ducobu ?

Zidrou : Véritablement comme un bouche-trou ! Godi et moi collaborions à Tremplin, un hebdomadaire distribué dans les écoles belges, et il restait un « blanc » sur une page. On nous a demandé un gag en un dessin, type cartoon, se déroulant en milieu scolaire…

Godi : L’espace dont nous disposions était vraiment limité, peut-être 6 x 7 cm, mais d’une semaine à l’autre les lecteurs ont commencé à réclamer cette présence. De notre côté, progressivement, on a tenté d’obtenir davantage de place, mais c’était presque un marchandage centimètre par centimètre, et puis on a demandé la couleur, car au départ les gags étaient en noir et blanc, puis en bichromie. Le rouge de la robe de Léonie était d’ailleurs une couleur d’appoint. Ducobu ne ressortait pas suffisamment à côté, c’est pourquoi j’ai choisi de lui donner ce pull rayé ! On peut y voir une allusion au côté « prison » qu’il attribue à l’école, mais au départ j’ai été inspiré par le T-Shirt rayé que portait Pablo Picasso et qui le mettait en avant sur nombre de ses photos.

: Mais cette période a permis au personnage et à son univers de grandir. Aujourd’hui, les jeunes qui abordent le métier doivent être directement au point. S’ils n’ont pas la chance d’être prépubliés dans un magazine, l’album sort directement, sans réel support, et doit rapidement atteindre des ventes respectables si on veut que l’aventure continue…


Les élèves Zidrou et Godi,

sous la supervision de l'instit' Falzar

Pouviez-vous soupçonner, alors, le succès que la série allait rencontrer ?

: Absolument pas, évidemment ! Mais curieusement, il s’agit d’un point commun à de nombreuses séries renommées et basées sur le gag : Gaston, Cubitus, Robin Dubois, Boule et Bill ou plus récemment Titeuf sont tous apparus un peu par hasard, très timidement, avant de rencontrer leur succès. D’un autre côté, de manière difficile à définir, on « sent » quand ça fonctionne, et on s’est amusés rapidement avec Ducobu dansTremplin

G : On a réalisé des posters de Ducobu, des jeux, un pop-up de la classe, un T-Shirt, et même une latte en bois à l’image du personnage.

Vous vous amusiez, et vous continuez à le faire, quand on découvre, notamment, la fable du renard dans Profession : Tricheur !

Z : Ca nous permet aussi de sortir du cadre assez fermé de l’école. Godi adore dessiner des tas de choses, véhicules, animaux, paysages, et le seul chien qui apparaît dans L’élève Ducobu est un squelette ! Alors, de temps en temps, on change de décor !

Zidrou, parmi vos séries humoristiques, nombreuses sont celles qui véhiculent cependant un message, une préoccupation actuelle et réelle. Pour L’Elève Ducobu, peut-on parler de pur divertissement ?

: Ca se ressent peut-être moins maintenant, mais au départ, à travers le personnage de l’instituteur, je voulais dénoncer une forme d’enseignement complètement archaïque  et totalement détaché des réalités du quotidien. Un peu comme si on nous apprenait à tondre une pelouse avec des ciseaux ! Latouche en est la personnification. Quand il neige, c’est l’instit’ qui interdit à ses élèves de sortir pour ne pas prendre froid, mais qui les empêche de jouer par la même occasion. Quand j’étais enseignant et qu’il neigeait, j’envoyais les gamins dans la cour de récré en profiter et s’amuser ! Mais ça n’empêche pas cet instituteur d’aimer ses élèves, on le voit dans la BD et Elie Semoun, dans les films, traduisait très bien cet aspect du personnage.

Pour Léonie, qui, désormais, dispose de sa propre série, on aborde une autre problématique…

Falzar : En effet, Léonie Gratin menaçait de quitter la série, et donc, après de longues négociations avec l’éditeur, il a été convenu qu’elle pourrait disposer de son propre espace (rires). Plus sérieusement, l’idée de départ ce cette série est que Léonie est première de classe, récolte les meilleurs notes mais…n’a pas d’amis ! On se dirige donc vers quelque chose d’un peu moins directement comique que L’Elève Ducobu – mais on ne verse pas dans le drame, rassurez-vous – avec une facette…douce-amère plus marquée. Godi a d’ailleurs adouci son trait pour aborder cette nouveauté, les couleurs sont plus claires…  On redécouvre Léonie de manière différente, et cette approche permet de renouveler un peu cet univers. Léonie est une sorte de star de la classe, or, voyez dans le show-business, combien de stars se retrouvent, en réalité, très seules. On peut raconter beaucoup de choses à partir de cela !

Destinez-vous cette davantage cette série à un public féminin ?

: Pas particulièrement, non. Peut-être qu’elle attirera davantage de filles, mais nous ne l’avons pas créée en fonction de ça. D’ailleurs, en séances de dédicaces pour L’Elève Ducobu, Godi et Zidrou, et moi-même pour L’Instit’Latouche, rencontrons autant de lectrices que de lecteurs !

Vous évoquiez Elie Semoun… Comment avez-vous vécu l’adaptation de votre univers au grand écran, et qu’ont apporté les films à la série ?

Z : L’expérience a été très positive et on n’en garde que des bons souvenirs. Pour moi le premier film était de meilleure qualité. La réalisation des Vacances de Ducobu a été plus rapide, pour qu’il sorte dans un délai assez court, et je trouve que c’était trop tôt pour quitter le cadre de l’école. Mais humainement c’était formidable. Et la première fois que Godi et moi avons découvert le plateau, avec les acteurs habillés, maquillés, nos personnages en chair et en os, dans la classe…nous avons ressenti une immense émotion, vraiment ! Les films ont aussi permis à pas mal d’enfants de découvrir la BD, et la série a vu sa notoriété doublée en France ! Côté tournage, j’ai retrouvé cette même émotion en rencontrant les acteurs de Tamara et en découvrant le travail effectué pour cette adaptation au cinéma.

La fameuse dictée de « La cueillette des champignons » régulièrement infligée à la classe de L’Elève Ducobu : texte…archaîque ou invention du scénariste ?

Z : Une pure invention, qui m’a demandé du temps en me plongeant dans un bouquin consacré aux champignons pour y trouver des noms compliqués et peu usités. Elle était destinée à un gag, et finalement nous la réutilisons régulièrement. Il nous est même arrivé de rencontrer des enfants qui la connaissent par cœur, et lors de festivals on dicte parfois ce texte au cours d’animations pour les plus jeunes !

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Pierre Burssens
20/09/2017