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Entretien avec Georges Van Linthout

"J’essaye de continuer à m’amuser en pratiquant ce métier"

Un bricoleur de génie invente un moteur à base de jus de betterave. économique, écologique, aussi performant qu'un moteur à essence ! C'est une "petite française", en l'occurence une superbe DS Citroën, qui en fera la démonstration. Reste à convoyer la voiture en France, et là, ce n'est pas gagné ! Ce moteur révolutionnaire ne plaît en effet pas à tous. Aussi, pour l'escorter et éviter les "accidents" et autres sabotages, va-t-on choisir un homme d'exception : un certain Brian Bones !!!

Le détective privé créé par Rodolphe et Georges Van Linthout joue les convoyeurs dans DS 29, quatrième tome de la série Brian Bones. Alors que jusque-là les auteurs développaient leurs intrigues autour de spectaculaires voitures américaines, c’est une élégante Citroën DS qui, comme son titre l’indique, tient la vedette dans ce quatrième album. Retrouver Brian Bones à son volant constitue une surprise pour les lecteurs de cette série-plaisir qui fleure bon les classiques. Le dessinateur Georges Van Linthout nous prend en auto-stop le temps de répondre à quelques questions.

 C’est une surprise de retrouver Brian Bones au volant d’une DS...

Georges Van Linthout : Oui, mais ça change un peu. Pierre Paquet y avait pensé dès le 3e tome, mais Rodolphe et moi tenions à boucler un trilogie américaine, ce qui, d’ailleurs, m’attirait davantage. Mais le public français est particulièrement sensible à des albums qui mettent en scène des voitures typiquement françaises. On avait pensé un temps à la 2 CV, mais la Citroën DS s’est imposée. D’ailleurs il faut savoir que des DS ont été utilisées pour transporter la drogue de la French Connection. Le plancher plat de la DS permettait l’aménagement d’un faux plancher dissimulant un compartiment abritant de 80 à 100 kilos d’héroïne. Mais nous n’avions pas envie d’évoquer le trafic de drogue ni de nous lancer dans une histoire rythmée par des poursuites automobiles.

Le recours à un carburant particulier évoque plutôt, de manière indirecte, l’actualité. On n’a jamais autant parlé de motorisations hybrides, électriques ou à l’hydrogène...

Ce n’est pas nouveau. Je pense qu’il y a toujours eu des recherches menées sur des carburants différents, souvent freinées des quatre fers, plus ou moins clairement, par les lobbies du pétrole. Mais aujourd’hui au Brésil, par exemple,  certaines voitures roulent quotidiennement à l’alcool de canne à sucre. Cette préoccupation semblait moins cruciale dans les années 50’ et 60’ mais existait déjà. C’est notamment ce qui nous a amené à modifier la conclusion de l’album, plus simple dans une première version. Et puis c’était amusant que Brian Bones soit, d’une certaine manière, le dindon de la farce.

Il est pourtant prudent dans sa relation avec Betty...jusqu’à un certain point, ce qui donne lieu à quelques cases gentiment sexys...

Oui parce que ce genre de relation lui avait joué des tours dans l’album précédent. Mais d’autre part Brian Bones résiste difficilement à une jolie fille. Certains lecteurs m’ont parlé de ces cases dont la présence est logique dans l’histoire. Mais rassurez-vous, je suis attaché à la BD classique et ni Rodolphe ni moi n’avons l’intention de faire basculer la série vers la BD érotique (rires).

DS 29 entraîne non seulement un changement de type de voiture, mais aussi un changement quasi complet de décors...

Et une difficulté supplémentaire, car si je dispose de pas mal de documentation sur les routes US, je suis loin d’avoir les connaissances de Thierry Dubois ou de Jean-Luc Delvaux qui sont des spécialistes des routes françaises typiques de l’époque. Par contre j’avais envie d’évoquer les ambiances portuaires et j’étais vraiment heureux de voir figurer le port du Havre et les scènes qui s’y déroulent dans le scénario.

Vous travaillez depuis longtemps avec Rodolphe, mais comment en êtes-vous arrivés à créer cette série ?

Nous en avions discuté chez Rodolphe, je lui avais livré quelques éléments que j’avais envie de dessiner si on pouvait les inclure dans une histoire…qu’il a imaginée très rapidement. Nous avions été contactés de manière informelle par Pierre Paquet, à qui nous avons soumis une planche, le synopsis, des recherches de personnages et qui aimé d’emblée l’idée de la série. Et pour nous qui sortions d’un roman graphique, Brian Bones détective privé pouvait constituer une agréable récréation, qui a fonctionné tout de suite…

Hormis cette DS 29 bien particulière, comment choisissez-vous les voitures auxquelles vous consacrez un épisode de Brian Bones ?

On a été séduits par le nom de la Buick Roadmaster et son apparence. Nous avons d’ailleurs hésité à faire de Roadmaster le titre de la série. La Cadillac Eldorado 59’ est complètement différente esthétiquement, et vraiment caractéristique de ces années-là. La Corvette fait rêver, et parle même aux européens. Voilà pour ces trois tomes et ces trois voitures...

Les auteurs de la collection Cockpit chez le même éditeur participent régulièrement à des événements ayant trait à l’aviation, ceux de la collection Calandre à des événements auto. Quel est finalement le public de Brian Bones ?

C’est d’abord un public BD, des amateurs de BD classiques parmi lesquels figurent aussi des amateurs de voitures anciennes. On ne croise pas beaucoup de gamins de dix ans lors de nos séances de dédicaces. Par contre, quand on se retrouve au salon Auto rétro, on rencontre fort logiquement une grande majorité de passionnés d’automobiles.

En vous suivant sur le Web, on mesure que vous multipliez les projets, même si tous ne sont pas de la même envergure…

Chez moi, il existe un vrai besoin de changer. Dessiner d’affilée deux albums d’une même série me paraît vite long. Actuellement je reviens à l’adaptation d’un roman qui devrait normalement être publiée en juin 2021. J’ai opté pour une technique différente qui allie le crayon et le lavis avec des ajouts de couleur. C’est différent mais ça me permet de me replonger dans un autre univers.

Je ne tiens pas à me consacrer à un seul genre ou à une seule série. Je ne suis pas un fonctionnaire et j’essaye de continuer à m’amuser en pratiquant ce métier, pourtant exigeant. Je continue aussi à réaliser des travaux de commande, car ils me donnent aussi l’occasion d’aborder des choses différentes et, matériellement, de me consacrer à des projets plus personnels.

Lors de la sortie de l’intégrale de Lou Smog, vous aviez évoqué la possibilité d’un nouvel album…

Un album qui attend d’être publié, tout comme l’adaptation d’un roman d’Agatha Christie. Mais chez Paquet comme ailleurs, le planning des parutions a été bouleversé par ce fichu coronavirus !

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Pierre Burssens
09/09/2020