Entretien avec Alain Ayroles et Etienne Jung
"Réaliser cet album, c’est une sorte d’émerveillement, de retour à l'enfance !"
Pour ce premier tome des Chimères de Vénus, comment vous êtes-vous approprié l’univers d’Alex Alice tout en vous en différenciant ?
Alain Ayroles : ça n’a pas été trop difficile de rentrer dans cet univers, tout simplement parce que à l’origine du projet du Château des Etoiles, Alex Alice m’avait proposé d’en écrire le scénario mais à l’époque, je n'avais pas le temps nécessaire. Par contre, j’avais été particulièrement séduit par son univers et je lui avais proposé de servir de consultant pour relire ses scénarios, story-boards et échanger sur cette série. Petit à petit, j’ai appris à connaitre cet univers, à en voir tous les rouages et j’ai été séduit par tout ce que développait Alex d’autant plus, que nous avons une vision très proche de la science-fiction, à savoir le merveilleux et le fantastique. Et quand il m’a proposé de réalisé un spin-off, en parallèle, j’ai accepté. J’ai réalisé récemment, en travaillant sur De cape et de crocs, qu’avec Bombastus mon personnage de savant fou, j’avais développé un personnage très JulesVernien J’ai donc commencé à développer une histoire, Alex m’ayant entièrement libre du thème. Nous avons cependant beaucoup échangé quant à la cohérence de l’univers. Est-ce que les machines fonctionnent, est-ce que telle ou telle chose est possible sur cette planète… Ainsi que le ton à donner, pas trop comique, fidèle à l’esprit de la série. Les rôles se sont alors inversés : c’est moi qui écrivais et lui qui me relisait. On s’est rapidement mis en quête d’un dessinateur et c’est Monsieur Jung qui a été choisi, Alex étant un fan absolu il a proposé son nom tout de suite...
Ressentiez-vous une forme de pression par rapport à la série originale et au développement de ce spin-off ?
Etienne Jung : Oui, énormément ! Je n’ai pas l’habitude d’être confronté à un projet d’une telle ambition. Maintenant, ça commence à aller mieux puisque le tome 1 a donné quelque chose.
AA : Etienne a un dessin radicalement différent d’Alex, même s'il n’est pas toujours d’accord avec ça. Alex ne voulait pas d’un dessin trop proche du sien. Que ça fasse une resucée, un ersatz du Château des étoiles.
EJ : Je n’avais pas Le château des étoiles sous les yeux lorsque j’ai entrepris Les chimères de Vénus. Je connaissais la série mais pas plus que ça et j’ai simplement corrigé quand on me disait que j’allais trop vers le cartoon. Quand je fais des gros nez ou des grands pieds, on me dit attention, tu dévies, et alors je fais un dessin un peu plus réaliste que d’habitude.
Comment avez-vous travaillé tous les deux ?
EJ: Alain m’envoie un story-board très détaillé, un découpage très précis que je suis en essayant de réadapter son dessin.
AA : Le dessin d’Etienne a la même capacité que celui d’Alex, celui de créer du merveilleux, de la poésie, du mystère…
EJ : J’ai tendance à faire un dessin détaillé et ce qui créé la magie, c’est le choix des couleurs, les ambiances…
AA : Etienne a des personnages qui jouent très juste, très typés. Il a notamment donné à son héroïne un côté glamour.
EJ: Je me demande ce que cela donnerait si lon avait un dessin ultra réaliste, photographique. Je ne sais pas si ça marcherait ! C’est le côté un peu enfantin qui me fait rejoindre Alex, l’univers du dessin animé.
On sent que vous avez pris un réel plaisir à faire cet album...
AA : Tout à fait ! Pour nous, c’est une sorte d’émerveillement, de retour à l’enfance. Chez Etienne, effectivement, il y a un côté Disneyen qui rappelle les dessins animés de l’âge d’or du cartoon américain. Et chez Alex, il lorgnerait plutôt du côté Miyazaki ou des animés japonais. Mais en même temps, il y a cette même notion de madeleine de Proust pour les deux...
Eu égard à la période Napoléon III, Hélène cette belle héroïne semble tout droit sortie d’un roman de Zola. Est-ce ce type de personnage qui vous a inspiré ou tout autre ?
EJ: Aussi, on ne peut pas le nier ! Nana faisait clairement partie des références.
AA : C’est une nana qui fait partie des opéras-bouffe de la période, dans un rôle sur scène, un peu olé-olé mais qui sait ce qu’elle veut. Au départ, définie comme une femme-objet, et c’est comme ça que la considère le duc de Chouvigny en vil séducteur qui veut se l’approprier. Et bien vite, il va se casser les dents quand il s’aperçoit que ce n’est pas du tout l’écervelée qu’il pensait. Elle sait ce qu’elle veut et, au contact de la planète Vénus, va petit à petit prendre l’ascendant sur tout ce petit monde.
Comment fonctionnez-vous tous les deux, y-a-t-il des allers-retours, tant au niveau du scénario que du dessin ?
AA : Si Etienne n’intervient pas sur le scénario, en revanche ça lui est arrivé d’intervenir sur le story-board. il propose des orientations et on en discute. Il y a des allers et retours car il y a toujours des modifications à apporter. Pour la narration, j’ai besoin de vérifier si ça fonctionne bien.
EJ : Je reçois le découpage avec les dialogues et je reprends chaque case en dessinant avec mes personnages tout en respectant la mise en scène. J'effectue une mise en page sur Photoshop. J’envoie un crayonné assez poussé puisqu’Alain a déjà fait un story-board très poussé et puis on fait un feedback là-dessus. Si c’est ok, je passe à l’encrage.
Comment intervient votre éditrice et à quel stade de l’avancement du projet ?
EJ : Nadia notre éditrice est très impliquée mais également toute l’équipe de Rue de Sèvres, très très présente.
AA : Ils sont très attentifs dans le déroulé des événements mais également très réactifs dans la promotion qui est vraiment exceptionnelle. Ils sont toujours prêts à répondre à des paris un peu fous. Quand on a des idées, ils suivent, comme par exemple pour le lancement du dernier Château des étoiles (on aurait dû faire aussi quelque chose avec Les chimères de Vénus mais les conditions sanitaires nous l’ont empêché) où c’est parti dans une présentation classique e théâtralisée avec une chanteuse d’opéra qui a repris des airs de lyrique accompagnée d’un accordéoniste en tenue du XIX e S. Etienne, devant une lanterne magique d’époque, un Monsieur Loyal, et nous qui répondions à l’interview dans une mise en scène incroyable, avec un dinosaure sur scène, le tout dans le théâtre du Ranelagh.
EJ: J’ai eu du mal à tenir les délais pour le 1er tome et Nadia m’appelait régulièrement, non pas pour me mettre la pression mais pour savoir si ça allait bien ! J’ai apprécié d’avoir été bien traité, ce qui n’est pas toujours le cas avec d’autres éditeurs.
Sans dévoiler le tome 2, pouvez-vous cependant nous en donner quelques pistes ?
AA : Le deuxième album aura une tonalité maritime. Il se déroulera sur et sous l’eau. On continue le voyage extraordinaire à la Jules Verne, sur un océan avec des animaux préhistoriques dangereux.
EJ : Si je tiens les délais, le tome 2 devrait sortir pour la rentrée 2022.
Propos recueillis par Bernard Launois le 31 octobre 2021
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© Bernard Launois/ Auracan.com
Visuels © Etienne Jung Alain Ayrolles/Rue de Sèvres
Photo © Bernard Launois
Remerciements à Doriane Sibilet