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Entretien avec Kris

« Les Tuniques bleues m’ont biberonnées
durant toute ma jeunesse… »

Après l'irremplaçable et regretté Raoul Cauvin, Kris est désormais le nouveau scénariste de la mythique série Les Tuniques bleues. À l’occasion de la sortie du 66e opus, intitulé Irish Melody, Auracan.com vous propose une rencontre exclusive avec cet ancien fan de l’une des plus fameuses sagas du Journal de Spirou

Par quelle facétie éditoriale êtes-vous devenu le nouveau scénariste des Tuniques bleues, une série qui vous tient à cœur depuis vos plus jeunes années ?

Il y a trois ans, grâce à Sergio Honorez, alors directeur éditorial des éditions Dupuis. Sergio était un fan de ma série Les Brigades du temps déjà parue chez Dupuis et qui, avec son couple d'agents temporels mal assortis, était un peu nos Blutch et Chesterfield à nous, Bruno Duhamel, le dessinateur, et moi. Sergio le savait, tout comme il connaissait mon amour des Tuniques bleues, qui m’ont effectivement biberonnées durant toute ma jeunesse. Bref, réfléchissant déjà à une éventuelle reprise de la série, il a tâté le terrain lors d’une conversation au festival d’Angoulême. Autant dire que, ce jour-là, c’est comme s’il me demandait si je voulais être heureux et épanoui toute ma vie !


Kris © Yves Larvor

Comment avez-vous présenté votre scénario – voire même vos scenarii, car je crois savoir que vous en avez écrit plusieurs – aux éditeurs de Dupuis, et surtout, à Willy Lambil ?  

J’ai procédé par étapes. J’ai d’abord défini une dizaine d’histoires possibles, chacune résumée en une page maximum et indiquant, à la fois les faits réels dont elles étaient tirées, mais aussi les possibilités de fiction propre à l'univers des Tuniques bleues. Puis, après discussion, nous nous sommes arrêtées sur l’une d'entre elles, en l’occurrence celle qui allait donner Irish Melody (et qui s’appelait alors Les Bleus se mettent au vert... Mais zut, c’était déjà pris par le tome 58 !). À partir de là, j’ai écrit le « scène à scène » complet de cette histoire. Mais je n’étais pas seul sur la ligne de départ, un certain nombre d’auteurs travaillaient aussi à la reprise – ne m’en demandez pas plus, je n’ai rien voulu savoir à ce sujet. Finalement, Dupuis a retenu trois scénarios (dont le mien, donc) et en a commandé le découpage storyboardé complet, dans le but de les montrer à Willy Lambil. Et c’est Lambil qui a choisi en dernier ressort. Autant vous dire que ça a duré un certain temps et qu’à aucun moment je n’ai voulu y croire vraiment. J’aurais été bien trop déçu en cas d’échec... Je me suis contenté avant tout de m’amuser le plus possible avec des personnages rêvés pour ça, sans y mettre d’autres enjeux que le pur plaisir. Et, dès lors que le dessinateur, lui, restait toujours Lambil, j’ai essayé de respecter le plus possible l’univers déjà créé.

De quelle façon avez-vous collaboré avec cette légende du Journal de Spirou ? Pas trop impressionnant d’écrire pour ce vétéran de l’hebdomadaire de Marcinelle ?

Pour ce premier scénario, ayant donc écrit sans savoir si je serai retenu, je n’ai eu aucun contact avec Willy Lambil. C’est seulement venu après, une fois le scénario accepté, pour commenter ses pages. Et là, eh bien, oui, ce n’est pas facile de parler d’égal à égal avec quelqu’un qui est une de vos idoles ! De plus, quoiqu’on puisse en penser, nous sommes deux grands timides qui avons trente-cinq ans et mille kilomètres de distance entre nous, et évidemment une différence d’expérience énorme ! Alors, on a fini par s’appeler au téléphone – et il y a eu deux ou trois coups de fil durant la réalisation de l’album. Pour l’anecdote, je ne l’ai toujours pas rencontré. J’en serai ravi le jour où Dupuis voudra bien organiser cela...

Parlez-nous de l’intervention d’Emmanuel Michalak sur le storyboard ?

Le storyboard dialogué que je livre à Lambil, dessiné par Emmanuel Michalak, est très précis et Willy sait ce qu’il a à faire. De toute façon, il a toute liberté de l’adapter à sa sauce. Je reçois ensuite les planches dix par dix. S’il le faut, je demande quelques corrections via notre éditrice. Je travaillais déjà avec Emmanuel sur un livre à paraître en septembre 2023 chez Delcourt. Et il assurait également le storyboard de Jim Thorpe, un album de ma collection Coup de tête consacré aux histoires vraies du sport qui vient de paraître, toujours chez Delcourt. Nous avons démarré en même temps il y a vingt ans, chez le même éditeur... Bref, on se connaît très bien et nous nous entendons parfaitement... Encore plus pour rire – notre album est aussi une comédie ! Quand j’ai su qu’il fallait un storyboardeur, Lambil préférant lire un scénario déjà esquissé, j’ai donc immédiatement pensé à lui. Certes, il était moins connaisseur de la série que je ne l’étais, mais l’exercice l’excitait beaucoup. Et c’est peu dire qu’il a été un élément primordial dans la qualité finale du scénario. Avec Emmanuel, c’est comme si j’avais une caméra à la place du clavier ! Je peux lui demander différents angles, il y a parfois jusqu’à six ou sept versions de la même page, il est extrêmement pro... Et surtout extrêmement talentueux ! Son storyboard pourrait se lire tout seul, tout y est déjà : l’humour, les intentions, les lignes de force, l’énergie, le mouvement, etc.

Un opus d’écrit et publié en cette rentrée... un 2e en cours de réalisation... et quid de la suite ?

Le tome 67 s’appellera Du sang sur la glace et se déroulera en plein territoire indien... Et nous y retrouverons les Appeltown ! Bref, à l’Ouest, du nouveau, donc... Pour la suite, joker !!! J’aimerais rempiler évidemment et je rêverais même d’une suite à Irish Melody dont une partie de l’action se déroulerait cette fois réellement en Irlande, mais aussi au Québec ! On y retrouverait l’un de mes personnages préférés, un certain coureur des bois... Mais bon, beaucoup de choses ne m’appartiennent pas et il est trop tôt pour en dire plus et savoir ce que la vie fera encore de nous !

Votre définition de la série Les Tuniques bleues ?

La Tendresse bordel !

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