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Entretien avec Christian Denayer

Après Génération Collège où il officiait en tant qu'auteur complet, Christian Denayer s'est lancé à 55 ans dans une nouvelle série décoiffante scénarisée par Jean Van Hamme pour le premier diptyque, Thierry Cailleteau pour la suite. Mêlant action et exotisme, Wayne Shelton est une série dynamique, véritable cure de jouvence pour son dessinateur qui affiche des allures de jeune premier.


« J'aime dessiner les belles carrosseries… de chair ou d'acier ! » - Christian Denayer

Depuis maintenant trois épisodes, c'est Thierry Cailleteau assure le scénario de Wayne Shelton. Comment se fait-il que ce soit lui qui ait été choisi, alors que son parcours était plutôt orienté vers la science-fiction ?

Dès le départ, Jean Van Hamme avait annoncé qu'il ne souhaitait pas s'engager dans une nouvelle série et qu'il s'arrêterait une fois le diptyque terminé. Il me laissait néanmoins la possibilité de poursuivre avec un autre scénariste… si cela marchait bien. La direction éditoriale de Dargaud Bénélux, Yves Schlirf plus précisément, lui a donc proposé une série de noms pour continuer Wayne Shelton. Le choix de Jean s'est porté sur Thierry Cailleteau. Ce dernier souhaitait écrire des histoires contemporaines pour justement sortir de l'univers de la science-fiction. Il a courageusement, et avec succès, relevé le défi.
Nous avons rapidement trouvé des centres d'intérêt communs : comme moi, il aime tout ce qui roule, et tout ce qui vole. C'est un véritable spécialiste des armes. Il les connaît infiniment mieux que moi. Notre entente est parfaite !

Comment se passe la collaboration au niveau du scénario ? Y a-t-il un apport de votre part dans la mise en place de l'histoire ?

Je n'interviens pas vraiment dans l'histoire. Thierry Cailleteau m'envoie un synopsis très précis d'une vingtaine de pages. Je lui signale les passages qui manquent de précisions, ou qui nécessitent un développement. Et on en discute. J'ai besoin de savoir vers quoi je vais, ce que je vais dessiner et comment je vais le dessiner. Je ne peux pas dessiner idiot. Je dois avoir les réponses à toutes les questions que je me pose, avant de me mettre à ma table à dessin. Yves Schlirf effectue un travail similaire sur ce synopsis.


« Honesty est la meilleure amie et maîtresse de Shelton. C'est son havre de paix, son repos du guerrier. » - Christian Denayer

De son côté, le scénariste a-t-il un regard sur votre travail ?

Au fur et à mesure de l'avancement du dessin, le scénariste peut également faire ses remarques, sur certaines cases, certaines attitudes, certains décors. Lorsque je dois dessiner des personnages secondaires importants, je réalise toujours une série de croquis que je lui soumets, pour voir si ces physiques sont en adéquation avec ceux qu'il avait imaginés.
Plus généralement, je dirais qu'une bonne collaboration repose sur une confiance mutuelle. A partir du moment où l'on perçoit la manière de travailler de l'autre, et vice versa, le climat de confiance s'établit.

Jean Van Hamme avait-il laissé des indications pour la poursuite de la série ?

Non. Il a laissé la porte ouverte à tous les développements. Les seules informations disponibles étaient celles contenues dans les deux premiers volumes. Ceux-ci étant largement basés sur l'action, Wayne Shelton était encore un personnage assez peu défini. Cela laissait au repreneur une grande marge de manœuvre pour son évolution. Je me rappelle qu'au départ, le personnage apparaissait comme peu sympathique à Cailleteau. J'ai trouvé cette réaction très saine. Cela signifiait qu'il voulait lui apporter quelque chose de nouveau.


Robert Ryan dans La Horde Sauvage © Warner Bros.

Comment le physique de Wayne Shelton est-il né ?

Au départ, Jean m'avait orienté vers un personnage à la Clint Eastwood. Mais la dizaine d'essais que j'avais réalisés ne l'avait pas convaincu. Puis un jour, il me téléphone en me disant avec enthousiasme : « Christian ! J'ai vu Shelton ! ». En regardant un vieux western (NDR : La horde sauvage, de Sam Peckinpah, 1969), il avait trouvé que le physique de Robert Ryan dans ce film collait parfaitement à celui qu'il souhaitait pour Shelton. Visage de forme rectangulaire, tempes argentées, moustache. J'ai donc regardé à mon tour ce film et j'ai réalisé quelques croquis. Cela a donné le personnage tel qu'on le connaît.

Wayne Shelton est une série qui nous emmène aux quatre coins de la planète. Faites-vous des repérages sur place pour dessiner vos décors ?

J'aimerais me rendre sur place. Je l'ai fait, lorsque je dessinais des décors américains. Chaque année, pendant vingt ans, je me suis rendu aux Etats-Unis. J'essaie néanmoins d'avoir une documentation précise sur les endroits où se déroule l'intrigue. Dans le cas de l'Indonésie, j'ai pu compter sur les collections photographiques privées d'amis qui y sont allés ou qui y ont habité. J'ai également reçu beaucoup de documentation à l'ambassade. Internet et des revues complètent encore ce gros tas de documents. Finalement, j'en ai plus qu'il n'en faut. Mais je trouve cela préférable car cela laisse un large choix lors de la sélection. L'objectif n'est pas de réaliser un catalogue de voyage. Il s'agit de restituer des atmosphères réelles. Et ce n'est pas dans les photos touristiques qu'on peut les trouver. Les photos fournies par mes amis, c'était des photos de rues avec des petites motos, style Vespa, des vieilles boutiques, etc. C'est à partir de cela que j'ai mis en images le cadre du vieux marchand de couteaux qui apparaît dans le tome 5.

On sent un véritable enthousiasme dans vos propos. Cela se ressent aussi dans votre dessin très dynamique…

C'est vrai que je m'amuse bien. Lorsque j'ai débuté cette série avec Jean Van Hamme, j'avais un défi à relever : en travaillant avec lui, il fallait que je sois à la hauteur. Quand vous collaborez avec un scénariste qui a autant de succès que lui, vous portez sur vos épaules une grande responsabilité dans la réussite du projet. Car si c'est un flop, c'est plutôt de votre faute que de la sienne. J'étais donc porté par ce défi qui m'imposait de ne pas me planter. Il fallait que je donne le maximum pour qu'en cas d'échec, je n'aie rien à me reprocher. Heureusement, tout s'est bien passé.
Avec Wayne Shelton, c'est un peu comme si je commençais une nouvelle carrière. C'est une renaissance.

Peut-on déjà connaître le thème du prochain album ?

Tout ce que je peux dire c'est qu'il se déroulera en Afrique. Il sortira vers la fin de cette année et fera 46 planches. J'en suis actuellement au tiers.

 

Propos recueillis par Marc Carlot en février 2006.
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Photo de Christian Denayer © Marc Carlot 2006
Visuels Wayne Shelton © Denayer, Van Hamme, Cailleteau, Dargaud
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Marc Carlot
23/02/2006