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Entretien avec Trolley, Erroc, Dimberton

Le Dessinateur T1

« L’idée nous est venue qu’un dessinateur judiciaire pourrait être un personnage intéressant à développer en BD. »

Avec le Dessinateur, François Dimberton, ancien assistant de Greg sur Achille Talon, et Erroc, scénariste des Profs, imaginent le besoin de vengeance vécu par un dessinateur judiciaire qui se métamorphose en un tueur éliminant les criminels dont il a suivi les procès ! Ce nouveau diptyque est mis en scène par un nouveau venu qui nous vient de la musique et de l’illustration : Jean Trolley. Triple rencontre…

Erroc ©
Erroc © Bamboo
Quid de la trame du Dessinateur ?
Erroc : Un dessinateur judiciaire, dépressif, qui a couvert pendant 30 ans des procès criminels sordides, pète les plombs lorsque sa fille se suicide. Il pense que ce sont les criminels dont il a suivi les procès qui ont gâché sa vie. Il décide alors de les abattre au fur et à mesure de leur sortie de prison. Il nous raconte son histoire, ne se prend pas pour un justicier, c’est juste un type perdu qui va prendre des risques énormes pour parvenir à ses fins. Et, en parallèle, il y a l’enquête de la police…

Comment est née l’idée de ce personnage exerçant la profession de dessinateur judiciaire ?
François Dimberton : Notre ami Jean-Claude Bauer a dessiné pendant une quinzaine d’années les procès pour Antenne 2. En l’écoutant nous parler, l’idée nous est venue qu’un dessinateur judiciaire pourrait être un personnage intéressant à développer en BD. C’était un angle séduisant et nous avons sauté dessus !

Drôle d’oiseau que cet homme qui décide un jour de liquider systématiquement les assassins dont il a suivi les procès…
Erroc : Nous sommes dans un polar très noir où le personnage principal n’est ni un flic ni un gangster. C’est un type banal, qui vit dans un pavillon de banlieue, et qui devient un tueur en série sans s’en rendre compte. Je crois que c’est un personnage attachant parce qu’il n’est pas haineux. À travers lui, nous avons un peu essayé de recréer l’ambiance des couvertures de Détective illustrées par Di Marco : des faits-divers à la fois terribles et quotidiens.
François Dimberton : La fin sera forte et extrêmement surprenante, dans la continuité du premier tome, mais avec une construction très différente…

François et Erroc, comment vous êtes-vous connus ?
Erroc : J’ai connu François aux éditions Vaillant qui éditaient PIF Gadget à la fin des années 80. Nous souhaitions travailler ensemble depuis un certain temps, on a essayé de faire un scénario humoristique, mais ça n’a rien donné. Puis François a eu cette idée et m’a proposé d’écrire cette histoire à deux… On ne va pas en rester là !

De quelle manière vous partagez-vous l’écriture de votre récit ?
François Dimberton : Nous discutons et avançons nos idées. En quelques séances, la trame générale est montée. Notre objectif est d’être logique dans le comportement de nos personnages, ne jamais être hors sujet et avoir un bon rythme. L’un de nous note la trame après chaque séance. S’ensuivent quelques allers et retours pour ajuster l’ensemble qui se présente alors sous la forme d’une nouvelle d’une dizaine de feuillets. On divise l’ensemble en 46 pages, puis nous passons au découpage. Le premier qui a le temps attaque : 2, 3, 4 pages selon l’envie ou le désir d’aller au bout d’une scène. On suit scrupuleusement le plan prévu au préalable. Celui qui a écrit envoie ses pages à l’autre qui les lit, rectifie si besoin, et continue de la même façon… Au final, nous avons été surpris de constater que nous ne savions plus ce que chacun avait écrit !

Erroc, vos précédents travaux sont essentiellement orientés vers le comique. Quelle fut votre envie de co-écrire un récit réaliste ?
Erroc : Je ne sais pas si je me serais lancé seul dans une histoire réaliste. Mais François ayant déjà une expérience de scénariste réaliste, j’ai pensé qu’à nous deux on s’en sortirait. C’est vrai, j’ai écrit beaucoup de scénarios humoristiques – ce qui est très difficile contrairement à ce qu’on pourrait croire – et j’ai eu envie d’essayer quelque chose de radicalement différent. Cela dit, cette histoire est très sombre, mais on s’est énormément marré en l’écrivant !

Trolley
Jean Trolley © Bamboo
De quelle façon Jean Trolley a-t-il rejoint le projet ?
François Dimberton : J’ai rencontré Jean il y a deux ou trois ans. Il venait de la musique et voulait faire de la BD. Après plusieurs essais infructueux, lorsque nous avons écrit le Dessinateur, nous lui avons proposé de faire des essais et, cette fois, il a été retenu.
Jean Trolley : À la base, le Dessinateur est une idée de François Dimberton. Nous avions ainsi plusieurs projets ensemble. Notre éditeur avait accepté celui du Dessinateur et souhaitait quelqu’un résidant sur Paris afin de bien retranscrire les décors. Bien que je trouve le héros trop négatif, dessiner Paris m’intéresser. Cette histoire était une excellente opportunité pour travailler le noir et blanc, pour développer un graphisme qui me plait particulièrement : celui d’auteurs comme Jijé, Caniff ou Pratt. J’apprécie aussi le travail d’auteurs de comics comme Mignola, Frank Miller, John Paul Leon ou Jock.

En effet, votre travail se suffit à lui seul en noir et blanc, même si l’album sera mis en couleurs…
Jean Trolley : … par Camille W. de Prévaux qui les réalise à l’ordinateur. Diplômée en arts plastiques, elle se montre particulièrement compétente pour cette tâche. Nous avons essayé de faire quelque chose d’artistique et d’efficace. Il nous a fallu trouver certains compromis entre réalisme et traduction des ambiances.

Quel a été votre parcours avant cet album ? Un parcours vous menant de musicien professionnel à auteur de BD…
Jean Trolley : Enfant, j’ai baigné dans un milieu très musical. Très jeune, lorsque j’ai découvert le jazz, j’ai souhaité devenir musicien. Si j’ai longtemps été saxophoniste professionnel, j’ai toujours dessiné en tentant d’allier les deux, mais ce sont deux activités bien trop prenantes chacune… De formation autodidacte, je travaille depuis dix ans dans l’illustration avec l’idée de faire de la BD. J’ai ainsi beaucoup œuvré en édition jeunesse, j’ai notamment réalisé de nombreux sujets historiques pour une Histoire de France des éditions Atlas, j’ai aussi fait du dessin humoristique pour le magazine Histoire médiévale

Comment créez-vous les physiques de vos personnages ?
Jean Trolley : Si j’ai pensé à quelques acteurs pour certaines particularités physiques, ils sont plutôt venu naturellement. Il existe bien une petite inspiration d’une actrice italienne pour le physique de Léa, la femme flic de l’histoire. En revanche, pour le personnage principal, je me suis pris pour modèle, à la différence que je ne fais pas de moto et que je n’ai encore jamais flingué personne !

Cet album a-t-il été long à réaliser ?
Jean Trolley
: Oui, surtout pour mon éditeur ! Mais il s’agit de mon premier album, je cherchais encore mon style, je n’étais pas habitué à dessiner autant de décors. J’ai d’ailleurs dû faire de nombreux reportages photos dans Paris… J’espère boucler le prochain tome d’ici moins d’un an. Je me sens aujourd’hui plus libre : le plus important pour moi réside dans la progression de mon style.

Propos recueillis par Brieg F. Haslé en juin 2008
Entretien initialement publié, sous une forme différente, dans [dBD] n°25
© Brieg F. Haslé / Tous droits réservés
photos des auteurs © Bamboo
visuels © Dimberton - Erroc - Trolley / Bamboo - Grand Angle
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Brieg F. Haslé
05/08/2008