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Entretien avec Laurent Moënard

Moenard
Laurent Moënard
© Moënard pour Auracan.com
« L'écriture d'un documentaire ou d'une bande dessinée procède de la même technique. »

À 42 ans, Laurent Moënard aurait pu se satisfaire d’une carrière de journaliste bien remplie. Mais ce passionné d’histoire et de littérature souhaitait aussi raconter des histoires. Sa rencontre avec Éric Stalner lui a ouvert les portes de la bande dessinée. Après Blues 46, un fort beau diptyque justement cosigné avec Stalner (collection Long Courrier, Dargaud), Laurent Moënard vient de lancer avec Nicolas Otero la nouvelle série le Sixième Soleil chez Glénat. Il n’en fallait pas plus pour que la rédaction d’Auracan.com souhaite mieux connaître ce scénariste, discret certes, mais joliment cultivé. Conversation...

Vos études d’histoire et de journalisme ne vous prédestinaient pas forcément pour la BD…
En effet, j'ai fait des études d'histoire et de journalisme à l'université d'Aix-en-Provence dans les années 90. Auparavant, j'étais un ancien élève d'une école de commerce parisienne. J'ai contracté le virus du journalisme au cours de mes études dans cette école de commerce. J'ai commencé par des piges et le hasard a voulu que Stéphane Bern me fasse débuter dans le journalisme à la fin des années 80 dans le magazine Dynastie dont il était le rédacteur en chef. J'ai rapidement travaillé, après une formation dans les techniques de communication audiovisuelle, pour des films institutionnels et des documentaires. J'avoue que j'ai toujours, depuis ma tendre enfance, aimé regarder des documentaires de télévision. Certains que j'ai réalisés, coréalisés ou écrits, ont été sélectionnés pour le Festival du film maritime et d'exploration de Toulon ou au Festival international de l'image sous-marine d'Antibes. Ce qui est passionnant, c'est que l'écriture d'un documentaire ou d'une bande dessinée procède de la même « technique » : synopsis, scénario, découpage technique, traitement séquentiel… La seule différence est qu'à la fin, en tout cas en ce qui me concerne, soit on fait appel à un dessinateur, soit à un caméraman.

Blues46

extrait de Blues 46
© Stalner - Moënard / Dargaud

Quels sont vos goûts en littérature et en bande dessinée ?
J'ai des goûts très classiques. Cela tient, je pense, à mes études d'histoire en partie (spécialisation en histoire ancienne, romaine). Mais avant tout, ce que je recherche c'est le style, la musique, l'univers chez un auteur. Alors, dans le désordre et de façon non exhaustive, je citerai : les auteurs grecs et latins comme Pétrone, Pline le Jeune, Tite-Live. Les mémorialistes des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles comme Saint-Simon. Puis Stendhal, Huysmans, Morand, Nimier, Cioran, Nietzsche, Maupassant, Raspail, Aymé, Breton, Léautaud, Baudelaire… Les Français Fajardie, J. Leroy, H-F Blanc, Manchette, A.D.G. Les auteurs de polars américains. J'ajoute que j'ai une prédilection pour les Anglais : Wilde, Byron, Poe, James et J.G. Ballard, Philip. K. Dick, George Orwell, Huxley, Conrad, Kipling, Waugh, Wodehouse, Connoly, Thackeray, Maugham… Comme vous l'aurez compris, j'aime lire ! Pour la BD : Charlier, Pellerin, Corbeyran, Goscinny, Hergé, Morris, Lécureux et Van Hamme.

Dans quelles circonstances s’est faite votre rencontre avec Éric Stalner ?
Depuis toujours, j'ai lu et j'ai exprimé mon désir de travailler dans l'édition, le journalisme… À un moment, je me suis jeté à l'eau. Le hasard a voulu que nous ayons à ce moment-là une connaissance commune. Je lui fis part de mon projet d'envoyer un manuscrit par la poste à une maison d'édition. C'était une sorte de défi. Cela se déroulait autour des années 2000. Cette personne m’a annoncé qu'elle connaissait un peu un auteur de BD (en l’occurrence Éric, qui était au début de la Croix de Cazenac) et me dit qu'elle était prête à me donner ses coordonnées si j'avais un scénario prêt. Le temps d'avertir Éric de ma démarche. Je lui dis que j'en avais un, ce qui était faux. Une fois les coordonnées récupérées, il ne me restait plus qu'à inventer une histoire en une après-midi. Éric l'a lue très rapidement, la confia à François Le Bescond chez Dargaud et à Didier Convard chez Glénat. Après lecture, ils me conseillèrent et me répondirent tout aussi rapidement. La réponse pour ce projet fut négative, mais je conquis, je pense, la confiance de ces personnes qui me dirent en retour que je pouvais leur adresser d'autres projets qu'ils liraient tout aussi sûrement. Ils m'assurèrent aussi qu'ils me suivraient…

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extrait de Blues 46 © Stalner - Moënard / Dargaud
Comment a germé votre diptyque Blues 46 ?
J'ai envoyé deux ou trois projets à Éric, qui est devenu depuis quasiment mon premier lecteur. Le « scénario » était le même : Éric - Dargaud - Glénat. Et un jour, je reçois un coup de téléphone d’Éric qui me dit qu'il a une idée (ce qui allait devenir Blues 46) et qu'il me proposait d'y participer. Inutile de vous dire que j'ai tout de suite dit oui ! Puis c'est devenu une écriture commune, qui j'ajoute, m'a permis d'apprendre quelques trucs de la part d’Éric. Ça a été un travail très formateur. C'est la raison pour laquelle, entre autres, je lui rends hommage dans le Sixième Soleil : il m'a fait confiance, a remarqué que mon goût pour vouloir raconter des histoires n'était pas factice et il m'a donné ma chance. C'est à la fois un maître, un complice et un ami.

Que tirez-vous de cette collaboration ?
Énormément. Éric est très travailleur, très précis et très rapide. Ce sont les qualités que je souhaite développer de mon côté. Notre binôme a bien fonctionné, je crois… Et j'en suis sûr car il m'a promis que l'on retravaillerait ensemble !

Vous poursuivez votre carrière de scénariste BD avec une nouvelle série prévue en six tomes chez Glénat : le Sixième Soleil. Comment avez-vous choisi le dessinateur Nicolas Otero ?
C'est un libraire qui m'a donné ses coordonnées. Je l'ai contacté, puis je lui ai adressé le scénario du Sixième Soleil. Je dois dire qu'il me fait penser à Éric par sa volonté de précision, de rapidité et ses capacités de travail. Là aussi, notre duo a très bien fonctionné.

Blues46
extrait de Blues 46 © Stalner - Moënard / Dargaud

Pourquoi éditer ce projet chez Glénat après avoir commencé chez Dargaud ?
Éric, encore lui. Il avait lu le scénario, l'avait trouvé bon et c'était au moment où il travaillait physiquement chez Glénat. Il l'a transmis à Laurent Muller et Frank Marguin que j'ai rapidement rencontrés et qui ont tout aussi rapidement dit oui.

Pouvez-vous nous présenter cette série ?
C'est à la fois une sorte de western contemporain, de thriller, d'histoire d'espionnage... bien d'autres choses encore que l'on pourra découvrir dans les différents tomes car la poursuite du « sixième soleil » prendra quelques années et s'effectuera sur plusieurs continents. Mais c'est aussi la lutte d'un homme sur lequel s'abat la figure tragique du destin, de l'histoire et qui tente de s'en libérer...

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extrait de Blues 46 © Stalner - Moënard / Dargaud

Avez-vous d'autres projets ?
Effectivement, j'ai des projets dans les tuyaux de plusieurs maisons d'édition mais rien de signé pour l'instant. À suivre donc...

Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008
Propos présentés et introduits par Brieg F. Haslé et Manuel F. Picaud
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© Manuel F. Picaud / Auracan.com

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Manuel F. Picaud
10/10/2008