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Comment vous êtes-vous connus ? Et quels
ont été vos parcours respectifs avant
cette rencontre...
Serge Meirinho - Je suis né à
Marseille, et c'est là que j'ai rencontré
Nadine. Nous y étions tous les deux étudiants
en arts appliqués. J'ai terminé mes études
au Centre National de la Bande Dessinée à
Angoulême, où j'ai rencontré Thibaud
de Rochebrune par le biais d'amis communs, tout ce petit
monde travaillant dans le dessin animé ou la
bande dessinée. Après un passage de deux
ans sur Paris en tant qu'infographiste dans la pub télé,
je suis revenu sur Angoulême où j'ai intégré
l'atelier Sanzot. Quelques mois et un projet BD refusé
plus tard, j'ai rejoint la société de
jeu vidéo Kalisto à Bordeaux où
je vis toujours. C'est pendant cette période
qu'avec Thibaud nous avons eu l'envie de monter un projet
commun : Bluehope.
Nadine Thomas - Comme Serge vient de le
dire, je viens de Marseille. J'y ai fait mes études
avant de m'installer à Angoulême où
j'ai trouvé un boulot de graphiste, logique étant
donné ma formation axée sur la publicité.
Mais très vite, je me suis aperçue que
je n'étais pas faite pour ce milieu. J'ai profité
de l'occasion qui m'a été donnée
de faire mes armes dans le dessin animé en tant
que gouacheuse, d'abord à IDDH puis à
Tilt. C'est à cette période que j'ai rencontré
Denis Bajram qui cherchait un coloriste pour la suite
de Cryozone. Miraculeusement, l'essai a été
accepté et j'ai donc décroché mon
premier contrat qui m'a permis d'entrer à l'atelier
Sanzot et profiter de l'expérience des auteurs
présents. Ce séjour de quatre ans à
Angoulême a été l'occasion de faire
des rencontres autant amicales que professionnelles
qui ont abouti à des collaborations. C'est le
cas pour Thibaud bien sûr, mais aussi pour Algésiras
ou Patrick Pion...
Thibaud de Rochebrune - Avant de rencontrer
Serge et Nadine, j'ai passé quelques années
aux Beaux-Arts d'Angoulême, dans l'ancien atelier
Bande dessinée. J'y ai côtoyé des
gens qui sont maintenant des auteurs confirmés,
cela m'a permis d'évoluer de façon radicale
dans mon dessin. Un véritable tremblement de
terre ! Après l'atelier, j'ai fait mon service
civil. En dernière année d'atelier, j'ai
monté mon premier projet, une série de
SF que j'ai peaufinée pendant que je faisais
mon service... sans succès, puisque ça
n'a pas intéressé d'éditeur. J'ai
donc commencé à travailler dans le dessin
animé, en revenant sur Angoulême, où
beaucoup de boîtes commençaient à
s'installer. J'y ai travaillé cinq ans, tout
en continuant les projets BD. La rencontre avec Nadine
et Serge s'est faite tout naturellement. Nous travaillions
alors dans le même milieu. Nous sommes devenus
amis, sans qu'il soit alors question de travailler ensemble.
C'est venu plus tard, alors que Nadine avait déjà
mis plusieurs albums en couleur et que je commençais
un album pour la collection "Comics" des éditions
Le Cycliste.
Et que vous a apporté cette première
publication ?
TdR - Le Cycliste a sorti une collection
de petits albums en noir et blanc, format comics. Celui
sur lequel j'ai travaillé est le n°27, Les
veneurs, avec Ebatbuok au scénario, une histoire
de science fiction. En travaillant sur ce comics, je
me suis retrouvé confronté pour la première
fois au développement d'une narration sur un
assez grand nombre de pages. Lorsqu'on travaillait nos
sujets à l'atelier Bande dessinée d'Angoulême,
il s'agissait en général d'histoires courtes,
de 3 à 6 pages, et les dossiers que l'on adresse
aux éditeurs n'en comporte en général
pas plus. Un comics, c'est 24 pages, la moitié
d'un album classique. C'est suffisamment long pour qu'on
commence à appréhender les problèmes
de rythme de narration. Et sur ce plan, j'avais aussi
beaucoup de choses à apprendre ! Le travail m'a
permis d'aborder Bluehope avec un bagage un peu
plus conséquent. Ça a été
une étape importante. Merci Pol, merci Ronan
!
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Puis arrive le projet Bluehope
TdR - Il vient de plusieurs choses. Notre
envie de travailler ensemble. Sans savoir sur quoi,
mais ensemble. Ensuite, c'est aussi parce que chacun
de nous a trouvé quelque chose, dans l'univers
de l'autre, qui l'a intéressé. Suite aux
échecs des projets précédents,
j'avais envie de travailler sur un projet vraiment personnel.
L'univers maritime du 19ème siècle, avec
la fin de la marine à voile, l'essor technique
des vapeurs me fascine depuis longtemps. Je n'osais
pas franchir le pas, étant donné la masse
de connaissances techniques qu'il me semblait indispensable
de maîtriser avant de l'aborder. Si j'aime les
grands voiliers, je n'y comprends pas grand chose, ni
plus qu'à la navigation. Je suis un bon terrien,
qui n'a jamais assez navigué pour avoir le mal
de mer ! Avec en exemple des films comme ceux de Miyazaky,
je voyais bien qu'on pouvait aborder un univers sans
pour autant assommer son lecteur de considérations
techniques, mais je m'en sentais incapable seul... J'ai
donc proposé cette époque comme toile
de fond à notre projet commun. Cette époque
étant riche de découvertes, elle l'est
aussi de savants et d'inventeurs géniaux. Et
c'est aussi les débuts du roman noir, les débuts
des héros intrépides... Serge pouvait
donc aussi y trouver tous les éléments
nécessaires à développer une intrigue
à son goût, sans trop écorner mon
obsession de la logique et du réalisme technique.
C'est de ce mélange de nos deux envies qu'est
né Bluehope.
SM - Au départ, nous avons décidé
de mettre à plat, chacun de notre côté,
nos envies, pour les confronter par la suite. Thibaud
avait des ambiances, des images, des éléments
qu'il aimait dessiner, des références,
et la passion des bateaux du 19ème siècle.
De mon côté, j'avais envie d'une intrigue
à tiroirs, de personnages un peu troubles, d'une
ambiance victorienne, d'un soupçon de science
fiction et d'une enquête policière. Très
rapidement, l'idée de la Régate s'est
imposée, et Thibaud attendait, je crois, ce genre
d'histoire. Après des heures de discussion, quelques
bons repas, une bonne dizaine de versions et des remises
en question, le projet Bluehope a vu le jour. Il ne
restait plus qu'à envoyer les dossiers et croiser
les doigts... Ce qui nous a surpris, c'est que nous
avions envoyé les dossiers un vendredi, et que
le mercredi suivant Jean-Claude Camano de chez Glénat
appelait Thibaud pour prendre rendez-vous sur Paris.
Nous n'y croyions pas ! Après avoir signé
le contrat, on a attendu d'être dans la rue pour
hurler comme des gamins ! Passé l'euphorie, il
a fallu se mettre au boulot, et c'est là qu'on
s'est vraiment rendu compte de l'ampleur de la tâche...
NT - Quant à moi, ayant été
présente dès les prémices de Bluehope
(j'ai notamment assisté aux discussions enflammées
entre Thibaud et Serge au moment de l'élaboration
du projet), je crois que c'est tout naturellement que
Thibaud m'a proposé de faire ses couleurs. Je
le soupçonne d'ailleurs de s'être dit que
notre complicité lui permettrait d'interférer
davantage dans le travail de la couleur qu'avec un autre
coloriste ! Mais par la suite, fort heureusement, il
s'est fait violence et n'en a jamais abusé !
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