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À l'occasion du 50e anniversaire du détective Ric Hochet, l'historien Patrick Gaumer, le « Monsieur Larousse de la BD », a récemment publié au Lombard une importante somme documentaire sur le parcours d'un grand nom de la bande dessinée belge : André-Paul Duchâteau.

En collaboration avec « BDmag », rencontre avec ce passionné de la bande dessinée franco-belge.

En tant que lecteur, quels sont tes premiers souvenirs du scénariste André-Paul Duchâteau ?

Il y a tout d'abord la lecture d'un recueil du journal « Tintin », avec, en couverture, un astronaute dessiné par Weinberg. Ce devait être en 1969 ou 1970, j'avais une douzaine d'années. J'étais surtout habitué aux petits formats en noir et blanc. Là, d'un seul coup, je découvrais un autre monde, tout en couleurs. Un peu à la manière de la petite Dorothy dans « Le Magicien d'Oz ». À l'intérieur, quelques pages des « Spectres de la nuit », un épisode de « Ric Hochet », à l'atmosphère bien particulière. Une histoire où se mêlaient le polar et le fantastique, deux autres de mes passions. J'ai eu envie de connaître la fin de l'histoire. L'engrenage fatal !

Et quand l'as-tu connu ?

Professionnellement, André-Paul et moi, nous nous connaissons depuis 1999 - hier, donc -, même si je l'avais croisé à quelques reprises à Bruxelles ou Angoulême. Je l'ai interviewé la première fois pour ma monographie sur Tibet ( Patrick Gaumer, « Tibet, la fureur de rire », Le Lombard, ndlr ).

Comment se présente la monographie que tu lui consacres ?...

D'un point de vue formel, elle s'intègre à la collection « Auteurs Lombard », mêlant de fait un entretien fleuve et un maximum d'illustrations, souvent méconnues ou inédites. Jacques Kievits, qui a déjà assuré la mise en pages de ma monographie sur Tibet, a de nouveau joué les maquettistes inspirés. Il a vraiment fait des miracles, car certains documents étaient excessivement difficiles à reproduire. Côté contenu, l'ouvrage se divise en sept grands chapitres qui vont de l'enfance d'André-Paul à ses derniers travaux, auxquels s'ajoute une copieuse bibliographie. On le connaît bien sûr comme le scénariste de « Ric Hochet », de « Hans », des « Casseurs », de « Bruce J. Hawker » ou de « Terreur ». de dizaines d'autres récits, mais je voulais également montrer ses autres facettes : le journaliste, le rédacteur en chef du journal « Tintin », le romancier, le nouvelliste pour des revues comme « Mystère-Magazine » ou « Bonnes Soirées », pour la radio ou la télé, et, surtout, l'homme, extrêmement cultivé et attachant, qui a côtoyé l'écrivain Stanislas-André Steeman, le futur dictateur Mobutu, Maurice Renault, le fondateur des mythiques éditions Opta. D'autres encore qui ont laissé leur empreinte dans l'histoire culturelle ou politique du XXe siècle. Un homme qui semble avoir vécu plusieurs vies.

Comment as-tu abordé cette ouvre, multiple et diverse ?

Je ne pouvais pas me contenter de faire un entretien purement chronologique, tant sa production est effectivement importante. Le seul établissement de sa bibliographie m'a pris près de huit mois ! Il me fallait donc ajouter une dimension thématique pour mieux comprendre son itinéraire. Il n'existait rien sur lui jusqu'alors et, à chaque visite chez André-Paul, je découvrais encore d'autres textes, d'autres travaux, des choses incroyables, souvent noyées au milieu de documents les plus divers. Une illustration de Franquin, une note de blanchisserie, une biographie de Marie Tussaud. Que sais-je encore ? Chez lui s'entassent pêle-mêle des coffres et des boîtes bourrés à craquer de manuscrits, de photos ; des étagères incurvées, remplies à ras bord d'ouvrages en tout genre ; sur le sol, il me fallait également slalomer entre des piles de livres, de magazines, etc. Il m'a souvent fallu jouer les spéléologues ! Au moment où je m'y attendais le moins, je mettais la main sur le scénario d'un « Tiger Joe » qu'il a fait pour Jean Pleyers ; un exemplaire du « Père Ubu », un journal auquel il a collaboré en Afrique ; le tapuscrit d'un roman-photo, etc. J'avais l'impression d'être un gosse à qui l'on permet de fouiller LA malle aux trésors. Après vient, bien entendu, la mise en forme de tout ce matériel. Comment s'y retrouver ? Là, il faut beaucoup de méthode, de travail. Trouver aussi des documents un peu originaux pour illustrer, par exemple, son travail à la radio ou à la télévision. Je voulais que cet ouvrage soit à son image, un livre plaisir, qu'on ait envie d'aller plus loin dans la découverte de son ouvre, de partager ses passions. C'est pour moi un travail essentiel sur la mémoire. Celle d'un homme, bien sûr, mais aussi celle de toute une époque.

Pourquoi cette monographie ? Peut-on dire qu'elle est le pendant de celle que tu as consacré à son complice Tibet ?

Elle est d'autant plus complémentaire que je pensais à l'origine ne réaliser qu'un seul et même livre, un peu à la manière du « Tibet Tête-Bêche » qu'a publié le Centre Belge de la Bande Dessinée. J'ai soumis l'idée à Yves Sente, le directeur éditorial du Lombard, qui m'a suggéré que, compte tenu de la carrière des deux hommes, il y avait bien matière à faire deux livres. Il avait raison !

Après ces nombreux mois de travail, que retiendras-tu de ta rencontre avec André-Paul Duchâteau ?

Un grand enrichissement personnel. André-Paul est l'une des personnes les plus sensibles, les plus intelligentes, que j'ai eu le plaisir de rencontrer. Quelqu'un avec lequel on se sent tout de suite en « famille ». Dès le départ, j'ai eu l'impression de l'avoir toujours connu. Au-delà de notre passion commune pour la paralittérature, nos rencontres nous ont permis des échanges merveilleux. Sur la création, bien sûr, mais aussi sur notre manière de voir les choses, la vie. D'observer le monde tel qu'il va ou ne va pas. J'aimerais que les lecteurs se sentent eux aussi complices. C'est en tout cas dans cet esprit que NOUS avons réalisé ce livre.

Propos recueillis par Brieg Haslé en avril 2005
Copyright © Brieg Haslé / Tous droits réservés
Visuels © D.R.
Illustration Ric Hochet © Tibet, Duchateau, Lombard
Reproduction, même partielle, interdite sans autorisation préalable
Certains passages de cet entretien ont été initialement publiés, sous une forme partiellement différente,
dans 
« Bandes Dessinées Magazine » n°7
© Brieg F. Haslé - Bandes Dessinées Magazine 2005
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