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Scénariste, aventurier, engagé,
passionné et épicurien ! Tels sont les mots avec lesquels
on pourrait décrire Frank Giroud. Le scénariste de Louis
Ferchot (alias Louis la Guigne) et de Mandrill
aime alterner les expériences et les challenges audacieux,
comme nous le démontre le Décalogue.
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La mécanique que vous avez mise en place
en écrivant le décalogue est assez ambitieuse.
Pourriez-vous nous la décrire?
Le Décalogue constitue avant tout un pari. Mon but était
de concilier les avantages de la série et du one-shot, tout en
éliminant leurs inconvénients respectifs, et ce à travers une
construction encore jamais vue en BD. Les dix albums constituent
donc un ensemble cohérent, avec une intrigue générale (l'histoire
d'un livre), mais les lecteurs peuvent découvrir chaque volume
séparément, dans n'importe quel ordre, et sans aller plus loin:
car chaque album traite de personnages, de thèmes, d'époques et
de lieux différents. Cerise sur le gâteau, il est aussi possible
de lire la série en commençant par le dernier tome (La Dernière
Sourate) et en terminant par le premier (Le Manuscrit)
: on découvre ainsi une troisième facette de l'ensemble.
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Certains albums du Décalogue, tels
que Le Manuscrit, semblent ne pas abriter la démarche humaniste
qui caractérise votre ouvre.
Cette démarche est très présente dans les tomes 2, 4, 5, 7, 9
et 10, soit tout de même la moitié de la saga. On la retrouve
surtout dans le deuxième album (La Fatwa), qui traite de
la cohabitation entre la foi et la raison (l'adepte d'une religion
révélée, codifiée par un livre sacré - en l'occurrence le Coran,
peut-il laisser librement parler son cour et son esprit critique
?) . Ailleurs, j'aborde d'autres thèmes qui me sont chers. Dans
le Manuscrit, par exemple, je m'interroge sur la nature
et l'origine de l'inspiration, du génie. Le personnage principal,
Simon Broemecke, rêve d'écrire mais court vainement après le talent.
Il n'arrive pas à dépasser la page trente car son inspiration
est polluée par des préoccupations externes, comme le désir de
briller auprès de son ex-compagne, de gagner de l'argent ou de
se faire un nom dans la république des Lettres. A partir du moment
où les circonstances l'amènent à faire abstraction de ces objectifs
parasites, il atteint enfin l'état de grâce et accouche d'une
ouvre personnelle géniale. qui n'est d'ailleurs qu'une confession
romanesque. Bref: un thème cher à tout raconteur d'histoires,
non?
Halid Riza et Merwan
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Merwan, le personnage principal de la
Fatwa, est justement tiraillé entre une vision humaniste ou
une autre plus intégriste du Coran.
Etonnant personnage, que Merwan! Au début, il a tout pour déplaire:
macho, brutal, obtus. et totalement contaminé par l'idéologie
intégriste. Ce qui m'a intéressé, justement, c'est de suivre les
changements qui vont s'opérer en lui. Au contact d'Halid Riza,
un croyant humaniste qui connaît le Coran bien mieux que lui et
l'aborde d'une façon beaucoup plus intelligente. Il va s'ouvrir
à plus d'émotion, plus de réflexion et plus de tolérance. L'histoire
de la fatwa possède un côté manichéen. Quelques paroles suffisent
à faire basculer Merwan d'un intégrisme profond à une lecture
plus humaniste du Coran. Riza lui même (l'écrivain sur lequel
pèse la fatwa) s'en étonne: "Tu vénères une bande d'illuminés
au point de tuer pour eux, et il suffit que le premier venu remette
en 0cause leurs théories pour te retourner comme une crêpe?!".
Oui, mais voilà: dans cet épisode comme dans tous les autres,
intervient . NAHIK!
Nahik, pivot de chaque tome du Décalogue, n'est pas un
livre magique au sens propre du terme, mais son contenu est suffisamment
puissant pour accélérer la transformation intellectuelle ou émotionnelle
de ceux qui s'y frottent. Et puis au delà du Nahik, il y a aussi
Halid Riza, un personnage qui n'est pas n'importe qui: un humaniste
doté d'un charisme étonnant, que sur le plan physique, Giulio
De Vita a su rendre de façon remarquable.
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