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Chaque album a pour cadre un lieu et une époque différents.
N'est-ce pas frustrant pour un auteur de ne plus réutiliser ses
personnages?
Mais il meurent pas tous, loin de là ! Qui peut dire ce qu'ils
deviendront plus tard?
Les personnages d'un album du Décalogue pourraient devenir
les personnages secondaires d'une autre histoire. Cela permettrait
d'avoir un autre regard sur le Décalogue. André Juillard a exploré
ce principe à travers son Cahier Bleu et
Après la Pluie.
Je travaille depuis bientôt deux ans sur un projet qui
va dans ce sens ! Non pas avec le Décalogue, dont il me reste
encore trois tomes à terminer, mais dans un autre cadre. Car après
avoir monté une pareille mécanique, j'ai envie d'aller encore
plus loin. Même s'il est encore trop tôt pour en parler.
Même si les thèmes abordés dans le Décalogue sont
graves, l'histoire n'en est pas du tout soporifique.
Il m'est arrivé d'écrire des albums didactiques: ce sont ceux
dont la réalisation a été la plus pénible pour moi . et qui se
sont le plus mal vendus ! Non, quand j'aborde des thèmes graves,
je préfère les placer à l'arrière plan, derrière l'intrigue et
surtout l'émotion que j'essaie de faire naître à travers les relations,
les rêves, les doutes et les conflits internes de mes personnages.
Recherchez-vous à faire réfléchir le lecteur ?
Ce n'est pas ma priorité. J'essaie de lui faire passer
un bon moment avec mes bouquins. Si, lecture achevée, l'histoire
vit en lui pendant quelques jours, quelques mois ou mêmes quelques
années, je suis tout à fait comblé.
Comment avez-vous sélectionné les dessinateurs de chacun
des albums du Décalogue ?
En fonction de mes goûts. Le fait que chacun n'ait à s'occuper
que d'un seul album m'a permis de travailler avec des gens dont
j'adorais le travail, mais qui n'auraient jamais pu, faute de
temps, se lancer à mes côtés dans une série traditionnelle. Cela
dit, pour trouver dix dessinateurs, il m'a fallu en contacter
une quarantaine. Seuls deux ou trois ont refusé par manque d'intérêt;
les autres n'ont pas réussi à se libérer de plannings trop chargés.
Surtout lorsque Jacques Glénat a décidé de sortir la série, non
plus sur trois ans, comme prévu au départ, mais sur deux. Certains
dessinateurs très tentés par l'aventure se sont alors désistés,
comme Ferrandez, Rossi ou Labiano.
Il y a une grande inconnue quant au dessinateur du sixième
album, l'Echange ?
C'est Alain Mounier le dessinateur de Dock 21 chez Dargaud
et d'Exit chez Albin Michel, qui se chargera du dessin
de cet album, avec des couleurs de Patricia Faucon.
Pour terminer, nous aimerions revenir votre personnage
fétiche: Louis Ferchot.
En créant la jeunesse de Louis La Guigne, je voulais
explorer le passé de ce personnage. Je voulais démonter le mécanisme
qui a fait d'un adolescent conservateur, un libertaire prêt à
tout pour défendre ses idées. Je m'efforce de décrire chaque étape
de son évolution psychologique. Dans l'Usine, le jeune
Louis est très respectueux de l'ordre social et, progressivement,
s'en détache à cause d'un drame familial. Dans Le Fusil,
il émet ses premiers doutes quant au bien-fondé du nationalisme.
Dans la caserne, il plonge dans le côté sombre de l'armée et enfin,
dans Le Chasseur qui se déroulera en Afrique, il découvre
l'humanité des Noirs qui, pour lui, n'étaient que d'exotiques
sauvages juste bons à décorer les boîtes de Banania. Avec Didier
Courtois, nous allons continuer la série jusqu'à ce que Louis
acquière la personnalité affirmée que le lecteur peut trouver
dans le tome 1 de Louis La Guigne.
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Quels sont vos projets quant à la série mère, laissée à
l'abandon suite au décès de Dethorey ?
Son dessin avait un charme difficilement imitable. Trouver
un successeur n'est donc pas évident, d'autant plus qu'un style
classique, même parfaitement maîtrisé, ne conviendrait pas. Mais
si nous dénichions l'oiseau rare, pourquoi pas ?
Pour en savoir plus...
Illustrations © Glénat et les auteurs
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