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Erwan Le Saëc

En compagnie du scénariste David Chauvel, Erwan Le Saëc réalise une série des plus ambitieuses : Ce qui est à nous. En vingt albums, cette saga nous conte peu à peu l'histoire de ceux qui ont fait la "Cosa Nostra", la maffia.

A l'occasion de la sortie du Ticket gagnant, cinquième et dernier tome du premier cycle, nous vous proposons une rencontre avec le dessinateur d'une série atypique et inclassable.

Ex Libris pour la librairie Schlirf Book

Quand et comment êtes-vous venu à la bande dessinée ?
J'ai tout le temps dessiné, et je suis arrivé à la BD un peu par hasard. J'ai une formation de typographe et j'ai travaillé quelques années dans une imprimerie. Depuis gamin, je dessine de la bande dessinée. Grand lecteur de Spirou, je refaisais les planches. C'était mauvais, évidemment (rires). Je faisais du sous Franquin en imaginant de nouvelles histoires.

Et le déclic s'est fait quand ?
J'ai commencé en collaborant dans des petits fanzines en Normandie. Puis quand je suis venu habiter sur Rennes en 1987, j'ai rencontré ceux qui faisaient Atchoum qui était un fanzine assez important. Pendant deux ans, j'ai ainsi bossé avec Erwan Fagès, Jérôme Lereculey, Stéphane Duval, Pascal Bertho… David Chauvel est arrivé à la fin d'Atchoum. A l'époque, il cherchait à placer ses scénarios et comme nous étions plusieurs dessinateurs sans scénariste… Ce qui explique qu'aujourd'hui, nous sommes plusieurs anciens d'Atchoum à bosser avec lui.

Avec Chauvel, vous avez publié votre première série : Les Enragés…
Il s'agit d'un polar en cinq tomes relativement classique. Un peu violent, un peu fantaisiste, ce polar à l'américaine peut faire penser à n'importe quelle série télé avec beaucoup d'action.

Cette série a été un apprentissage ?
Oui, mon dessin a évolué au cours des cinq tomes. Quand j'ai débuté Les Enragés, on ne peut pas dire que j'étais au top. Mais j'ai du mal à bien me rendre compte de cette évolution. J'espère que c'est de mieux en mieux (rires).

Encrage de la couverture des Enragés - T5

Vient Flag ensuite…
David et moi avions déjà le projet de notre actuelle série, mais pour combler le moment de sa mise en place, j'ai dessiné ce one-shot. Il s'agissait d'un scénario qu'il avait en stock et qui, d'après lui, ne méritait pas un album couleur. On a ainsi pu le faire dans la collection Encrages de Delcourt. Je cherchais un graphisme différent, ça a été le moyen d'essayer de nouvelles choses. Flag m'a permis de faire un travail plus jeté, c'est une histoire très graphique que j'ai réalisé sur du papier à machine à écrire avec un trait un peu sale. Finalement, ayant ainsi fait évoluer mon dessin, ça m'a permis de trouver un style pour faire Ce qui est à nous.

Comment présenter cette série qui ne fait que débuter ?
Le titre de la série est la traduction de Cosa Nostra. Il s'agit d'une fresque historique sous-titrée "Un siècle de crime organisé à New York". David veut raconter l'histoire de la création du syndicat du crime qui commence en 1909. On débute en narrant l'histoire des fils d'immigrés italiens. Dans le premier cycle, on évolue de 1909 au début des années 1920. Il sera suivi de trois autres cycles de cinq tomes également. On va aller jusqu'aux années 1960-1970.

Recherche de personnages pour "Ce qui est à nous"

Chauvel a déclaré avoir eu l'idée de cette série en découvrant Le syndicat du crime, un ouvrage signé Jean Marcilly et Jean-Michel Charlier, et s'être vite passionné pour l'histoire de la pègre. Comment vous êtes-vous retrouvé dessinateur de cette saga ?
Nous n'avions pas terminé Les Enragés que ce projet existait déjà entre David et moi. Je m'intéressais déjà à la maffia, à son historique. C'est un projet que nous avions en commun.

L'aspect éditorial est particulier…
Les albums du premier cycle ont une pagination de 32 pages. Nous sortons chaque tome tous les sept mois environ. C'est une idée de David car des tomes de 44 planches auraient été trop longs pour conter la jeunesse de ces maffieux. En revanche, pour le second cycle, les personnages seront adultes, ce sera l'époque de la prohibition, il y a beaucoup puis de choses à dire. On va donc passer à des albums de 44 pages.

Cette série va vous occuper de nombreuses années…
Actuellement, je réalise deux albums par an. Je dessine en moyenne six planches par mois. Avec la nouvelle pagination, cela sera logiquement plus long. J'en ferai trois en deux ans probablement.

Vous n'avez pas peur de vous lasser ?
A vrai dire, je ne veux pas penser à ça… Mais j'arrive à faire autre chose. J'ai un petit projet personnel qui me permet de changer d'air. Il s'agit de quelque chose de tout à fait différent, dans la veine comique. Mais vu la façon que David et moi avons de bosser ensemble, je ne suis pas inquiet.

Extrait de "Ce qui est à nous" - T5, planche 19

Chaque tome présente de nombreuses notes historiques. Pour votre part, vous devez manipuler une importante documentation…
Le New York de 1909 n'a rien à voir avec celui d'aujourd'hui. Nous voulions un rendu visuel le plus réaliste possible, je travaille avec des ouvrages de photos anciennes. Cette documentation est difficile à trouver ici, mais un ami nous en a ramené des Etats-Unis. Autant ici, les ouvrages de photographies anciennes sont des livres de luxe, autant là-bas, ils éditent ça sous la forme de bottins téléphoniques.

Quel est votre goût pour l'architecture qui est très présente dans vos planches ?
En vérité, je ne suis pas passionné par cela. J'en dessine beaucoup parce que c'est indispensable. Je me contente souvent de reprendre de vieilles photographies. Mais je ne recherche pas à réaliser une reconstitution historique. Je cherche seulement à rendre un décor crédible, que cela ressemble à New York.

Ce qui est à nous

L'univers de la série est très urbain. Ne ressentez-vous pas une frustration ?
Dès que je le peux, c'est vrai que je dessine quelques brins d'herbe !

Et comment vous y prenez-vous pour les personnages dont certains ont réellement existé ?
A base de photographies aussi. Mais pour le premier cycle, j'ai été obligé de les adapter puisqu'ils apparaissent jeunes. Ayant des portraits de Capone ou de Lucciano à 30 ans, j'ai ainsi dû imaginer comment ils étaient jeunes.

Avez-vous cherché un style graphique spécifique pour retranscrire la vie new-yorkaise du début du 20e siècle ?
Peut-être. Je dessine de façon classique. Faire un découpage éclaté ne collerait pas à cet univers, à cette esthétique. Je pense que mon style colle mieux au style, à l'époque de Ce qui est à nous que dans Les Enragés.

Pourquoi ne faites-vous pas vos couleurs ?
Je ne m'en sens pas capable, ou bien je mettrai beaucoup trop de temps. C'est Scarlett Smulkowski qui s'en charge. Elle les fait par ordinateur.

Quel est l'accueil du public ?
Il est assez mitigé, nous ne sommes pas rendu à 10.000 exemplaires par tome. La façon de raconter de David est particulière. Il n'y a pas de héros, de personnage principal. On a reproché à David d'avoir mis trop de personnages sur le premier cycle. Pour le second, il se concentre plus sur les principaux maffieux. Sur ce genre de série, je pense qu'il faut être patient. Nous verrons quand le second cycle aura débuté. Mais je ne suis pas inquiet.

Que pouvons-nous vous souhaiter, hormis bien sûr beaucoup de courage pour dessiner les quinze prochains albums de cette grande fresque ?
Du courage en effet (rires). Je vais continuer à travailler d'arrache pied !

Extrait de "Ce qui est à nous" - T5, planche 10
Propos recueillis par Brieg F. Haslé en mars 2002
© Auracan 2002

Illustrations © Le Saëc, Chauvel, Delcourt

Egalement sur le site :

Ce qui est à nous - T4 Ce qui est à nous - T5

 

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