Je vous propose de faire le tour de
votre actualité…
J’ai récemment publié le quatrième
tome de Bételgeuse qui s’appelle Les
Cavernes.
Ce n’est pas une série facile à résumer.
Il s’agit de la colonisation d’une planète
où se présentent des problèmes :
des événements incompréhensibles
ont provoqué la mort de la plupart des colons
et la rupture de toute communication. Sur Bételgeuse,
le lecteur accompagne Kim, le personnage principal que
nous connaissons depuis le premier cycle, Aldébaran.
Elle est envoyée sur Bételgeuse pour essayer
de savoir ce qui s’est passé et y découvre
tous les déboires de cette colonisation ratée.
Une colonisation ratée car deux camps se sont
formés…
Oui, ces deux camps divergent sur un point bien précis
: est-ce que les « iums », ces animaux
semblables à des pandas, ont-ils un niveau d’intelligence
supérieur, comme les humains ? Si la réponse
est positive, la charte de l’ONU interdit que
Bételgeuse soit colonisée. Kim va devoir
prendre position. Elle va devoir aussi tenter de comprendre
ce que fait une « Mantrisse » sur Bételgeuse,
cette bête si mystérieuse qui habite les
océans d’Aldébaran. D’ailleurs,
dans Les Cavernes, on en apprend un peu plus sur cette
fameuse « Mantrisse », mais les révélations
finales auront lieu dans le cinquième tome.
Je vais enfin expliquer ce qu’est la « Mantrisse » !
Ce second cycle sera-t-il constitué de cinq
tomes comme c’était le cas d’Aldébaran ?
Oui, l’expérience du premier cycle m’a
montré que c’était une bonne taille
pour raconter une histoire relativement complexe, sans être
trop longue. Je ne veux pas que mes lecteurs attendent
dix ans pour connaître la fin. C’est un
format que j’aime bien, il permet également
de faire des intégrales de chaque cycle en regroupant
dans un même album les cinq épisodes.
Avez-vous prévu un troisième
cycle ?
Oui, bien sûr, j’en prépare un nouveau.
Il s’appellera Antarès…
Vous cessez donc de suivre l’ordre alphabétique
: Aldébaran , Bételgeuse…
C’était vraiment par hasard ! Je recherche
des sonorités qui me plaisent dans la liste
des noms d’étoiles. Ce sera aussi un cycle
de cinq volumes. J’ai envie de faire évoluer
la série vers quelque chose de plus complexe,
d’un peu différent. Nous retrouverons
le personnage de Kim mêlée à de
nouveaux problèmes dans une nouvelle planète
cette fois bien différente de la Terre, avec
une faune et une flore très bizarres.
Avec Aldébaran,
nous avons découvert
votre étonnante imagination pour créer
des animaux…
Disons qu’Aldébaran est ma série
naturelle, la plus personnelle, celle que je voulais
faire depuis longtemps : une série réaliste
se déroulant dans un futur assez proche et sur
une planète pas trop différente de la
Terre. On y trouverait une ambiance semblable à celle
du Brésil, avec un climat tropical, chaud, à la
végétation verdoyante. La touche exotique,
extraterrestre, viendrait de quelques plantes étranges
ici et là et, surtout, de la faune composée
d’animaux bizarres. Cela permettait de montrer,
tout de suite, que nous étions dans une planète
autre que la Terre.
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Comment créez-vous ces animaux
?
Je ne sais pas ! Ils naissent de mon imagination. Je
feuillette des livres sur les animaux préhistoriques
ou sur les insectes et je retiens certaines formes.
C’est assez inconscient comme création.
J’aime bien les insectes : ils ont des formes
différentes, incroyables. En reprenant ces
formes d’animaux minuscules pour créer
des bêtes très grandes, cela les rend
bizarres, effrayantes. Je ne crois pas que j’invente
beaucoup, je prends des choses différentes
et les assemble. Je m’efforce de faire des
animaux crédibles, qui pourrait exister.
Aldébaran , Bételgeuse,
et bientôt
Antarès :
il s’agit vraiment de votre
grand projet…
Il s’agit en effet de mon projet, de mon histoire.
Mais au départ je ne savais pas qu’il
allait prendre une telle importance, avec plusieurs
cycles de plusieurs tomes. J’ai essayé de
faire ma propre série en arrivant en France,
mais ça n’a pas marché. A l’époque,
mon projet n’était pas encore abouti.
J’avais de nombreuses idées, mais ce n’était
pas suffisant pour lancer une série. Heureusement
est apparu Rodolphe avec qui j’ai fait Trent,
chez Dargaud.
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Comment avez-vous rencontré Rodolphe
?
Il est venu me chercher. Il avait le projet d’une
histoire qui se passait dans une prison. Il a pensé à moi
car j’avais fait une petite histoire vraie qui
se déroulait dans une prison. Il m’a appelé :
je le connaissais de nom, je connaissais ses albums,
cela m’a vraiment étonné qu’il
pense à moi ! Nous avons préparé ce
projet, mais ça n’a pas marché.
Puis est venu Trent, un personnage qui m’a tout
de suite plu : le Canada, la veste rouge, la neige…
On est loin du Brésil…
Tout à fait, c’est justement pour ça
que Trent m’a plu, c’était un défi
pour moi de dessiner cet univers. Après huit
tomes, nous avons interrompu Trent sans pour autant
arrêter la série. Nous avons commencé Kenya en pensant pouvoir faire des nouveaux épisodes
de Trent en alternance avec ceux de Kenya. Mais Kenya marchant très bien, nous n’avons pas envie
de faire un break pour le moment.
Puisque vous en parlez, évoquons Kenya.
Alors que vos lecteurs attendaient la suite de
Bételgeuse,
vous sortez cette nouvelle série avec Rodolphe…
J’arrive à faire deux albums en quatorze
mois. J’ai toujours pensé qu’il
fallait laisser un peu de temps entre deux tomes d’une
même série. Pour le lecteur comme pour
l’auteur, il faut laisser du temps, pour avoir
du recul entre deux épisodes. Sortir tous les
six mois un tome ne me semble pas être une bonne
chose. Ce serait trop rapide. Quand je termine un album,
je suis encore totalement dedans, je suis très
fatigué. C’est impossible d’écrire
la suite dans la foulée. J’avais donc
le temps de faire une nouvelle série.
Est-ce que Kenya était aussi le
moyen pour vous de retravailler avec Rodolphe ?
Non, il n’y a pas eu d’interruption dans
notre collaboration. Pour Trent, nous nous voyions
régulièrement. On déjeunait souvent
ensemble. Un jour, on s’est dit qu’on était
déjà au huitième tome de Trent et que nous pourrions faire un break, pour souffler
un peu. Nous avons alors lancé, comme ça,
nos envies sur le type d’histoire, l’époque,
les personnages. Et petit à petit nous sommes
arrivés à l’idée centrale
de Kenya : une histoire qui se passerait au Kenya,
après la deuxième guerre et qui aurait
comme personnage principal une femme. Et, surtout,
une histoire qui mélangerait des apparitions
d’animaux préhistoriques et de soucoupes
volantes…
… sur fond de safari africain ! C’est
une histoire étonnante…
Je l’espère !
Extrait de Kenya T2
© Léo,
Rodolphe, Dargaud |
L’accueil de Kenya est
bon, non ?
Oui, c’est une série qui marche très
bien. Ça m’a surpris d’ailleurs.
C’est très différent de Bételgeuse et de Trent. Nous ne savions pas comment les lecteurs
allaient réagir. Il n’y a pas tellement
de logique dans le succès d’une BD. Parfois
d’excellentes histoires ne marchent pas du tout,
sans qu’on comprenne pourquoi.
Quand paraîtra le troisième
tome de Kenya ?
En juin 2004 si tout se passe bien. J’ai de quoi
m’occuper entre le dessin de cet album, l’écriture
du dernier tome de Bételgeuse, la préparation
d’Antarès pour laquelle je commence à prendre
des notes, à faire des recherches. Comme on
en parle déjà sur la couverture des albums, ça
commence à m’angoisser énormément
! Qu’est-ce que je vais raconter ? Heureusement,
quand je suis en train de dessiner un album, j’ai
tout le temps de penser à mes autres projets.
Vous écrivez également une autre série,
en tant que scénariste cette fois-ci…
C’est une expérience très intéressante.
Je ne pensais pas être capable d’écrire
pour un autre dessinateur. C’est la première
fois que je fais cela. C’est arrivé par
hasard. Je connaissais le travail de Sergio Garcia,
sa série Géographie martienne qu’il
faisait chez Dargaud Benelux. J’adorais son dessin
et trouvais hyper dommage que cette série ne
marche pas. J’ai dit à l’éditeur
qu’il ne fallait pas le laisser tomber, que c’était
un excellent dessinateur, qu’il fallait lui trouver
autre chose, peut-être lui proposer un scénariste… Et
l’éditeur m’a répondu de
lui écrire quelque chose ! J’ai hésité au
départ, mais l’éditeur a insisté,
Sergio aussi. On se connaissait déjà et
je parle un peu d’espagnol, ce qui facilitait
les choses. J’ai fini par accepter et la série
est ainsi née. Dexter London comprendra trois
tomes. Sergio est professeur de bande dessinée à Barcelone,
il ne travaille donc pas à plein temps sur la
série.
Extrait de Dexter London
T2 © Garcia,
Léo, Dargaud |
Comment cette série a-t-elle été accueillie
?
Disons que l’accueil est normal, sans plus. Les
lecteurs ont été déroutés,
je crois, de voir le dessin de Sergio dans un album
signé Léo. Les critiques sont toutes
bonnes, mais les ventes restent normales.
C’est une consécration d’écrire
pour d’autres ?
Je ne sais pas. C’est vrai que cela m’a
touché, cette confiance de la part de Dargaud.
Je prends beaucoup de plaisir à écrire
pour une autre personne.
Vous arrive-t-il de vous retourner sur
votre parcours, depuis vos premiers travaux publiés au Brésil à votre
actuelle réussite ?
Bien sûr. J’ai récemment fait une
exposition à Bruxelles : on m’a demandé de
montrer aussi des choses anciennes. J’ai retrouvé ce
que je faisais alors que j’habitais encore au
Brésil. C’est impressionnant de voir combien
le temps a passé vite ! Vous savez, au départ,
quand j’ai commencé, c’était
l’incertitude totale, je n’étais
sûr de rien.
C’était un rêve d’être
publié en France ?
Oui, vraiment. Mes débuts en bande dessinée
ont été laborieux. Quand j’ai commencé à pouvoir
vivre de la BD grâce à la série
Trent, c’était déjà quelque
chose d’énorme pour moi ! Après,
de pouvoir réaliser Aldébaran, de voir
que la série plait, d’être sollicité par
les journalistes… c’est incroyable ! C’est
fantastique de réaliser son rêve.
J’imagine que vous ne préparez
pas autre chose ?…
Non, pour le moment, j’ai largement de quoi faire
! Je travaille trop, parfois sept jours par semaine,
c’est fatiguant ! Je dessine surtout en début
de journée, c’est la période où je
suis plus performant côté dessin. J’écris
mes scénarios plutôt en fin de journée,
et pendant les jours de pause, surtout entre un album
et autre.
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