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Daniel Picouly, pourquoi avez-vous accepté
la proposition d'Emmanuel Proust d'adapter un de vos
romans en bande dessinée ?
Daniel Picouly : Emmanuel est un jeune éditeur,
rempli d'enthousiasme et de courage. Il m'avait déjà
approché lorsqu'il travaillait pour Le Masque.
Les critiques disent volontiers que mon écriture
est imagée. La proposition d'Emmanuel était
donc l'occasion de mettre des images sur mes textes.
Et puis, comme beaucoup de romancier, je travaille seul,
et me demandais donc ce que pouvais m'apporter une collaboration
avec une tierce personne. J'ai aujourd'hui des éléments
de réponses
J'avais également été sensibilisé
au monde de la bande dessinée, puisque j'ai été
membre du jury du Festival d'Angoulême. J'y avais
découvert un formidable moyen d'expression et
des illustrateurs hors pairs. J'avais reçu quelques
176 albums pour l'occasion. Cela m'a d'ailleurs valu
les foudres de ma concierge. A l'époque, j'habitais
au sixième étage d'un immeuble (rires).
Mais ce n'est pas bien grave !
Vous auriez pu travailler pour le cinéma,
pour combler votre solitude
DP : Je collabore épisodiquement avec
ce milieu. Mais ce sont des projets à très
long terme, et qui bien souvent n'aboutissent pas. La
bande dessinée offre l'avantage d'avoir rapidement
la traduction matérielle de son travail.
N'avez-vous pas eu trop de difficulté
à apprendre le langage narratif propre à
la BD ?
DP : Je suis toujours en formation. C'est un
moyen d'expression qui a ces propres codes. J'apprend
d'une manière pragmatique et essaie de peaufiner
ma technique
Pourriez-vous résumer la trame de Tête
de Nègre ?
DP : Au cur de la Révolution, deux
blacks, sont chargés par une famille aristocrate
de retrouver une tête de nègre, guillotinée.
Il s'agit d'un polar sur fond historique, avec un peu
d'humour. Nous y avons inclus quelques anachronismes
qui nous permettent d'éviter de tomber dans une
reconstitution historique. Mais après tout, Hermann
dans Comanche a bien dessiné un japonais
avec un appareil photo moderne.
Jürg, comment êtes vous entré
dans le giron de votre éditeur ?
Jürg : Emmanuel avait remarqué différents
petits livres que j'éditais, avec des amis, sous
le label Hécatombes. Il s'agissait de bandes
dessinées indépendantes. Nous ne pensions
même pas à les présenter aux grands
éditeurs. Emmanuel Proust m'a proposé
d'adapter un roman de Jean-Bernard Pouy, A
L'ombre des Etoiles, pour les Editions du Masque.
Quelques mois plus tard, il a décidé de
fonder sa propre maison d'édition. Il avait lu
Tête de Nègre et voulait en faire
l'adaptation. J'ai toujours pensé que c'était
un art difficile d'adapter un roman, car ceux-ci ont
souvent un côté trop littéraire.
Mais j'ai remarqué que le livre de Daniel Picouly
était facilement transposable en bande dessinée.
Il contenait peu de texte off et le lecteur suivait
les personnages, selon leurs pérégrinations.
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N'est-ce pas trop difficile de travailler avec
un écrivain ?
J : Pas du tout. Je suis assez libre. J'ai réalisé
l'adaptation du premier album, c'est à dire le
découpage en séquence et en planche. Puis,
j'ai proposé mon travail à Daniel. Celui-ci
m'a donné son avis et avons adapté ensemble
certaines scènes.
Et le prochain album ?
DP : Les deux prochains titres constitueront
une histoire inédite. Nous réalisons actuellement
le découpage des séquences ensemble
N'avez-vous pas l'impression d'être prisonnier
du genre ? Une scène d'émotion peut être
développée en une trentaine de page dans
un roman. Par contre, elle ne fera pas plus d'une page
en BD ?
DP : La concision et l'ellipse sont également
des techniques narratives. La longueur de la scène
n'a pas d'importance, mais plutôt l'émotion
que l'on arrive à y inclure, que ce soit par
le texte ou l'image. Certaines sont plus percutantes
dans une BD que si elles étaient transposées
en dix pages d'un roman
Vous êtes un scénariste multimédia
: roman, bande dessinée et scénario de
film. Lorsque vous avez une idée, savez-vous
dans quel genre vous allez l'adapter ?
DP : Oui. Mais si je n'ai pas le temps de les
traiter en roman, je les destine à un autre genre.
Ecrire un roman constitue presque neuf mois de travail
en continu. C'est du temps malheureusement incompressible
! Pourtant, il faut que les idées soient exploitées
sinon elles m'engorgent ! Ecrire une bande dessinée
ou un scénario de film prend beaucoup moins de
temps.
Avez-vous d'autres projets de bandes dessinées
?
DP : Je prépare un album avec Munoz
qui sortira chez Casterman, à l'occasion du festival
d'Angoulême. L'histoire narrera l'histoire d'un
politicien de haut niveau. L'homme devait être
premier ministre et va être rattrapé par
son passé de banlieusard.
Munoz est un dessinateur d'ambiance, à
l'instar de Jürg
J : J'aime jouer sur les noirs, pour faire passer
plus d'émotion. Il faut parfois savoir tricher
sur une perspective, sur un mouvement ou sur anatomie
pour se mettre au service de l'histoire.
D'autres projets ?
DP : Je réfléchi également
à un projet de série. Il s'agira d'un
récit basé sur ce que j'appelle de la
science-fiction au quotidien. C'est dans la vie de tous
les jours que l'on trouve parfois les choses les plus
étranges. Mais il est un peu tôt pour en
dire plus. La BD va donc faire partie ma vie pendant
un bout de temps (rires). J'écris également
un roman qui se déroule en 1799. Une fresque
qui ferra office de suite à un de mes autres
livres, L'enfant Léopard.
Propos recueillis par Nicolas
Anspach en Septembre 2002
© Auracan.com 2002
Remerciements à Emmanuel Proust
et aux auteurs
© Picouly, Jürg & Emmanuel
Proust
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