Vous avez expérimenté la technique
de la couleur directe avec Western.
N'avez-vous pas envie d'utiliser cette technique sur
votre série principale ?
Non, je n'en ai pas le droit. Comme je l'expliquais,
je veux conserver le style constant sur la série.
Je souhaite garder mon public et je pense qu'il ne veut
pas de profond changement graphique.
Certains auteurs, comme Hermann sur sa série
Jeremiah notamment, ont pourtant
franchi le pas et ont évolué vers la couleur
directe...
Je ne connais pas bien les dernières productions
d'Hermann. Je préfère ne pas porter de
jugement sur son travail car, au début de ma
carrière, il a été mon maître.
Nous avons à peu près le même âge,
mais lorsque j'ai débuté, il avait déjà
une bonne expérience du métier. Alors
que moi, je débarquais d'une autre planète
avec la volonté d'apprendre. Je ne savais pas
comment on réalisait une BD. Il m'a beaucoup
conseillé.
Je vois les choses d'une manière, lui d'une autre.
Chacun est libre. Chacun a raison.
N'avez-vous pas envie de faire un album entièrement
seul ?
Non, je suis essentiellement un illustrateur. J'ai écrit
des textes un peu par accident. C'était à
mes débuts. Ce n'était pas le meilleur,
pas le pire non plus. Maintenant que je suis un professionnel
de la communication visuelle, je ne veux pas être
un écrivain amateur. J'ai beaucoup de considération
pour le scénariste.
Vous nous aviez confié en 1993 que La
Complainte des Landes Perdues serait un one-shot
en un album. Finalement, vous en avez dessiné
quatre. Et la série continue maintenant avec
Philippe Delaby. Comment expliquez-vous cela ?
Le but était de réaliser un album plus
épais. Mais il fallait que je respecte les lecteurs
de Thorgal et que je sorte aussi un album de
cette série la même année. On a
donc décidé de scinder l'histoire en deux
volumes. Lorsqu'on travaille sur une série, le
principal, c'est la régularité. Si vous
ne sortez pas un album par an, l'attente est difficile
à supporter pour les lecteurs. Si, après
deux ans, il n'y a toujours pas de nouveauté,
cela devient grave. Si à la troisième
année, il n'y a pas cette locomotive qui tire
les wagons que sont les titres précédents,
on peut dire que ce train est un peu oublié et
que d'un côté, il commence à rouiller.
Evidemment, si on en arrive à une quatrième
année sans nouvel album, on peut dire que la
série est foutue. Il est absolument indispensable
de ne pas léser le public, même si les
ventes augmentent, même si vous sortez un one-shot.
Lorsque je réalisais Le Grand Pouvoir du Chninkel,
j'ai dû y travailler en parallèle avec
Thorgal. Ce n'était ni bon pour Thorgal,
ni pour le Chninkel. Je devais constamment changer
d'univers et d'état d'esprit. Je n'ai pas voulu
refaire cette expérience avec La Complainte.
|
Pourquoi avez-vous dessiné deux tomes
supplémentaires ensuite ?
J'ai cédé à la pression qui venait
du public, des libraires et de mon éditeur. Jean
Dufaux me disait aussi qu'il était possible d'encore
exploiter cet univers. Et il avait raison. C'est ma
femme qui m'a convaincu
comme d'habitude. (Rires).
C'est elle qui tire les ficelles. (Rires). J'ai
donc signé pour deux albums de plus. Maintenant
que Jean Dufaux poursuit avec Philippe Delaby, on peut
appeler cela une série.
Pourquoi avez-vous abandonné Hans
?
Je l'ai confié à Kas pour pouvoir mieux
me remettre à ma série principale. Je
ne peux pas dessiner deux séries à la
fois, avec la même force et le même état
d'esprit. Je préfère me diversifier en
réalisant des histoires complètes en marge
de Thorgal, plutôt que de travailler sur
deux séries.
Pourquoi le projet de dessin animé de
Thorgal est-il arrêté
?
Il faudrait poser la question au producteur. Au début
du projet, j'ai dessiné des tas de croquis. Je
ne sais pas ce qui s'est passé. Peut-être
que cela se remettra en route un jour. Actuellement,
il y a des projets de films, de longs métrages,
avec des essais de scénarios. J'espère
que ce ne sera pas la même histoire ! Non, je
pense que c'est plus sérieux. Je ne peux pas
vous en dire plus car c'est mon fils qui s'occupe de
ce projet. Je ne veux pas crier trop vite « hourra
».
C'est aussi votre fils qui a monté cette
superbe exposition rétrospective sur votre uvre,
pour la 30e édition du Festival d'Angoulême
Oui, il a abattu un travail énorme. C'est lui
qui a choisi les dessins dans mes archives. Il a aussi
réalisé le court métrage que l'on
peut voir dans l'exposition. Dans un climat clair-obscur,
ce petit film explique pourquoi je ne travaille pas
le matin. Parce que c'est impossible avec le soleil
en pleine figure. Le jour, il n'y a pas autant de mystère.
La nuit, c'est le mystère, c'est fantastique.
C'est ce que je disais à propos du dessin, il
y a quelque chose qui se cache dans l'ombre qui réagit
sur notre imagination. Et vous pouvez essayer d'imaginer
tout. La journée, tout est évident, il
n'y a rien à ajouter, à créer,
tout est déjà fait sur une petite étude
d'atmosphère
C'est aussi mon fils qui s'occupe du site officiel consacré
à Thorgal. Mon fils m'est devenu absolument
indispensable.
Interview réalisée
par Marc
Carlot et Dimitri
Carlot, en janvier 2003
Copyright © Auracan, 2003
Reproduction, même partielle, interdite sans autorisation
préalable
Merci à Grzegorz Rosinski pour sa gentillesse
et sa spontanéité,
et à Diane Rayer pour nous avoir permis de réaliser
cet entretien.
Illustrations :
Thorgal © Rosinski, Van Hamme, Le Lombard
La Complainte des Landes Perdues © Rosinski,
Dufaux, Delaby, Dargaud
|