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Philippe Sternis a signé Pyrénée,
l'un des albums les plus remarqués de l'année 1998, sous
un scénario de l'auteur de Peter Pan. Le style graphique
de Sternis, dans ces dernières productions, était plus classique.
Loisel, véritable découvreur de talents, a aiguillé
le style de son dessinateur vers un graphisme plus personnel
pour servir au mieux son histoire bucolique.
Philippe Sternis fourmille de projets
et, comme le témoigne ses dernières planches, est en passe
d'avoir un talent comparable à son "conseiller".
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Vous
étiez plutôt discret ces dernières années, Philippe Sternis.
Oui. Pyrénée est paru à la fin 1998. Et le premier album
de Solo en 1994 aux éditions Dargaud. J'avais pourtant
enchaîné sur le deuxième: une trentaine de planche ont été dessinée.
Mais des problèmes personnels m'ont contraint de poser mon crayon
pendant quelque temps. L'éditeur a perdu patience et m'a contraint
d'arrêter la série.
Je n'ai jamais désespéré de pouvoir reprendre cette histoire.
Certaines personnes nous ont accordé leur confiance en achetant
Solo. Par respect pour celles-ci, j'aimerai terminer cette
histoire. Le récit était prévu pour être publié en quatre albums.
J'ai longtemps hésité à transformer Solo en un roman graphique
de cent vingt planches.
Mais, j'ai rencontré dernièrement un dessinateur qui me semble
être capable de reprendre Solo. Celui-ci reprendrait l'histoire
où je l'ai laissée. Je me chargerais des couleurs et Claude Carré
du scénario. Nous espérons trouver rapidement un éditeur.
Tout comme Pyrénée, Solo était une histoire
où les relations entre les personnages étaient primordiales.
C'était une histoire intimiste. Un homme d'affaire d'une quarantaine
d'année qui craque sous l'effet du stress. Il quittait son travail
pour marcher. Au fil des étapes de son « pèlerinage », il rencontrait
des personnes et se marginalisait de plus en plus.
Pyrénée, votre dernière création, est restée
pendant plus d'une décennie dans les cartons de Loisel.
Régis a donné vie au personnage au début des années '80.
Il en avait fait de petits gags et avait dessiné sept planches.
Entre temps, il a démarré la Quête de l'Oiseau du Temps
avec Le Tendre, puis Peter Pan.
Suite à mes problèmes personnels, j'ai été travaillé sur le deuxième
Solo dans l'atelier du Granit (atelier breton composé,
à l'époque, de Loisel, Kraehn & Vicomte) pendant quelques jours.
Je connaissais Régis depuis l'atelier Bergam. Au début des années
'80, certains dessinateurs travaillaient ensemble rue Bergam,
à Paris. Loisel, Lacaf, Gabrion, Vicomte et Taffin étaient de
ceux-là.
Lors de mon passage à l'atelier du Granit, Régis Loisel m'a fait
découvrir que je ne donnais pas le meilleur de moi-même dans les
histoires contemporaines. J'en étais lassé. Nous en avons discuté
et, de fil en aiguille, Régis m'a proposé de travailler sur Pyrénée.
Est-ce
au fil de votre discussion que vous avez décidé de faire de Pyrénée
une histoire complète ?
Régis Loisel avait déjà l'idée d'en faire une histoire complète.
Après notre discussion sur Pyrénée, j'ai relu la monographie
que Mosquito lui avait consacrée et lu les quelques pages de Pyrénée
qui y étaient incluses. Lorsque Dargaud a arrêté Solo,
je me suis retrouvé sans travail. Régis a alors travaillé le scénario.
J'ai dessiné les dix premières planches dans le même style graphique
que Solo. Un style plus léger, classique. Nous nous sommes
vus. Il a commenté mes planches : « C'est bien ! . Mais il faut
recommencer. Cela doit être très bien ! ». Régis est un perfectionniste.
Il ne voulait pas de ces pages. Ses paroles ont été dures car
je m'étais quand même donné dans ces planches. Loisel m'a conseillé
de modifier ma méthode de travail et d'utiliser le crayon pour
en tirer les effets de matière que vous trouvez dans l'album.
Je me suis fait violence en repartant sur de nouvelles bases de
travail. Petit à petit, j'ai trouvé les caractéristiques graphiques
de Pyrénée, de l'ours et de l'aigle. Régis, grâce à son regard
critique, m'a offert un tremplin. Je savais que je pouvais quitter
le style graphique de Solo, mais mon esprit était embrumé par
mes problèmes affectifs. Régis m'a poussé à bout. Et je l'en remercie
!
Pourrait-on
résumer les ambiances de Pyrénée par ces mots : la beauté de l'histoire,
la simplicité et la profondeur des dialogues, la poésie du dessin
?
Tout à fait ! Nous voulions que l'album soit simple et beau. Le
lecteur devait être attiré, en ouvrant l'album, par le regard
bucolique et contemplatif que nous portons à la vie. En même temps,
cette histoire n'est pas niaise. Elle pose les vrais problèmes
de la vie. C'est une histoire qui est dans la lignée du Livre
de la Jungle de Kipling. Il n'y a pas de message, mais plusieurs
niveaux de lecture. Nous avons travaillé ensemble les dialogues.
Régis est intervenu dans la mise en scène des planches.
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