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Le douzième tome des Innommables de Yann et Conrad est
sorti, il y a peu, chez Dargaud. Nous en avons
profité pour les rencontrer
et faire le point sur cette collaboration qui
tient sa source dans les pages du journal de Spirou…
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Les Innommables est
une série qui a connu
de multiples péripéties éditoriales.
Débuts dans Spirou, première édition
en album chez Temps Futur, puis chez Bédéscope.
Arrêt pendant de longues années, puis
nouveau départ sous le label Dargaud.
Yann : C’est lié à des concours de
circonstances qui échappaient à notre volonté.
Nous n’y sommes absolument pour rien. Charles Dupuis
a cru voir des choses dans les pages. Des éditeurs
ont fait faillite…
Conrad : Cela tient aussi au fait que nous n’avions
pas formaté cette série comme un produit.
Au départ, on travaillait uniquement dans l’optique
du journal. On était contre les albums, car on
trouvait que c’était un truc de ringards.
Quand on nous a demandé de réaliser des
46 pages sur fond blanc, on a fait des 60 pages sur fond
noir. Il n’y avait pas de démarche ni rationnelle,
ni commerciale de notre part. Nous voulions seulement
que ce soit créatif pur porc.
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Après quelques cases, le soit disant héros
de l’histoire se fait écraser par une
voiture. Cela fait partie de l’anticonformisme
de la série. Saviez-vous où vous alliez
en créant l’univers des Innommables ?
C : On nous avait dit de faire quelque chose dans le
style roman-feuilleton. On pouvait faire 300 pages
si on voulait. Evidemment, on nous a interrompu au
bout de 48 pages… parce qu’on foutait le
bordel dans le journal. On mettait en scène
des prostituées. Il y avait plein de morts. Ça
ne se faisait pas…
Tim |
Ce n’était effectivement pas formaté « Spirou »…
C : C’est pour cela qu’on avait mis des
bords noirs. Pour qu’on voit que ce n’était
pas du « Spirou » normal. Un peu dans la
même optique que le Trombone Illustré,
qui n’était pas non plus conventionnel.
Comment se fait-il que la série a été relancée
sous le label Dargaud ?
C : Quand Bédéscope a coulé, Yves
Schlirf avait déjà envie de poursuivre.
Mais il n’était que libraire à l’époque.
Donc, quand il a pris ses fonctions de directeur éditorial
chez Dargaud, il nous a tout naturellement demandé de
relancer la série. Mais il fallait bien évidemment
produire une nouveauté avant de rééditer
tout ce qui existait déjà.
Nous pensions que nous avions sabordé la série
et que cela n’intéressait plus personne.
Il nous a convaincu du contraire. Nous l’avons
suivi et deux mois plus tard, Yann lui présentait
une histoire.
Pour quelle raison avez-vous planté le décor
principal de la série en Asie ?
C : A l’époque, on nous avait bloqué Cloaques.
Il nous fallait trouver quelque chose rapidement. J’ai
confié à Yann que j’avais envie
de dessiner des jonques. Et je lui ai demandé s’il
pouvait écrire une histoire qui se passe à Hong
Kong.
Y : Le premier jour après qu’il m’ait
dit cela, je devais marcher pour réfléchir
et je me suis rendu au Musée de la Marine. Je
leur ai demandé s’ils avaient des jonques. « Non
! » m’ont-ils répondu. Des sampans
? « Non ! ». Des livres sur le sujet ? « Non
! » Vous croyez qu’on peut en trouver ? « Non
! ». Je me suis dit : « là, on commence
très fort ». (Rires). Il faut rappeler
qu’à l’époque, c’était
la préhistoire, il n’y avait ni cassette,
ni DVD. Ce qui limitait fortement les sources de documentation.
Mac et Alix... |
Le sexe est assez présent dans
les Innommables…
C : Comme dans la vie. Cela donne plus de réalité à ce
qui se passe. Sinon c’est trop humoristique.
Y : D’accord, il y en a plus que dans Buck Danny,
mais cela reste correct.
C : Mais dans les Schtroumpfs aussi, il y a énormément
de sexe. Dans le Schtroumpf noir notamment. Souvenez-vous
de tous ces « Gnap ! »… C’était
symbolique, mais c’était la même
chose.
Y : Ils n’avaient pas de Schtroumpfette à l’époque,
ils se débrouillaient avec les moyens du bord.
Vous avez introduit toute une série de gadgets
avec les albums : couvertures différentes, fins
différentes, mini-album... Pourquoi ?
C : Cela reste dans la logique de
ce qu’on faisait
dans le journal Spirou. On poursuit cette idée,
dans le cadre des albums, en proposant des choses un
peu inhabituelles. Dans le dernier tome, nous avons ajouté
un mini-récit de Bébert le Cancrelat.
C'est un peu de lecture supplémentaire offerte à nos
lecteurs.
Bob Marone est une série mythique qui a laissé beaucoup
de bons souvenirs à ses lecteurs…
C : Nous l’avons reprise depuis
quelques mois dans Fluide Glacial. On la met en place
petit à petit.
Yann réalise le scénario. Je le retravaille
et je le mets en page. Puis je passe le tout à Joan
qui dessine. Notre souhait est de mettre
plusieurs dessinateurs sur le projet. Il y a pas mal
de dessinateurs qui sont titillés par l’idée
de dessiner des homosexuels. Je ne sais pas pourquoi.
Bob Marone est une série basée sur Bob
Morane, qui comporte énormément d’albums.
Cela ne demande pas un style figé par contre.
Donc, c’est intéressant de faire travailler
des gens différents là-dessus.
Avez-vous déjà beaucoup d’idées
de scénarios ?
C : Cela vient extrêmement vite.
Y : On y retrouve tous les archétypes de l’aventure.
Bob Morane était déjà un condensé de
tous les archétypes sur la cité inca
perdue, l’animal crypto zoologique disparu et
retrouvé, etc.
C : Mais on veut rendre cela plus
actuel et ne pas figer le récit dans les années
50. On veut pouvoir imaginer des histoires qui se déroulent à des
périodes différentes.
Tony |
Depuis trois albums, vous avez lancé un cycle
américain. Vous changez de décor, mais
vous gardez les protagonistes de l’aventure originelle.
N’avez-vous pas envie d’imaginer quelque
chose de plus différent, une nouvelle série
par exemple ?
C : Nous avons choisi une solution intermédiaire.
Nous allons garder le personnage d’Alix pour
créer de nouvelles aventures. C’est à la
fois nouveau tout en gardant le même univers.
Y : Le prochain Innommables, qui sortira, sera sans
les Innommables.
C : Et ce ne sera pas la même série. On
ne gardera ni le titre, ni la même maquette –ce
ne sera pas édité en grand format. Nous
commencerons par deux tomes de 45 planches. Puis nous
alternerons avec les Innommables.
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