Titeuf et le Guide du Zizi
Sexuel occupent les premières places
du top 50 des meilleures ventes, selon Livres Hebdo.
Votre personnage est devenu un véritable phénomène
Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Je suis le Madonna de la bande dessinée ! (rires).
Blague à part, c'est un très grand plaisir.
Je réalise des livres afin qu'ils soient lus.
Beaucoup d'auteurs n'ont pas cette chance. Ils passent
des mois à travailler sur une bande dessinée,
qui ne sera finalement visible que quelques semaines
en librairie
C'est donc très encourageant
de voir que mes albums continuent à se vendre
toute l'année. Je dessine chacun d'eux avec la
même passion et énergie qu'un one-shot.
Lorsqu'un de mes albums sort en librairie, je suis hyper
content. Bien entendu, après quelques semaines,
je vois tous les défauts et j'ai envie de me
remettre au travail.
Le succès de Titeuf
a-t-il changé votre manière de travailler
? Vous avez plus de responsabilité envers les
lecteurs
Le commercial et l'artistique sont deux choses distinctes
et totalement séparés. Je ne détermine
pas le tirage de mes albums. Mon éditeur me prévient
: "on va tirer ton prochain album à un
million quatre cent mille exemplaires !". J'en
suis le premier surpris. Mais cela ne me concerne finalement
pas. C'est plutôt du ressort de l'éditeur
et de ses commerciaux, ainsi que des libraires. Lorsque
je dessine, je suis assez loin de ce côté
commercial. Le livre est réalisé avant
que l'on ne commence à parler tirage. Et puis,
de toute manière, je ne me dis jamais que tel
ou tel gag va s'adresser à plus d'un million
de lecteur. Je réalise Titeuf avant tout pour
me faire plaisir...
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Votre processus créatif reste donc un
plaisir
Oui. Je note mes idées dans un cahier et rigole
de certains gags, presque d'une manière infantile.
Je peux même être ému par certains
sujets. Des vagues de mon enfance reviennent et me submergent.
Je les attrape et réalise un découpage
du gag. Je les montre à mon directeur de collection
et nous sélectionnons les meilleurs. Pour La
Loi du Préau, j'ai ainsi inventé 115
gags différents, mais n'en ai gardés,
en définitive, qu'un peu moins de cinquante.
J'aime avoir ce regard extérieur sur mon travail.
Il a une vision globale de l'univers de Titeuf et des
histoires incluses dans les albums précédents.
C'est important, car je ne les relis jamais. Parmi les
planches rejetées, il y a souvent des idées
que j'ai déjà exploitées. Et d'autres
peu mûres. C'est normal, puisque lorsque je travaille,
un côté infantile et régressif m'envahit.
J'écarte donc ces idées pour éventuellement
les exploiter plus tard.
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Vous relisez parfois les gags non sélectionnés
?
Parfois !
Avant de remettre au travail sur un
nouveau Titeuf. Cela me permet de me remettre dans le
bain. De temps en temps je trouve l'une ou l'autre ébauche
réussie, mais c'est plutôt rare. Cela me
fait un début d'album (rires).
Vous abordez des thèmes délicats
dans Titeuf, comme celui du sexe par exemple.
Mais vous gardez une certaine élégance,
une justesse de ton qui vous permet d'échapper
à la vulgarité. N'avez-vous pas l'impression
d'avoir ouvert la voie ?
Je ne sais pas. Je n'ai jamais inventé
un gag de manière volontaire. Ma manière
de travailler est tout le contraire. Je fonctionne à
l'intuition. Comme je vous le disais, mon enfance ressurgit
lorsque j'essaie de trouver des idées. A l'école,
je parlais beaucoup de sexe avec les copains. Nous n'étions
pas encore dans l'adolescence, mais nous nous rendions
compte que notre avenir allait être vachement
organisé autour de cela. Mettez-vous dans la
peau d'un gosse de dix ans : embrasser une fille ou
avoir des rapports sexuels avec elle, cela n'a aucune
signification. L'enfant n'est pas attiré sexuellement
par les filles. Il trouve même cela dégueulasse.
Par contre, à cet âge, c'est la classe
d'avoir une copine, mais c'est embêtant de passer
ses samedis après-midi avec elle ! Cette réflexion
est venue naturellement. Je l'ai notée et j'ai
établi certains gags de Titeuf autour de ce thème.
On me reproche souvent que Titeuf parle beaucoup de
sexe. C'est tout le contraire. Proportionnellement à
l'ensemble de la série, j'aborde minoritairement
ce thème. Mais effectivement, vous avez raison
: parler de sexe dans une BD tout public, c'était
inhabituel. Je n'apprécie guère la BD
volontaire, réalisée par des auteurs qui
veulent un quota de ceci ou de cela. Certains se disent
que c'est important de parler d'homosexualité
ou de la mort. Ces bandes dessinées sont trop
positives et leurs contenus ont tendance à être
trop adulte. En fin de compte, Titeuf n'est pas un personnage
positif. Il se pose beaucoup de questions sur la vie,
sans apporter de réponse.
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Mais vous cultivez cette étiquette en
publiant le Guide du Zizi Sexuel.
C'était un livre nécessaire. Tant qu'à
faire un guide, autant qu'il soit utile ! Nous étions
partis du principe des manuels du Castor Junior, mais
orienté sur la sexualité. Il n'y en a
jamais eu. Nous nous sommes demandés, Hélène
Bruller et moi, quel livre aurait-on aimé avoir
à l'âge de Titeuf
Et c'était
évident.
Pour terminer cette interview, pourriez-vous
lever le voile sur vos projets ?
Les éditions Dupuis vont publier en un seul tome
Les Filles Electriques et L'Enfer des Concerts.
Je prépare également, avec Hélène,
un livre d'illustrations appelé Les Mini-justiciers.
Celui-ci mettra en scène des animaux super-héros.
Il y aura tout de même quelques planches de bandes
dessinées. Il devrait sortir au milieu du premier
semestre 2003.
Propos recueillis en exclusivité
par Nicolas
Anspach en septembre 2002
Reproduction interdite sans autorisation préalable
© Auracan 2002
Remerciements à Catherine Jacquemart
et Paul Herman des Editions Glénat
Illustrations extraites de Titeuf
- T9: La Loi du Préau © Zep, Glénat
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